Morale individuelle et morale civique

Morale individuelle et morale civique

Pour des sociologues comme Durkheim et Marx, la morale individuelle n’est pas autonome et indépendante de la morale civique. « Nous ne sommes des êtres moraux que dans la mesure où nous sommes des êtres sociaux ». La loi est l’instrument de cohésion du groupe. La conscience morale est l’intériorisation de la conscience collective. La conscience morale est le fruit d’habitudes sociales, le sentiment d’obligation morale se confond avec le sentiment du devoir de citoyen, on est moral par peur du gendarme comme dit le dicton. La réglementation n’est possible que si elle est imposée aux individus par une force qui les dépasse : l’autorité collective qui, par la force de l’habitude détermine un certain nombre de conduites homogènes. Peut-on réduire la conscience morale au sentiment d’obligation sociale ? S’il n’y avait pas d’autonomie au niveau de la conscience morale, tout ce qui est légal serait considéré comme légitime et le citoyen serait conformiste et sans états d’âme. Or l’histoire se caractérise par une contradiction entre la moralité subjective et objective. L’autonomie de la conscience morale s’affirme à travers l’histoire vis-à-vis des lois dans la dissidence.

Pour Kant la morale relève de la volonté, de l’effort ; il affirme qu’être moral c’est faire son devoir. Or la notion de devoir implique un sacrifice de ses intérêts immédiats. La morale est toujours un combat de soi avec soi-même. Elle s’éprouve souvent à travers des crises de mauvaise conscience. Pour Kant l’homme juste n’est pas nécessairement heureux car le bonheur est un idéal de l’imagination et non de la raison, c’est une aventure individuelle. La morale met en cause mon lien avec l’autre et la collectivité. L’homme est l’être des fins, c’est-à-dire qu’il est capable de se déterminer selon des buts qu’il s’impose. Et en morale, le sujet se détermine selon les principes de la raison pratique. Kant fait une distinction entre deux sens du mot raison : la raison comme faculté de connaissance, et la raison comme faculté de principe. En matière de morale selon Kant, le sujet doit agir selon des principes qu’il appelle les impératifs catégoriques. Il fait une distinction entre l’impératif catégorique et hypothétique. Il différencie agir par devoir et agir conformément au devoir. Par exemple le commerçant honnête agit par devoir, le malhonnête agit conformément au devoir car s’il baisse ses prix il aura plus de clients et gagnera davantage. Il peut donc y avoir une morale hypocrite où le sujet donne les apparences du bien alors que dans les faits il n’y a que calculs et intérêts. Pour Kant agir par devoir c’est avoir la volonté de se déterminer selon les impératifs catégoriques. Ces principes ne sont pas des règles, ce sont des valeurs. Il y a toutes sortes de morales différentes, on ne peut pas uniformiser la morale, même si certains principes sont universels. Par exemple on peut mentir pour sauver la vie de quelqu’un. Mais quand on ment on utilise l’autre comme un moyen et non comme une fin. Or une personne c’est ce qui ne peut être considéré comme une chose. Pour Kant la valeur d’une personne est absolue : « La dignité de la personne est sans prix ».

Bergson dit que « La prétention de fonder la morale sur le respect de la logique a pu naître chez des philosophes et des savants habitués à s’incliner devant la logique ». « L’amour de la cohérence suffit-il à faire taire l’égoïsme et la passion ? ». Péguy ajoute « Kant a les mains pures mais il n’a pas de mains ». Il n’y a pas un fondement absolu de la morale. Par contre la morale dépend de tous les aspects de l’existence humaine. Simplement, comme le dit Edgar Morin, « Le domaine de la morale est traversé par le principe d’incertitude ». La prise de conscience morale est toujours vécue dans la contradiction et souvent dans la culpabilité, elle s’acquiert en luttant contre la « bonne conscience » et l’autosatisfaction. Le fait qu’il n’y ait pas de fondement absolu de la morale, de modèle du bien, n’entraîne pas nécessairement comme le prône Nietzsche la négation de la conscience morale, mais c’est la raison de son émergence : il n’y a pas de sujet moral sans responsabilité, pas de liberté sans risque et sans culpabilité.

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