Analyse du poème "Effet de nuit" de Verlaine

Analyse du poème "Effet de nuit" de Verlaine

Introduction

 

Le poème "Effet de Nuit", issu du recueil "Poèmes saturniens" de Paul Verlaine, publié en 1866, se situe dans la section « Eaux-fortes ». Cette section évoque un art pictural particulier, reflétant la capacité de Verlaine à peindre avec les mots. Composé en alexandrins, ce poème est une expression poignante du mal de vivre et du désespoir de l'auteur. Verlaine y dépeint un paysage nocturne, marqué par la présence d'un gibet vers lequel se dirigent des condamnés, créant une atmosphère sombre et inquiétante.

 

I. Une scène nocturne inquiétante

 

1. Un décor sinistre

 

Dès le premier vers, Verlaine utilise des phrases nominales pour mettre en exergue les mots « nuit » et « pluie », établissant d'emblée un décor sinistre et oppressant. L'emploi de nombreux adjectifs péjoratifs tels que « blafard, gris, rabougris » renforce cette atmosphère lugubre. Ces choix lexicaux peignent un tableau sombre, où la nature semble se dresser contre l'homme.

 

2. Une scène cauchemardesque

 

La nature est décrite comme agressive et menaçante, avec des plantes telles que l'épine et le houx. L'allitération en [p] dans « épine épars » accentue cette sensation d'agressivité. Les animaux, comme le suggère l'expression « bec avide des corneilles », sont également représentés comme malveillants, avec une allitération en [k] qui évoque la dureté. Le lexique employé (« houx, épine, noir, fuligineux ») dépeint une nature hostile. La personnalisation de la nature, avec des phrases telles que « dressant l’horreur de leur feuillage », ajoute à l'ambiance cauchemardesque. Le cadre médiéval, évoqué par des références à une ville gothique et à des pertuisaniers, renforce cette impression d'une scène tirée d'une époque révolue.

 

Le thème central des perdus fait écho à "La Ballade des pendus" de François Villon, créant un lien intertextuel qui enrichit la lecture du poème.

 

II. Une scène de genre ?

 

Ce poème pourrait être interprété comme une scène de genre, bien que macabre, avec sa description d'un gibet dans la nuit.

 

1. La construction picturale

 

"Effet de Nuit" s'apparente à un tableau, avec une composition structurée en différents plans : l'arrière-plan au début du poème, le plan central au milieu, et le premier plan à la fin. Le lexique utilisé (« effet de nuit », « silhouette », « fond d’ébauche ») souligne cet aspect pictural. Les couleurs et les valeurs employées (« blafard, éteinte, gris, livide ») donnent l'impression d'un tableau en noir et blanc, tandis que les formes et les lignes (« silhouette », « sorte de pointe ») guident le regard du lecteur.

 

2. Une description précise

 

La description est minutieuse, avec l'usage abondant d'adjectifs. Les éléments visuels tels que le houx, les buissons et les pendus sont détaillés avec précision. Le tableau semble prendre vie, flirtant avec le fantastique. Dès le premier vers, le verbe « déchiquette » attire l'attention sur les éléments dissonants du paysage, marquant une rupture avec l'horizon.

 

3. Un climat fantastique

 

Dans ce poème-tableau, la mort est omniprésente, reflétant le pessimisme profond de Verlaine. Le décor, composé de la nature, du gibet et des pendus animés (« secouée, dansant, gigue, dressant, qui vont »), crée une atmosphère d'horreur.

 

Conclusion

 

"Effet de Nuit" de Verlaine est une œuvre qui plonge le lecteur dans les ténèbres d'une époque médiévale, à travers un paysage nocturne à la fois inquiétant et fascinant. Ce poème, par sa richesse descriptive et son ambiance sombre, illustre la capacité de Verlaine à transposer son désespoir et son mal de vivre en une peinture poétique saisissante.

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