Etude linéaire du poème Vénus Anadyomène de Rimbaud dans Les Cahiers de Douai

Etude linéaire du poème Vénus Anadyomène de Rimbaud dans Les Cahiers de Douai

L'analyse du poème "Vénus anadyomène" d'Arthur Rimbaud nous plonge dans une réinterprétation audacieuse et provocatrice du mythe de Vénus, la déesse de l'amour et de la beauté, telle qu'elle est traditionnellement représentée dans l'art et la littérature. Rimbaud, dans ce sonnet issu des Cahiers de Douai, écrit aux alentours des années 1870, se détache de la tradition poétique classique en adoptant une structure de sonnet irrégulier et en parodiant le blason, un genre littéraire qui célèbre la beauté féminine. L'objectif de Rimbaud semble être de renverser les conventions et de choquer le lecteur par une représentation inattendue et grotesque de Vénus.

 

Dans le premier mouvement du poème, correspondant au premier quatrain, Rimbaud présente une apparition effrayante de Vénus. Il utilise une comparaison entre la baignoire et un cercueil pour évoquer la mort, contrastant fortement avec l'image traditionnelle de Vénus émergeant de la mer. La description de la Vénus de Rimbaud est loin d'être idyllique : ses cheveux sont "pommadés" et "fortement noirs", et son corps émerge lentement et de manière disgracieuse de la baignoire. L'utilisation d'adjectifs tels que "bête" et "ravaudés" renforce cette image repoussante, s'éloignant radicalement de la déesse céleste pour se rapprocher d'une figure diabolique et infernale.

 

Le deuxième mouvement du poème, un contre-blason, détaille la laideur de Vénus en descendant du cou aux reins. Rimbaud emploie des termes tels que "gras", "gris", "larges" et "feuilles plates" pour décrire un corps déformé et peu harmonieux. L'animalité de la figure féminine est soulignée par l'utilisation du terme "échine". La synesthésie créée par la combinaison des sens visuels, olfactifs et gustatifs accentue l'effet d'écœurement. L'oxymore "Horrible étrangement" résume l'approche de Rimbaud à la poésie : sublimer le laid et transformer tout sujet, même le plus prosaïque, en thème poétique.

 

La chute du poème est particulièrement provocatrice. Rimbaud parodie le blason traditionnel en se concentrant sur une partie intime du corps de Vénus, rompant avec la représentation classique et idéalisée de la nudité féminine. La description crue de la "croupe" de Vénus, associée à un tatouage et à un ulcère, est un affront direct à la pudeur et à l'érotisme subtil des représentations antérieures de la déesse. L'oxymore "belle hideusement" encapsule l'esthétique poétique de Rimbaud, qui mêle le beau et le laid.

 

En conclusion, "Vénus anadyomène" de Rimbaud est une parodie audacieuse et une caricature violente du mythe de Vénus. Ce sonnet est une manifestation de son émancipation de la poésie classique, où Rimbaud, suivant l'héritage de Baudelaire et des Fleurs du Mal, cherche à étonner et à perturber le lecteur par une beauté étrange et dérangeante. La subversion de Rimbaud réside non seulement dans le contenu choquant du poème, mais aussi dans sa forme innovante et son approche révolutionnaire de la poésie.

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