Analyse de Médée de Corneille, acte II scène 2
Un récit épique
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Le récit de Médée (v. 411 à 430) évoque les différentes épreuves que Jason a dû affronter pour obtenir la Toison d’or, des épreuves qui auraient été impossibles à surmonter sans l’aide de Médée. Jason a dû dompter deux taureaux furieux, dont la force était amplifiée par leur souffle de feu et l’intervention du dieu Vulcain (v. 414-416). Ensuite, il a été contraint de labourer des champs stériles et d’ensemencer la terre avec les dents d’un serpent, ce qui a donné naissance à des escadrons de soldats hostiles (v. 418-419). Enfin, Jason a dû affronter un dragon terrifiant, « vomissant mille traits de sa gorge enflammée » (v. 423-424), et c’est Médée qui, par ses enchantements, a réussi à l’endormir.
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On observe plusieurs champs lexicaux qui contribuent à donner aux aventures de Jason une dimension extraordinaire. Le champ lexical de l’agriculture est visible avec les termes « labourer », « champs », « semer » (v. 417-418), mais il est transformé en une épreuve mortelle par la présence d’éléments surnaturels. Le champ lexical de la guerre est également dominant avec des expressions telles que « escadrons armés » (v. 419) et « combats » (v. 417), tout comme celui du monstrueux avec le dragon et les taureaux cracheurs de feu. Ces éléments montrent que les exploits de Jason s’apparentent à un récit mythologique où la nature elle-même devient hostile.
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Le récit de Médée adopte le registre épique par l’accumulation d’épreuves extraordinaires et de figures mythologiques. Le recours à l’hyperbole, notamment lorsqu’elle décrit le dragon invincible « jamais étoile, lune, aurore, ni soleil / Ne virent abaisser sa paupière au sommeil » (v. 425-426), amplifie la difficulté de l’aventure. De plus, le rôle crucial de Médée, capable de maîtriser ces forces surnaturelles, renforce le caractère héroïque du récit.
L’affirmation de la puissance de Médée
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Du vers 429 au vers 444, les nombreuses occurrences de la première personne du singulier (« je », « moi », « mon ») soulignent la centralité de Médée dans la réussite des exploits de Jason. Cette insistance montre qu’elle revendique pleinement son rôle de protagoniste et se positionne comme une figure de pouvoir indispensable.
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Médée affirme qu’elle a joué un rôle déterminant dans la quête de Jason en domptant les taureaux et en endormant le dragon. Elle utilise des expressions telles que « je l’ai seule assoupi » (v. 427) et « seule, j’ai par mes charmes / Mis au joug les taureaux » (v. 428-429) pour montrer qu’elle est la clé de la réussite de Jason. Elle insiste aussi sur son savoir-faire magique et son courage face au danger.
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Médée déclare avoir sauvé les Argonautes, qualifiés de « sang des dieux et la fleur de la Grèce » (v. 441-442). Ces périphrases valorisent les personnages en les présentant comme les meilleurs guerriers et héros de leur époque. Pour Créon, ce rappel est un argument fort, car il souligne que Médée n’est pas seulement une criminelle, mais qu’elle a été à l’origine du succès des héros grecs, rendant son bannissement injuste.
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Ce rappel fait de Médée une figure plus qu’héroïque, car elle n’est pas seulement une compagne fidèle, mais une protagoniste majeure des exploits de Jason. En insistant sur son rôle décisif, elle dépasse le statut d’épouse ou de magicienne et incarne une héroïne tragique qui, bien qu’essentielle, est trahie et abandonnée.
La défense de Médée
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Pour se défendre, Médée adopte une stratégie argumentative qui repose sur la justification de ses actes par leur nécessité. Elle explique que ses crimes, comme le meurtre de son frère, ont été commis par amour et pour sauver Jason : « Ce fut en sa faveur que ma savante audace / Immola son tyran par les mains de sa race » (v. 450-451). Elle insiste sur le fait que Jason lui doit tout, mais qu’en retour, elle est traitée avec ingratitude et bannie injustement.
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Médée exprime l’injustice dont elle est victime grâce à plusieurs figures de style. La métaphore « paix, dont le déshonneur vous demeure éternel » (v. 399) suggère que Créon s’est compromis moralement en la trahissant. L’ironie est également utilisée lorsqu’elle qualifie de « grâce » (v. 455) le jour de délai accordé par Créon, soulignant le mépris qu’elle ressent face à cette fausse générosité. Ces figures renforcent son indignation et son image de victime.
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