Etude linéaire du poème Aube de Rimbaud

Etude linéaire du poème Aube de Rimbaud

Introduction

 

Arthur Rimbaud, figure emblématique de la poésie française, a concentré son œuvre poétique entre ses 16 et 21 ans. Dans ses écrits, la poésie devient un vecteur d'expression de sa révolte et de sa quête de nouveauté. Considérant le poète comme un "voyant", Rimbaud a exploré de nouvelles dimensions de la création poétique, notamment à travers les "Illuminations", un recueil de poèmes en prose. Parmi ces textes, "Aube" se distingue par son exploration du thème du commencement, tant au sens temporel qu'existential. Le terme "Aube", issu du latin "Alba" (blanche), évoque l'innocence, la pureté et l'enfance, des thèmes que nous retrouverons dans l'analyse linéaire du poème.

 

I - Le silence, pas de mouvement (vers 1 à 3)

 

Dans les premiers vers de "Aube", Rimbaud instaure une atmosphère de calme et de silence. La première phrase, qui clôt un rêve, est un cri de victoire, symbolisant l'accomplissement du poète. Le récit s'ouvre ensuite sur une vision de splendeur ("palais", "pierreries") mais teintée de mort. Cette contradiction crée une tension entre la beauté et l'inertie, renforcée par l'omniprésence de sons doux ("é", "ié") et un rythme calme, soulignant l'absence de mouvement ("rien ne bougeait").

 

II - L’éveil du jour et des animaux par l’auteur (vers 3 à 9)

 

Dans cette section, Rimbaud se met en scène comme l'acteur principal, celui qui éveille le jour et dissipe la nuit. Il utilise des métonymies pour décrire la nature s'éveillant ("haleines vives et tièdes", "pierreries", "ailes"), créant des images synesthésiques où chaque élément de la nature semble en harmonie avec les autres. Le poète se présente comme un interprète de ce monde, capable de comprendre le "langage des fleurs" et de communiquer avec les animaux. La cascade devient une chevelure de déesse, personnifiant la nature et illustrant la fusion entre le poète et le monde qui l'entoure.

 

III - La course après le jour (vers 10 à 13)

 

Ici, Rimbaud décrit une poursuite effrénée après l'aube, métaphore de sa quête de création et de connaissance. Les "voiles" représentent le temps qui passe, chaque minute gagnée sur la nuit. Le poème devient un rêve fragmenté, où la réalité se mêle à l'imaginaire ("allée", "plaine", "ville"). L'aube est personnifiée par des éléments urbains ("clochers", "dômes"), tandis que le poète se voit en "mendiant" et en "chasseur", symbolisant sa quête incessante.

 

IV - L’auteur attrape le jour … puis se réveille (vers 14 à 17)

 

Dans cette dernière partie, Rimbaud atteint son but dans un "bois de lauriers", lieu symbolique associé à Apollon, dieu de la poésie. Cependant, cette réussite est éphémère : en saisissant l'aube, le jour se lève et le rêve prend fin. Le poète "tombe", marquant la fin de sa quête et son retour à la réalité. Le poème se clôt sur une note complexe, où Rimbaud se décrit comme un "enfant" à la troisième personne, créant une distance avec son expérience vécue.

 

Conclusion

 

"Aube", extrait des "Illuminations", illustre la volonté de Rimbaud d'étendre les frontières de la poésie, en quête d'une langue capable d'exprimer l'inexprimable. Ce poème, à la fois rêve et réalité, représente la poursuite acharnée et finalement vaine du poète pour maîtriser le monde à travers ses mots. Rimbaud, dans sa quête de l'absolu, reconnaît ses limites et, confronté à l'échec, choisit finalement le silence. "Aube" reste un poème emblématique de cette quête, oscillant entre conte et récit de rêve, et reflète la complexité et la profondeur de la démarche poétique de Rimbaud.

Écrire commentaire

Commentaires: 0