Analyse du poème "Un corbeau devant moi croasse" de Théophile de Viaud

Analyse du poème "Un corbeau devant moi croasse" de Théophile de Viaud

Introduction

 

Théophile de Viau, dramaturge et poète emblématique du XVIIe siècle, marque l'histoire littéraire avec ses "Œuvres poétiques", publiées en 1621. Parmi celles-ci, le poème "Un Corbeau devant moi croasse…" se distingue par sa structure en deux dizains d'octosyllabes et son appartenance au mouvement baroque. Ce poème, imprégné de thématiques telles que la mort et le drame, s'inscrit dans un registre à la fois tragique et fantastique, reflétant l'esthétique baroque de l'époque.

 

I. La mort et le malheur se trouvent sur le chemin du poète (= thème baroque)

 

Le poème de Viau regorge de présages de malheur, illustrés par une accumulation de neuf signes. Le règne animal est omniprésent, avec des références à diverses créatures telles que le serpent, l'aspic, le cheval, l'ours, ainsi que des belettes et des renards. Ces animaux portent une connotation de malheur ou de mort, renforcée par des allitérations en [c] et [r], comme dans le vers "Un Corbeau devant moi croasse". Les mentions de "Deux belettes, deux renards" au vers 3 et l'expression "Une ombre offusque mes regards" au vers 2 ajoutent une dimension diabolique, enveloppant l'auteur dans une atmosphère oppressante.

 

En parallèle, le poème tisse un champ lexical de la mort, traduisant l'impuissance du poète. Des termes tels que "ombre", "esprit", "Charon", et "le centre de la terre" évoquent respectivement le fantôme, l'au-delà, le batelier des enfers et les enfers eux-mêmes, renforçant l'ambiance macabre.

 

II. Aucune loi physique ou naturelle n’est respectée dans la seconde strophe

 

La seconde strophe du poème brise toutes les lois naturelles et physiques, illustrant une confusion totale. Des antithèses telles que haut/bas, chaud/froid sont manifestes, notamment dans l'expression "Un bœuf gravit sur un clocher" au vers 12. Cette inversion de l'ordre naturel est également visible dans "Ce ruisseau qui remonte en sa source" au vers 11, symbolisant un retour en arrière dans le temps.

 

La confusion s'étend aux espèces, avec des associations surprenantes comme "Un aspic s'accouple d'une ourse" au vers 14 et "Un serpent déchire un vautour" au vers 16. De même, les quatre éléments – eau, terre, feu, air – sont mélangés de manière antithétique, comme dans "Le feu brûle dedans la glace" au vers 17 et "Le soleil est devenu noir" au vers 18. Cette fusion des éléments et des astres, mêlant oxymores et antithèses, caractérise le monde renversé de Viau.

 

Toutefois, malgré cette confusion apparente, l'organisation du poème est méticuleuse, avec une alternance parfaite des rimes, des rimes embrassées et suivies, témoignant d'une structure réfléchie et maîtrisée.

 

Conclusion

 

À travers "Un Corbeau devant moi croasse…", Théophile de Viau illustre les thèmes baroques de la mort, du malheur, du renversement, et génère une impression de frissonnement de la vie, oscillant entre le fantastique et la parodie baroque. Ce poème dépeint un monde bouleversé et inconstant, où l'être humain semble déplacé, une métaphore de la vie de Viau lui-même, marquée par des changements de religion et les tumultes des guerres de religions. Ainsi, Viau nous confronte à un univers instable, reflet de son époque et de ses propres expériences.

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