Qu'est-ce que la philosophie ?

Qu'est-ce que la philosophie ?

Les images traditionnelles de la philosophie :

Le philosophe serait quelqu’un qui ne se prend pas au sérieux. Ce serait un sage un peu vieux avec les cheveux blancs qui n’a plus de passions et incarne un idéal de sagesse. 

Dès le Vème siècle avant J.C. les philosophes disaient que la philo n’était pas la sagesse. Etymologiquement la philosophie c’est la recherche de la sagesse, ou encore la quête de la sagesse. Pour le philosophe le sage n’est pas un gourou, ni quelqu’un de calme.

Ce qui caractérise la recherche scientifique c’est qu’elle est spécialisée. Spinoza a dit : « Le scientifique utilise sa raison pour connaître la réalité ». Il étudie la réalité telle qu’elle est.

La réflexion philosophique s’intéresse à tous les aspects de la réalité humaine. Le philosophe s’interroge sur tous les lieux de pensée (religion, création artistique, création technique). Le philosophe s’intéresse à tous les sujets existants en proie aux passions et qui sont obligés de se poser le problème du bien et du mal parce qu’il vit avec les autres. La réflexion philosophique n’accepte pas la réalité telle qu’elle est mais pose le problème des valeurs (liberté, justice, lucidité).

 

I. Nécessité de la tradition philosophique

 

La tradition philosophique et le progrès scientifique : L’histoire de la science c’est l’histoire de la rectification des erreurs de la science. Jusqu’au XVIème siècle dans l’enseignement scolastique, les dissections sur les cadavres sont interdites. C’est Ambroise Paré qui a pour la première fois fait une dissection et il n’a bien sûr pas vu l’âme du cadavre qu’il était interdit de déranger. L’histoire des sciences est faite de révolutions d’esprits scientifiques. André Comte Sponville dit « dans l’histoire des sciences c’est le présent qui juge le passé, dans la philosophie c’est le présent qui se juge lui-même sous l’éclairage du passé. » il y a bien sûr un progrès des connaissances scientifiques, par exemple la théorie d’Einstein sur l’univers est en rupture avec celles du passé et d’aujourd’hui. André Comte Sponville a écrit le Petit traité des grandes vertus où il s’interroge sur les qualités de l’homme (générosité, tolérance) et sur les illusions qu’il se fait. Par exemple il étudie Voltaire pour parler de la tolérance : il se penche sur le passé. Voltaire dit : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. » Etre tolérant ça ne veut pas dire qu’on ne discute pas les opinions des autres, mais qu’on les écoute. Vladimir Jankelevitch dit que tolérance est une qualité mais pas forcément une vertu, tout dépend de l’objet de la tolérance : si je tolère le crime, je ne suis pas tolérant mais lâche. On ne naît pas tolérant, on le devient en luttant contre sa propre intolérance. Il ne faut pas confondre tolérance et passivité. Il n’y a pas de réflexion philosophique sans réappropriation de la culture philosophique, il n’y a pas de philosophie première. Il ne s’agit pas de croire les philosophes mais de voir ce qui est toujours vrai et ce qui ne l’est plus.

Kant dit : « on ne peut pas apprendre la philosophie, mais seulement à philosopher ».  Il ne faut pas avoir une croyance aveugle en la philosophie mais il faut s’en inspirer pour réfléchir. Malraux a dit : « on apprend à peindre en allant au musée. » apprendre à philosopher c’est apprendre à penser par soi-même. Kant dit : « Penser par soi-même ne va pas de soi ». On a souvent l’illusion de penser par soi-même et que nos illusions sont vraies. Mais la pensée autonome est un idéal et un travail. La première attitude philosophique est de réfléchir sur les causes de ses croyances. Tout d’abord nous appartenons à une société et mes opinions appartiennent à tous les membres du groupe social auquel j’appartiens : nous sommes tous prisonniers des mentalités collectives. Marx dit : « ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, c’est la vie qui détermine la conscience. » Par exemple Socrate pensait que l’esclavage était naturel. On peut aussi être influencés par nos lectures et les médias. Nos opinions sont influencées par nos passions (la peur, l’orgueil, la haine, l’amour, le désir de pouvoir). Kant dit : « ces opinions sont en nous avant d’avoir été pensées par nous. » La philo a toujours été un appel à la vigilance, au doute philosophique, créé par Socrate : il faut faire une différence entre opiner et savoir, le sentiment de certitude n’est pas un critère de vérité.

Ce qui me permet de douter de mes opinions, « d’ébranler mes certitudes » (Descartes) c’est de confronter mon opinion avec des œuvres philosophiques. Gilles Deleuze dit : « Le philosophe c’est l’artisan du concept ». Il y a des philosophies différentes car les philosophes évoluent. Marx a dit : « Tous les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit maintenant de le transformer ». Malgré la diversité de toutes les philosophies on peut dégager une attitude commune qui est le doute philosophique.

 

II. Le doute philosophique

 

Qu’est-ce que douter ? C’est une attitude réfléchie, volontaire et critique : suspension du jugement devant ce qui se présente comme une vérité afin de l’examiner et d’en mettre à l’épreuve le bien-fondé. Douter ce n’est pas tout remettre en question. A la fois nous avons besoin de certitudes et les certitudes font mal aux hommes car c’est ce qui engendre la souffrance et l’aveuglement (Le mythe de la caverne dans La République de Platon).

Comment douter ? Descartes est l’auteur du Discours de la méthode pour bien conduire sa raison dans les sciences et devenir comme maître et possesseur de la nature. Il pense que la philosophie devrait être la science de toutes les sciences. Il compare la connaissance philosophique à un édifice ou à un arbre dont le tronc serait la physique, les branches seraient les autres sciences (mécanique, passions humaines, étude de la vie) qui permettent le progrès et une amélioration de la vie pratique, les feuilles seraient les sciences morales (qui cherchent comment les hommes pourraient coexister dans la paix et la justice). Le doute est une méthode pour bien conduire sa raison et arriver à trouver la vérité dans les sciences (dépasser les préjugés et les erreurs scientifiques). Ce doute philosophique ne porte que sur les connaissances. Il se distingue du doute de certains sceptiques de l’antiquité. Pyrron disait qu’il n’y a pas de connaissance ni de vérité absolue et qu’on doit suspendre de façon radicale et définitive notre jugement. Descartes n’est pas d’accord. Pour Pyrron le doute est un but en soi, alors que pour Descartes c’est un moyen de progresser. Le fait de tout n’est pas la preuve d’une réflexion mais de la paresse de l’esprit. C’est selon Hegel le « scepticisme paresseux ». Le nihilisme est un doute qui se caractérise par la néantisation de toutes les valeurs. Selon Camus le nihiliste se contredit car il ne croit qu’au néant, or le néant n’est pas un objet de pensée. Selon Pascal il y a un doute de la lumière et un doute des ténèbres.

Quel est l’objet du doute ? Il doit porter sur nos perceptions, sur nos informations, sur les idéologies, sur les résultats scientifiques, sur la réflexion philosophique. La perception c’est la connaissance sensible immédiate qui n’est pas objective, c’est pourquoi elle est critiquée par les rationalistes comme Descartes : par exemple s’il fait 26° mais que je suis malade j’ai froid. Percevoir c’est juger, anticiper. On perçoit la réalité en fonction de ce qu’on pense. La perception ne me donne pas une image fidèle du réel. Toute perception est une structuration, une traduction, une interprétation du réel qui se fait en fonction de notre culture, de nos émotions, de notre cerveau.

Kant dit qu’il faut se réveiller de notre sommeil médiatique. Il y a une information-fiction dont les journalistes sont responsables. Il faut se responsabiliser vis-à-vis des médias : on n’est pas obligé de regarder la télévision ! Edgar Morin dit : « Nos systèmes d’idées filtrent, trient ce que nous apportent les médias, là où nous n’avons pas de structure mentale ou idéologique pour l’assimiler, l’information devient du bruit », dans Sortir du XXème siècle. Nous pouvons désintégrer ce que nous ne voulons pas savoir.

Douter c’est examiner les idéologies (religieuses, politiques, morales). Il ne peut pas ne pas y avoir d’idéologies.

Les grands scientifiques font de l’épistémologie : réflexion sur les valeurs de la science et ses limites. Le mythe du savant sage est remis en question. Ils s’interrogent sur la nature de la vérité scientifique.

La philosophie se critique elle-même. Nietzsche critique Socrate qui pense que la raison peut maîtriser les passions. On classe l’œuvre d’un philosophe en deux périodes : jeunesse et maturité. La pensée philosophique est toujours en mouvement et inachevée. Un système philosophique a toujours des failles et il ne faut pas y voir une faiblesse mais au contraire une richesse de la pensée humaine.

 

Conclusion : la philosophie est à la fois une attitude transcendante (au-delà de la réalité) et immanente (le philosophe peut s’engager et agir) par rapport à la réalité.

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