Le Jeu de l'amour et du hasard, analyse de l'acte I, scène 6

Le Jeu de l'amour et du hasard, analyse de l'acte I, scène 6

Dorante et Silvia veulent paraître des domestiques. Ils ont le souci de bien faire donc ils s’inventent des noms, ils se tutoient l’un l’autre et ils utilisent des expressions familières. Cependant, ils sont très peu crédibles. Ils le font volontairement car ils ne veulent pas être de vrais domestiques. Mais ils le font aussi involontairement car ils gardent leur langage précieux comme par exemple lorsqu'ils utilisent du subjonctif imparfait avec une demande de remerciement.

Au début de la scène, Silvia est distante de Dorante. Elle met des barrières entre elle et Dorante. Silvia fait régulièrement des apartés pour montrer les barrières qui séparent Dorante et elle. Mais, plus la scène avance, plus ils commencent à se connaître et donc pensent à la même chose, réagissent de la même manière. Silvia et Dorante commencent à éprouver de l'intérêt l’un pour l’autre. Mais Silvia reste embarrassée et Dorante continue à rester dans son propre jeu. 

Silvia et Dorante ont le souci de bien faire et de paraître des domestiques. Ils y arrivent en se tutoyant, en parlant de leurs maîtres : “ta maîtresse te vaut-elle ?”. Ils parlent de leurs maîtres pour jouer leurs rôles de domestiques mais aussi pour en apprendre davantage sur leur futur. Silvia et Dorante tentent de se démarquer des valets ordinaires. Dans les pièces de Marivaux, il y a toujours un jeu de travestissements en utilisant des fausses tenues, des faux noms mais il crée aussi des personnages comme par exemple Dorante qui n’est pas un valet grossier : “le fils d'honnêtes gens qui n'étaient pas riches”. Dorante, utilise aussi une phrase à double sens : “on est quelquefois fille de condition sans le savoir”. Silvia et Dorante sont aussi étonnés l’un par l’autre : “quel homme pour un valet !” Cependant, Silvia et Dorante jouent très mal leurs rôles. En effet, ils tiennent quand même à se démarquer, pour ne pas devenir de vrais valets. Ils essayent de parler comme Lisette et Arlequin mais n’arrivent pas à imiter leur langage car eux ont un langage précieux et soutenu. Ils font des jeux d’exclamations, ils se posent de nombreuses questions qui prouvent leur étonnement : “dis-moi, qui es-tu toi qui me parles ainsi ?”. De plus, ils reprennent les termes de l’autre : “l'histoire de tous les valets”, “L’histoire de tous les maîtres”. Ils utilisent aussi le subjonctif imparfait pour parler : “j'aimerais mieux qu'il me fût permis”. Ils utilisent un langage soutenu et poli : « Tu me permettras peut-être bien de te remercier de ce que tu me dis là par exemple ? ». Enfin, ils font des répliques courtes et spontanées alors qu’ils sont censés jouer un rôle, ils doivent alors être à l’aise. En utilisant ce langage, ils donnent une impression de spontanéité tout en ayant un discours travaillé. Aucun, de Silvia ou de Dorante ne veut se révéler. Ils entament donc une joute galante, à laquelle ils prennent plaisir. Cependant ce comportement est étrange pour des valets mais ni SIlvia ni Dorante ne s’en rendent compte. Ils sont surpris car l’autre leur a paru mieux qu’ils ne l’avaient imaginé : “Quel homme pour un valet !” mais ils sont aussi déçus l’un l’autre car ils n’ont pas récupéré les renseignements qu’ils désiraient. Le spectateur qui sait tout, lui, peut apprécier à juste titre les événement et les conversations.

Silvia pensait que Dorante allait lui faire la cour ; c’est pour cela qu’elle met des barrières entre eux : “on m'a prédit que je n'épouserai jamais qu'un homme de condition”. Cependant Dorante, lui, est plus joueur et pourrait parfaitement envisager de la séduire. Les apartés de Silvia sont révélateurs pour le spectateur car on voit son trouble et on voit qu’elle essaie de se nier à elle-même qu’elle est amoureuse :  “À la fin, je crois qu'il m'amuse”. Elle agit contrairement à ses désirs : “Malgré tout ce qu'il m'a dit, je ne suis point partie”. Silvia se découvre pour les spectateurs. L’amour entre Dorante et Silvia impose aux personnages de la retenue. Ils ne se connaissent pas et parlent de façon détachée et se reprochent mutuellement d’oublier les sujets de leur conversation : “il ne s'agit ici que de mon maître.” De plus, ni l’un ni l’autre n’ont envie d’en parler. Ils hésitent même à en dire plus, simulent leur émoi pour ne pas trop se dévoiler. Ils emploient du conditionnel pour continuer à se connaître l’un l’autre. Alors leur travestissement devient secondaire. L’amour entre Silvia et Dorante se crée avec une distinction, une élévation des pensées et de l’élégance de Dorante qui étonnent alors Silvia et l’intéressent donc : “je te souhaite de bon cœur”, “tu le mérites”. Ils éprouvent de la sympathie et de la compassion. Silvia montre alors clairement que Dorante l’intéresse. Cependant, Dorante, lui, plus franc, dévoile ses sentiments : “j'aimerais mieux qu'il me fût permis de te demander ton cœur”, “Tu pourrais bien te passer de m'en faire sentir, toi”. Silvia, alors gênée, esquive les compliment de Dorante : “changeons d'entretien”. Elle préfère alors partir pour éviter de se révéler, mais fait un départ différé de nombreuses fois avec la répétition de “Adieu”. Dorante tente tant bien que mal de la retenir avec des mauvais prétextes : “Attends, Lisette, je voulais moi-même te parler d'autre chose ; mais je ne sais plus ce que c'est.” Mais Silvia n’arrive pas à partir non plus. Ils se rendent alors compte de l’importance de leurs liens : “singuliers”, “notre aventure est unique”.


Introduction

 

"Le Jeu de l'amour et du hasard", pièce de Marivaux publiée en 1730, est une comédie en trois actes écrite en prose. Créée pour le théâtre Italien de l'hôtel de Bourgogne, elle s'adressait à un public aisé et se jouait l'après-midi. La pièce met en scène des personnages typiques de la comédie, tels qu'Arlequin, figure emblématique de la commedia dell'arte, et aborde des thèmes classiques comme le mariage et la découverte amoureuse à travers le déguisement. Les trois actes illustrent les différentes étapes de cette découverte. À travers des personnages comme Orgon, petit noble, et Silvia, jeune fille moderne désireuse de choisir son époux, Marivaux reflète la société de son époque, bien que la liberté accordée à Silvia par son père ne corresponde pas entièrement à la mentalité de l'époque, où les filles étaient généralement soumises à l'autorité paternelle. Cette liberté sert principalement à enrichir l'intrigue.

 

Dans la scène que nous allons étudier, Silvia et Dorante, déguisés, se rencontrent pour la première fois, chacun croyant avoir affaire au domestique de l'autre, créant ainsi un quiproquo. Nous nous interrogerons sur la manière dont ces jeunes futurs amants vont se comporter durant cette première rencontre sous le déguisement, et observerons la naissance de leur amour.

 

I. L'effort d'un jeu de rôle qui n'est pas toujours réussi

 

Les deux personnages s'efforcent de bien jouer leur rôle de domestique, adoptant des noms fictifs, un tutoiement et des expressions familières. Cependant, leur travestissement est peu crédible, volontairement pour ne pas devenir de vrais domestiques, et involontairement, car ils ne parviennent pas à abandonner leur langage précieux, marqué par l'usage du subjonctif imparfait et des demandes de remerciement.

 

II. Révélation des sentiments

 

Au début, Silvia et Dorante sont distants. Silvia, notamment, érige des barrières, tandis que Dorante joue le jeu avec plus d'aisance. Leurs apartés, en particulier ceux de Silvia, révèlent leurs sentiments naissants. Leur langage, bien que soutenu, est empreint d'un plaisir évident, trahissant un intérêt mutuel. Leur embarras, notamment celui de Silvia, et le jeu de séduction de Dorante, marquent cette scène.

 

III. Jeu de travestissement

 

Pour paraître crédibles en domestiques, ils adoptent un langage et des comportements typiques, tout en essayant de se démarquer des valets ordinaires. Leur langage est riche en phrases à double sens et en exclamations, révélant leur étonnement et leur admiration mutuels. Cependant, ce jeu ne suffit pas à masquer complètement leur véritable identité, car ils tiennent à se distinguer des vrais valets.

 

IV. La progression des sentiments

 

Silvia, bien qu'attendant qu'on lui fasse la cour, maintient une distance entre eux, tandis que Dorante semble plus enclin à la séduire. Les apartés de Silvia révèlent son trouble et son déni de ses sentiments. L'amour propre des deux personnages les pousse à une certaine retenue, chacun hésitant à se dévoiler complètement. Cependant, la naissance de leur amour est évidente, comme le montrent les compliments et la sympathie qu'ils expriment l'un pour l'autre, malgré leurs tentatives de détourner la conversation.

 

Conclusion

 

Malgré le quiproquo créé par leur double travestissement, Silvia et Dorante découvrent des sentiments réciproques et une attirance mutuelle. Leur incapacité à se séparer l'un de l'autre, malgré leur intention initiale de découvrir leur véritable promis, souligne la force de leur lien naissant. Le spectateur, connaissant la vérité sur leur identité, peut apprécier pleinement l'ironie et la complexité de leur interaction.

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