Analyse de Gargantua, Chapitre 27, La guerre Picrocholine

Analyse de Gargantua, Chapitre 27, La guerre Picrocholine

I) Une scène de massacre…

 

Le moine frère Jean des Entemmeures se bat contre l’armée de Picrochole venue envahir et dévaster son abbaye et ses vignes. Il se bat avec le bâton de sa croix ce qui est fortement symbolique puisqu’un chrétien ne devrait jamais exercer la violence physique mais gagner toutes ses batailles par le combat spirituel. Or, le combat mené ici est un véritable massacre : “il escarbouillait la cervelle, aux autres rompait bras et jambes, aux autres disloquait les spondyles du col, aux autres démolissait les reins, aplatissait le nez, pochait les yeux, fendait les mâchoires, enfonçait les dents en gueule, abattait les omoplates, meurtrissait les jambes, décrochait les hanches, déboîtait les bras…” Le champ lexical de la violence est très présent. On observe également l'emploi de termes médicaux, car Rabelais est médecin : “les spondyles du col,”. “la cervelle,” “les reins,” “omoplates”, “hanches”, “transperçait la poitrine par le médiastin et par le cœur”. 

 

II) ...traitée sur un mode comique

 

Ce combat est une parodie d'épopée. L'accumulation d'hyperboles crée un effet comique. Le moine est très efficace pour massacrer ses ennemis, or, le premier devoir d'un moine est la charité et le seul commandement de Jésus-Christ est : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés". Le registre dominant dans ce chapitre est le registre épique, ce qui place le texte dans le style de l’épopée chevaleresque avec des interventions du narrateur qui soulignent l’horreur des hauts-faits chevaleresques comme dans La Chanson de Roland ou Le Conte du Graal : “ Il frappait si fièrement les autres par le nombril qu'il leur faisait sortir les tripes… Croyez que c'était le plus horrible spectacle qu'on vit jamais.”. 

Rabelais fait ici la satire des moines pour critiquer violemment la religion catholique. D’abord Frère Jean n’hésite pas à utiliser sa croix comme une arme : “se saisit du bâton de la croix”. De plus il n’a aucune pitié pour ses ennemis, il se montre cruel envers eux : “Il choqua donc si raidement sur eux”. Rabelais montre également que même si les ennemis invoquent les saints, le moine ne s'arrête pas et continue de les massacrer : “Si quelqu'un de sa vieille connaissance lui criait : — Ah ! frère Jean, mon ami, je me rends ! — Il le faut bien, disait-il, mais en même temps tu rendras l'âme à tous les diables ; et soudain lui donnait dronos”. Rabelais tourne la religion en ridicule en sous-entendant de façon ironique que si la religion était efficace tous les saints invoqués seraient venus en aide aux suppliciés ce qui est une vision simpliste et absurde de la religion : “Les uns criaient sainte Barbe ; les autres saint Georges ; les autres sainte Nytouche”... qui évidemment n'existe pas. La fin est particulièrement comique car Rabelais décline toutes les façons de mourir et de parler : “Les uns mouraient sans parler, les autres parlaient sans mourir, les uns se mouraient en parlant, les autres parlaient en mourant, les autres criaient à haute voix : — Confession, confession, confiteor, miserere, in manus.” Cela insiste sur le fait que Frère Jean n’épargne personne, ce qui fait de lui une figure de l'antéchrist : il tue avec le bâton de la Croix qui sert à bénir. 

Écrire commentaire

Commentaires: 0