Analyse de Le goût du néant de Baudelaire
Poème
Le goût du néant
Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,
L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur,
Ne veut plus t'enfourcher ! Couche-toi sans pudeur,
Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle butte.
Résigne-toi, mon cœur ; dors ton sommeil de brute.
Esprit vaincu, fourbu ! Pour toi, vieux maraudeur,
L'amour n'a plus de goût, non plus que la dispute ;
Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte !
Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur !
Le Printemps adorable a perdu son odeur !
Et le Temps m'engloutit minute par minute,
Comme la neige immense un corps pris de roideur ;
Je contemple d'en haut le globe en sa rondeur
Et je n'y cherche plus l'abri d'une cahute.
Avalanche, veux-tu m'emporter dans ta chute ?
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
Commentaire composé
Comment la situation d’énonciation évolue-t-elle dans ce poème pour porter le spleen à son paroxysme ?
1. Le poète s’adresse à son esprit
Le poète semble se parler à lui même au début de ce poème :
V1 : antithèse : un esprit morne ne peut aimer la lutte. Montre clairement la séparation entre le présent et le passé.
v3 :”Couche-toi sans pudeur,” il qualifie son esprit de vieux cheval (dans une métaphore) que l’espoir délaisse. Il souhaite donc se coucher sur le sol sans honte car il n’est plus capable d’avancer. Allitération en “ch” montre la résignation du poète et sa lassitude.
Il veut mourir et en finir avec sa vie : v5 :”Résigne toi mon cœur ; dors ton sommeil de brute.” Le poète ne veut plus vivre, il n’arrive pas à atteindre son Idéal et a perdu le sens de la vie. La césure à l’hémistiche marque un rythme saccadé sûrement similaire à son rythme de respiration en fin de vie.
Il désigne son esprit de vieux maraudeur v6,7 : personnification: il montre une différence entre le passé et le présent. Autrefois il profitait de l’amour aujourd'hui il n’en ressent plus le goût. Le cœur du poète est meurtri par le passé et aujourd'hui il est vieux et va s’endormir.
Les vers 5 10 15 sont des résumés des strophes précédentes.
Ils reprennent les éléments évoqués précédemment plus clairement et plus directement pour montrer au lecteur l’avancée de la pensée de l’auteur.
Ajoute de la musicalité : nombre de vers impaire pour plus de musicalité : comme Verlaine.
2. Le poète s’adresse à Dieu
Il fait ses adieux au monde et tout cas la partie du monde qu’il appréciait : v 8 “Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte!” il fait dans ce vers ses adieux à la musique, élément qui égaye sa vie. Ce vers est par la même occasion très musical : le poète évoque la musique et en reprend le rythme et les sonorités.
Le poète implore Dieu de ne plus le tenter de vivre : v9 “ Plaisirs ne tentez plus un cœur sombre et boudeur!” Il ne veut plus souffrir des plaisirs de la vie. Il souhaite finir son existence de manière simple et morne. Il y a une rime interne : cœur boudeur qui montre que l’esprit ne cherche plus de plaisir volontairement, il renonce.
Le poète reprend un thème des écrivains et poètes romantiques : la fuite du temps v 11 : «Et le temps m’engloutit minute par minute» / «Comme la neige immense un corps pris de roideur». Le poète souhaite mourir, il se trouve vieux et compare le temps à un meurtrier, comme la neige. Les éléments jouent contre le poète qui se retrouve seul et abandonne. Il regarde le monde et voit la mort en face sans chercher à s’en cacher.
Le poète fait quand même paraître des correspondances à travers son poème : il évoque différents sens v8 l’ouïe v10 l’odorat on peut également supposer le toucher vers 12: «corps pris de roideur.»
Il implore Dieu de le tuer : «Avalanche, veux-tu m’emporter dans ta chute ?» Il refait allusion à la neige et au froid avec de dernier vers.
Conclusion :
Comme le poète ne trouvera pas de remède, il songe à mourir et voit la mort comme une libération. Le Spleen s’empare de lui et rend le poème triste et lugubre.
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