Analyse de Manon Lescaut de l'Abbé Prévost, Hésitations de des Grieux

Analyse de Manon Lescaut de l'Abbé Prévost, Hésitations de des Grieux, de "Je m’assis, en rêvant " à "j’en eus de meilleures preuves dans la suite."

Introduction

 

Dans "Manon Lescaut" de l'abbé Prévost, un roman qui a marqué le XVIIIème siècle, nous sommes témoins des tumultes passionnels du chevalier des Grieux. Le passage que nous allons étudier se situe à un moment crucial de l'œuvre : Manon et des Grieux ont été dévalisés par leurs domestiques, et Lescaut, le frère de Manon, propose à des Grieux un marché douteux. Il s'agit pour des Grieux de se faire passer pour le frère de Manon et de bénéficier des largesses de M. de GM, un vieux voluptueux. Cette proposition, qui relève de l'escroquerie, place des Grieux face à un dilemme moral : accepter d'être un escroc ou perdre Manon. Ce moment d'introspection révèle beaucoup sur le personnage de des Grieux et joue un rôle crucial dans le cours du récit. Nous allons examiner comment ce moment d'introspection met en lumière la déchirure intérieure de des Grieux, un homme tiraillé entre ses aspirations au bonheur et la misérable réalité.

 

Commentaire littéraire

 

I. Un être déchiré

 

1. Dans une situation d’introspection

 

Des Grieux, assis, plongé dans ses pensées, mesure l'immense distance qui le sépare de son passé. Cette introspection, marquée par l'omniprésence du "Je", est cruelle et sans concession. Des Grieux juge ses actes avec sévérité, se qualifiant lui-même de "criminel", une hyperbole qui intensifie la gravité de sa situation.

 

2. Face à un dilemme

 

Le dilemme de des Grieux est clairement formulé à la fin de sa réflexion : perdre Manon ou se plier à une complaisance immorale. Le registre délibératif met en opposition le passé vertueux et le présent désordonné. Des Grieux est partagé entre l'aspiration au bonheur et la réalité de sa situation actuelle, marquée par la passion criminelle. Cette opposition est renforcée par l'accumulation de questions et la combinaison du discours direct et indirect libre, qui donnent de la force à sa conviction.

 

3. Et qui éprouve une vive souffrance morale

 

Des Grieux ressent le poids de la figure paternelle, symbole d'affection et d'honnêteté, soulignant ainsi son égarement moral actuel. Le champ lexical du remords, des regrets et des désirs illustre le conflit entre le bonheur passé et l'impossibilité d'un retour en arrière.

 

II. Un être qui s’interroge (ainsi que le lecteur) sur le cours de sa vie

 

1. Les raisons de sa déchéance

 

Des Grieux est conscient du poids du destin et des erreurs qui ont empêché une union légitime avec Manon. La force de la passion est évidente : une décision brutale, marquée par l'indignation et un sursaut de conscience. La passion et Manon dictent ses actions, illustrées par le passage au discours direct et l'image de l'aveuglement dû à la passion.

 

2. La lucidité

 

Malgré son aveuglement, des Grieux fait preuve d'une certaine lucidité. Il se dépeint avec des termes péjoratifs, conscient de son abjection. L'ironie et l'autodérision finales, dans ses propos courtois mais à double entente, montrent un homme conscient de sa déchéance mais incapable de s'en détourner.

 

Conclusion

 

Ce passage de "Manon Lescaut" est un moment clé d'analyse psychologique. Il combine les caractéristiques des romans traditionnels avec une introspection profonde, permettant au lecteur de mieux comprendre des Grieux. Ce personnage tragique, déchiré entre lucidité et aveuglement, évoque la pathétique réalité d'un homme conscient de son avilissement mais irrémédiablement attaché à sa passion. Ce moment d'introspection renforce l'attachement du lecteur envers des Grieux, un personnage complexe et profondément humain.

Écrire commentaire

Commentaires: 0