Analyse de Remords Posthume de Baudelaire dans Les Fleurs du mal
Introduction
Charles Baudelaire, figure emblématique de la littérature du 19ème siècle, est particulièrement connu pour son recueil "Les Fleurs du Mal". Parmi les poèmes de ce recueil, "Remords posthume", situé dans la première section intitulée "Spleen et Idéal", se distingue par sa structure de sonnet composé de deux quatrains et deux tercets. Ce poème, empreint d'un registre lyrique, explore les thèmes de la mort et de la mélancolie, des motifs récurrents chez Baudelaire. Il est dédié à Jeanne Duval, la maîtresse de longue date du poète, une figure centrale dans sa vie et son œuvre. La problématique qui se pose est la suivante : comment Baudelaire manifeste-t-il l'obsession de la mort dans ce poème ?
I. Comment se met en place l'obsession de la mort
1. Les ravages du temps qui passe
Baudelaire utilise le futur pour souligner la fatalité de la mort, créant ainsi une atmosphère d'inéluctabilité. Les adverbes "Lorsque" et "Quand", placés en début des deux premières strophes, structurent le poème autour d'une vision du temps bien marquée. La diérèse sur "pluvi/euse" symbolise la décomposition, tant du mot que du corps. Une gradation se dessine à travers le choix des verbes, de "dormiras" à "rongera", illustrant l'aggravation inévitable de la décrépitude.
2. La dépossession des biens matériels
Le poème évoque la perte des biens matériels après la mort. La négation "tu n'auras […] qu'un" souligne la restriction du pouvoir d'avoir après la mort. Baudelaire crée une opposition entre les biens matériels du monde vivant, tels que les "alcôves" et les "manoirs", et la froideur du tombeau, décrit comme un "caveau pluvieux" et une "fosse creuse". Le tombeau est introduit par une périphrase imposante, "monument construit en marbre noir", soulignant son caractère dominateur.
3. Image du gouffre
Le pléonasme "fosse creuse" insiste sur la profondeur et l'obscurité des entrailles de la terre. Le champ lexical de la profondeur, avec des termes comme "fond d'un", "caveau" et "fosse", renforce cette idée de gouffre insondable.
4. La décomposition du corps
Le poème détaille les différentes parties du corps ("poitrine", "flancs", "cœur", "pieds"), préfigurant sa décomposition imminente. La clôture du poème sur l'image du ver qui ronge le corps est une métaphore puissante de la dégradation post-mortem.
II. Le caractère vivant de la mort
1. La personnification des objets mortuaires
Baudelaire utilise la prosopopée pour donner une voix aux objets mortuaires, créant un effet à la fois fantastique et inquiétant. Le tombeau est personnifié, devenant le "confident du poète" et capable de "comprendre", suggérant une harmonie entre le poète et sa dernière demeure. Le tombeau semble même parler, comme l'indique "te dira".
2. Impression que le cadavre est vivant
Le choix du verbe "dormir" plutôt que "mourir" au premier vers donne l'impression que le cadavre est enterré vivant. Le deuxième quatrain renforce cette idée, attribuant des sentiments au corps ("peureuse", "Empêchera ton cœur de battre"). Des verbes de volonté et d'action sont utilisés pour le cadavre ("vouloir", "courir"), suggérant une forme de vie après la mort.
III. La jubilation du poète
1. La mort, confidente du poète
Les parenthèses du vers 10 créent une intimité entre le poète et la mort, reflétant le mythe du poète maudit. Les expressions liées à la mort, telles que "rêve infini" et "grandes nuits", sont connotées positivement. Le verbe "comprendre" est polysémique, évoquant à la fois l'inclusion et la compréhension.
2. La musicalité de la mort
Le premier quatrain est marqué par des allitérations en [r] et en [k], évoquant la dureté de la mort. L'allitération en [p] au vers 5 accentue l'écho de la pierre, renforçant l'aspect oppressant du tombeau.
3. Une revanche sur la femme
L'expression "ma belle ténébreuse" est ambiguë, évoquant à la fois l'aspect physique et moral de Jeanne Duval. Le poème ne montre aucun remords du côté du poète, mais plutôt du côté de la femme. Le dernier vers, détaché du reste du poème, apparaît comme un jugement final. Baudelaire s'adresse directement à Jeanne Duval, exprimant un amour à sens unique et sa souffrance. Il utilise la mort comme moyen de vengeance, espérant que ses poèmes provoqueront des remords chez elle.
Conclusion
Dans "Remords posthume", Baudelaire ne craint pas la mort ; il en fait son alliée et lui donne une voix à travers le tombeau. La mort devient un instrument de vengeance contre son amante Jeanne Duval. Baudelaire souhaite qu'elle soit tourmentée par les remords et ne trouve pas de repos dans sa tombe. Ainsi, la tombe se transforme en instrument de vengeance pour le poète.
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