Analyse du poème Une Charogne de Charles Baudelaire

Analyse du poème Une Charogne de Charles Baudelaire

Le poème Une Charogne de Charles Baudelaire est issu du recueil Les Fleurs du mal et fait partie de la section « spleen et idéal ». Il met en scène un couple qui, au cours d'une promenade, tombe sur une charogne et qui devient le sujet du poème. La problématique du poème est de savoir comment Baudelaire, en montrant la beauté dans la laideur, peut créer de l'ironie et suggérer que le monde peut être gracié.

Dans la première partie du poème, Baudelaire crée une fusion entre le laid et le beau, mettant ainsi en évidence l'ironie qui s'en dégage. Il utilise des antithèses et des rimes antisémantiques pour souligner l'opposition entre la beauté de la journée d'été et la laideur de la charogne. Il crée également des oxymores, comme « carcasse superbe », pour accentuer l'effet ironique de la description. L'opposition entre le soleil qui rayonne sur la charogne et la putréfaction qui s'en dégage marque une distance ironique et souligne l'indissociable lien entre le beau et le laid.

Dans la deuxième partie du poème, Baudelaire compare la charogne à la femme, ce qui crée une ironie grinçante. Il utilise des allusions à connotations sexuelles pour mettre en avant l'association entre l'érotisme et la mort. Il utilise également un langage cru pour décrire les actes d'amour. Malgré les multiples apostrophes et les désignations romantiques et élogieuses, la comparaison avec la charogne crée une opposition nette entre la beauté de la femme et la laideur de la mort.

Enfin, Baudelaire suggère que le temps détruit le réel, mais que l'artiste peut le recréer par l'écriture. Dans la huitième strophe, il affirme la fonction de l'artiste en tant que reconstructeur de la réalité. Il explique que l'artiste peut sublimer la laideur en créant un univers sublimé. Le poème lui-même est un exemple de cette technique, car il utilise l'hyperbole pour mieux expliquer le travail de recomposition par l'écriture et la sublimation. En fin de compte, le poète parvient à reconstituer « l'essence divine » de ce qui est décomposé, en créant un nouvel univers à travers son écriture.

Le poème montre ainsi la technique de Baudelaire pour recréer la beauté à partir de la décomposition et souligne l'importance de l'art en tant que moyen de créer un monde sublimé.


Comment Baudelaire transforme-t-il une charogne en objet digne d’admiration dans ce poème ? 

I) La description de la charogne 

Tout d’abord, on remarque que Baudelaire entame son poème d’une façon surprenante puisqu’il utilise une apostrophe pour s’adresser à son âme et à la femme qu’il aime (“rappelez-vous”, v.1). Baudelaire emploie le passé simple dès le premier vers qui donne un aspect accompli donc révolu du souvenir heureux, (“Rappelez-vous l'objet que nous vîmes”, v.1). Il fait rimer “âme”, mot qui porte à l’élévation avec “infâme” mot signifiant quelque chose de tabou et repoussant. Baudelaire commence à la fin du premier quatrain une métaphore érotique liée à la “charogne” avec le “lit”. Par la suite, Baudelaire compare la “charogne” à une “femme lubrique” donc une prostituée, il est alors le premier à parler d’un sujet aussi trivial ce qui nous montre qu’il se place en opposition à la tradition. Baudelaire donne une image très sale et négative de l’amour physique et associe l’érotisme et la mort (Eros et Thanatos) : “Brûlante et suant les poisons”. L’image du ventre de la femme est habituellement associée à l’accouchement, à la naissance, mais Baudelaire en donne une image effrayante : “Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exhalaisons.” On remarque qu’il insiste sur les odeurs, ainsi que sur la vue et sur l’ouïe (“Et ce monde rendait une étrange musique”), on peut donc parler de synesthésie. Les allitérations en [s] et en [r] évoquent la souffrance et créent une atmosphère d’horreur.

Grâce aux comparaisons, Baudelaire associe les choses normalement positives à des images horribles. Par exemple, il compare la carcasse de la charogne à une fleur : “Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'épanouir”, l’adjectif “superbe” personnifie la charogne tout en soulignant son orgueil provocant. Baudelaire donne vie à la charogne en s’attardant sur les mouvements des insectes (les mouches, les vers) ou sur la chienne : “On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague, Vivait en se multipliant.”

II) Le thème du carpe diem

Par la suite, Baudelaire reprend le poème de Ronsard “Mignonne allons voir si la rose” emblématique de la philosophie du Carpe Diem, mais dans une version effrayante et horrible : “- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, A cette horrible infection”. Baudelaire invite la femme aimée à profiter de sa jeunesse et de sa beauté en lui renvoyant de façon crue et violente l’image de son propre pourrissement. Il se place donc à la fois dans la continuité et en rupture par rapport à la tradition.

III) La poésie fait accéder le poète et sa muse à l’immortalité

Le dernier quatrain est un condensé de l’art poétique de Baudelaire puisqu’il revendique l’idée selon laquelle l’art en général et la poésie en particulier fait accéder le poète et sa muse à l’immortalité puisque c’est un processus créatif qui s’inscrit dans l’éternité. C’est une idée qu’il reprend encore une fois à Ronsard (dans le poème “Quand vous serez bien vieille”) mais en lui donnant une tournure parnassienne : “Que j'ai gardé la forme et l'essence divine De mes amours décomposés !” Le temps détruit le réel mais le poète le recompose par la création d’un autre monde sublimé.

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