Le Menteur de Corneille, analyse linéaire de l'acte III scène 5
Les deux jeunes femmes, Lucrèce et Clarice, mettent en place une ruse déjà prévue dans l’acte II, visant à déstabiliser Dorante. Cette ruse consiste à utiliser des apartés et des quiproquos pour le tromper. Leur but initial était de le confondre et de révéler son mensonge, mais il a évolué pour inclure une dimension de moquerie et de plaisir dans la manipulation. Au vers 942, le mot « nom » est mis en valeur par son isolation dans la phrase, accentuant ainsi l’importance de l'identité et du dédoublement de personnalité dans la ruse. Ce type de réplique, nommé aparté, est utilisé pour partager des informations avec le public sans que les autres personnages en soient conscients, ce qui amplifie l'effet comique en créant une complicité avec les spectateurs et en exposant l'ironie de la situation.
Les répliques de Clarice aux vers 946 et 947 traduisent son amusement et son plaisir à manipuler Dorante, révélant sa complicité avec Lucrèce. Les jeunes femmes sont conscientes que Dorante les confond, ce qui leur permet de jouer avec lui en toute connaissance de cause. Cliton, quant à lui, commet l’erreur de se rendre à Dorante, pensant à tort que la situation est sérieuse et qu'il doit intervenir pour la résoudre, ajoutant ainsi au comique de la scène par l'amplification du malentendu.
Dorante, en jeune amoureux, se montre soumis et dévoué à Clarice, ce qui est renforcé par l'espace clos et intime de leur rencontre, symbolisant une sorte de prison amoureuse où il est captif de ses sentiments.
Dans sa déclaration, Dorante utilise plusieurs procédés rhétoriques pour convaincre Clarice : des métaphores pour exprimer son désespoir, des répétitions et des anaphores pour souligner l’intensité de ses émotions, et un champ lexical de la servitude et du sacrifice.
Cependant, ce qui rend cette déclaration comique, c'est l'excès de ses affirmations et le contraste entre ses paroles grandiloquentes et la réalité de sa situation, marquée par le quiproquo et le mensonge.
Les répliques de Clarice et Lucrèce en aparté présentent
Dorante comme un prétendant ridicule et prétentieux, incapable de voir la réalité de la situation. Au vers 956, la personnification de la naïveté qui pousse une "menterie" ajoute une dimension comique en attribuant des caractéristiques humaines à des concepts abstraits, soulignant ainsi l'absurdité des actions de Dorante.
Cependant, le spectateur ne doit pas oublier que les jeunes femmes elles-mêmes sont prises dans le jeu des apparences et risquent de se perdre dans leur propre stratagème.
L'interrogation indirecte de Dorante, lorsqu'il demande en quoi il pourrait être plus heureux pour Clarice, conduit progressivement à la révélation du nœud de l'intrigue. Clarice entretient le mystère en utilisant des réponses évasives et en employant des antiphrases, suggérant l'inverse de ce qu'elle pense réellement. La réplique de Dorante montre qu'il tombe dans le piège par son désespoir croissant et son besoin de se justifier, ce qui est accentué par l'usage de l'anaphore emphatique au vers 964 : "Je ne le fus jamais, et si par cette voie".
L'emploi du verbe « je sais » par Clarice est comique car il révèle une certitude qui se heurte à l'assurance mensongère de Dorante, créant un effet de décalage et de surprise. Aux vers 966 et 967, on peut dire que Dorante ment et ne ment pas à la fois car il nie son mariage, qui est un mensonge évident pour le public, mais du point de vue de l'intrigue, il est possible qu'il ne soit pas marié, ajoutant à la confusion générale.
Les répliques des jeunes femmes expriment la méfiance et le sarcasme, reflétant leur incapacité à croire en la sincérité de Dorante. Le désarroi de Dorante se marque par son insistance répétée et ses supplications, qui trahissent son désespoir face à la situation. La réplique de Clarice au vers 972 relève de l’énoncé assertif, affirmant une vérité perçue avec une certitude ironique qui renforce le sentiment de moquerie.
Dorante envisage la possibilité de convaincre Clarice de son innocence par une justification détaillée de son comportement. Son « non » répond à la négation de l'accusation portée contre lui, cherchant à dissiper les doutes. Dans cette réplique, Dorante adopte un style plus argumentatif et logique, tentant de présenter des preuves et des explications rationnelles. Cependant, ce changement de style n'a que peu d'effet sur Clarice, qui reste méfiante et sarcastique. Ces vers mettent en avant les actes de parole comme les actions principales, car c'est par le dialogue et les justifications verbales que se joue l'essentiel de l'intrigue et des relations entre les personnages.
Ce dialogue se déroule dans un contexte de quiproquo et de confusion orchestré par les jeunes femmes, Clarice et Lucrèce. Dorante, qui croit être en train de courtiser Clarice, est en réalité manipulé par les deux femmes qui sont conscientes de ses mensonges. La scène est marquée par des apartés, où les personnages expriment leurs pensées sans que les autres ne les entendent, et des répliques ironiques qui ajoutent une dimension comique à la situation.
Clarice est en colère contre Dorante car elle a découvert qu'il lui a menti en prétendant ne pas être marié. Elle exprime son indignation et sa méfiance, convaincue que Dorante est un imposteur qui tente de la tromper par des récits inventés. Cette colère se manifeste par des accusations directes et des répliques sarcastiques qui cherchent à déstabiliser Dorante.
Clarice dresse un portrait sévère et moqueur de Dorante, le décrivant comme un homme prétentieux et menteur, qui invente des exploits pour se faire valoir. Elle le qualifie de "grand foudre de guerre" qui n'a en réalité aucune expérience réelle, se contentant de récits fictifs pour impressionner son auditoire. Ce portrait souligne l'écart entre les prétentions de Dorante et la réalité de ses actions, accentuant le ridicule de sa situation.
La colère de Clarice se manifeste par une série de reproches et de railleries. Elle utilise un ton sarcastique et accusateur pour dénoncer les mensonges de Dorante, exposant ses contradictions et ses fausses prétentions. Clarice n'hésite pas à ridiculiser Dorante en public, utilisant des métaphores et des hyperboles pour amplifier son mépris et son indignation.
Dorante avoue avoir feint son mariage pour justifier les incohérences de ses récits et tenter de se tirer d'affaire. Il espère ainsi apaiser Clarice et regagner sa confiance en reconnaissant une partie de la vérité. Cependant, cet aveu ne fait qu'ajouter à la confusion et met en lumière son incapacité à dire la vérité complète, révélant ainsi la complexité de son mensonge.
Cliton, le valet de Dorante, réagit avec scepticisme et humour à la défense de son maître. Il murmure à Dorante, demandant ironiquement s'il va encore mentir, ce qui montre son incrédulité face aux explications de Dorante. Cliton représente la voix de la raison et du bon sens, soulignant par ses répliques la folie des mensonges de Dorante et ajoutant une dimension comique à la scène.
Oui, Dorante recourt à un nouveau mensonge en essayant de minimiser l'importance de son faux mariage et en prétendant qu'il a été contraint par des circonstances exceptionnelles. Il tente de manipuler la situation à son avantage, en espérant que ses justifications seront suffisantes pour convaincre Clarice et Cliton de sa bonne foi. Cependant, ses efforts sont vains et ne font qu'accroître la méfiance et le doute à son égard.
Clarice entend les propos de Dorante avec scepticisme et mépris. Elle est convaincue que Dorante continue de mentir et interprète ses justifications comme des tentatives désespérées de se sortir du pétrin. Son attitude reste défensive et sarcastique, refusant de croire aux explications de Dorante et soulignant par ses répliques l'absurdité de ses mensonges.
Le principal mensonge qui n’a pas encore été révélé est la véritable identité de Dorante et la profondeur de ses sentiments pour Clarice. Bien qu'il ait avoué certains aspects de ses mensonges, Dorante n'a pas encore pleinement confessé son amour sincère pour Clarice ni clarifié sa situation matrimoniale de manière définitive. Ce mensonge central continue de structurer la tension dramatique et le quiproquo de la scène, laissant le spectateur dans l'attente de la résolution finale.
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