Analyse du poème Le Buffet de Rimbaud dans Les Cahiers de Douai

Analyse du poème Le Buffet de Rimbaud dans Les Cahiers de Douai

Comment dans ce sonnet Arthur Rimbaud donne-t-il vie au buffet, symbole de son enfance?

 

Mouvement 1 : Une description extérieure du buffet (1er quatrain)

 

C'est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,” -> Objet qui semble artisanal (construit avec le temps), faits avec des matériaux d’antan (“chêne sombre”) + Début d’allitération en [s] -> ici plutôt associé à une sonorité douce, qui berce -> associée à un objet ancien et imposant ayant une histoire -> début de la brise qui émane de cet objet dont on va connaître l’histoire

 

“Très vieux” -> Ici l’adjectif confirme l’impression ressentie au vers 1 -> objet ayant vécu, chargé d’histoires 

 

“a pris cet air si bon des vieilles gens” -> Apparition de la vie au sein de ce buffet -> il est associé à un ressenti mélioratif du poète : Adverbe “si” insiste sur une forme d’exaltation, de nostalgie du poète -> Apparition de l’allitération en “ll” qui sera reprise tout au long du poème -> tout comme la répétition du son [s] elle semble être associée à un élément positif : les souvenirs de Rimbaud et des gens qui l’ont connu

 

“Le buffet est ouvert,” -> objet qui est en action, où l’on peut venir -> il est accessible par tous

 

“Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants ;” -> allitération en [f] -> sonorité douce qui annonce l’arrivée des souvenir dans un souffle + “parfums engageants” -> appel à l’odorat -> odeurs réconfortantes et agréables => rappellent à Rimbaud son enfance avec le “vin vieux” -> goût qui symbolise sa vie passée



Mouvement 2 : Un buffet renfermant de la vie (2ème quatrain)

 

Tout plein” -> objet qui a absorbé toutes les histoires dont il a été témoin -> retrace tous les souvenirs du poète

 

c'est un fouillis de vieilles vieilleries” -> Allitération en [y] extrêmement présente -> illustre la nostalgie de Rimbaud -> son doux qui berce + Pléonasme “vieilles vieilleries” -> insiste sur la nostalgie -> temps qui semble lointain pour le poète dont la vie a beaucoup changé depuis son enfance

 

De linges odorants et jaunes, de chiffons” -> retour de l’allitération en “s” associée à l’évocation des tissus personnels des personnes (vêtements) -> Semble être un souffle portant la vie et la mémoire des personnes de l’enfance du poète

 

“De femmes ou d'enfants” -> nomme la vie -> devient concrète -> commence à mettre des visages sur son ressenti et sa nostalgie

 

“de dentelles flétries” -> tissu beau mais usé par le temps, usé par les souvenirs qu’il renferme

 

“De fichus de grand'mère où sont peints des griffons”-> griffon = animal fantastique -> dimension mystique de son enfance qu’il semble idéaliser -> montre la rêverie du poète dans laquelle il souhaite nous aussi nous emporter



Mouvement 3 : Un buffet témoin des vies des personnes ayant connu Rimbaud (1er tercet)

 

- C'est là qu'on trouverait les médaillons” -> médaillons = objet personnel chargé d’histoire -> on y met les photos des êtres aimés

 

les mèches / De cheveux blancs ou blonds” -> le buffet porte des cheveux -> attributs physiques d’une personne -> image concrète qui met en avant le caractère sacré du souvenir -> les mèches de cheveux apparaissent ici comme des reliques du doux temps de l’enfance

 

“les portraits” -> seul témoin physique d’un défunt -> portraits ont le pouvoir de rappeler les traits physiques d’une personnes -> moyen pour le poète de garder en mémoire les visages qui l’ont marqué lorsqu’il était enfant

 

“les fleurs sèches / Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits” -> bouquet de mariage séché qui renferme un souvenir heureux -> fleurs mortes associées au parfum de fruits frais qui eux symbolisent la vie -> les souvenirs continuent de vivre et sont attirants -> associés à une odeur agréable qui donne envie d’être goûtée



Mouvement 4 : Un buffet vivant, capable de raconter les histoires qu’il renferme (2ème tercet)

 

 “O buffet du vieux temps” -> Apostrophe lyrique adressée au buffet -> Arthur Rimbaud adresse son sonnet à un objet et non à une personne aimée comme le veut la tradition -> casse les codes en associant le sentiment d’amour et de nostalgie à un objet représentant l’ensemble des êtres qu’il a aimés

 

“tu sais bien des histoires,” -> utilise la deuxième personne du singulier pour s’adresser au buffet -> personnification devient concrète -> le buffet est vivant et possède une mémoire 

 

“Et tu voudrais conter tes contes” -> Le buffet devient narrateur vivant de l’enfance de Rimbaud -> usage du conditionnel -> montre l’importance de se rappeler de son passé auquel beaucoup de personnes restent fermées => l’usage de l’allitération en [t] et en [d] (sonorités dentales) -> sonne plus agressive contrastant avec la douceur des sonorités utilisées précédemment -> montre la frustration du buffet face aux vivants qui restent fermés aux histoire et à la mémoire qu’il renferme

 

“et tu bruis / Quand s'ouvrent lentement tes grandes portes noires.” -> montre une fois de plus que le buffet est vivant -> il est capable de raconter, de dire les histoires dont il a été témoin -> il est garant de la survie de la mémoire des défunts qu’il a connus.

 


Dans son poème "Le Buffet", extrait des Cahiers de Douai, Arthur Rimbaud nous convie à un voyage dans le passé en décrivant un vieux meuble chargé d'histoire et de souvenirs. Ce buffet, d'apparence banale, devient sous la plume du poète un être vivant, un témoin silencieux du temps révolu. Rimbaud réussit ainsi à transformer un simple meuble en un confident fidèle, porteur des traces d'une époque révolue.

 

I. La personnification du buffet

Dès le premier vers, Rimbaud confère au buffet une identité propre en le décrivant comme un "large buffet sculpté". Son bois de chêne, sombre et très vieux, lui donne "cet air si bon des vieilles gens". Le poète instaure une comparaison explicite entre le meuble et une personne âgée, accentuant ainsi sa volonté de le présenter comme un être doté d'une âme et d'une histoire. Cette personnification se poursuit dans la dernière strophe avec l'emploi de la seconde personne : "tu sais bien des histoires, / Et tu voudrais conter tes contes". Le buffet semble alors habité par une volonté propre, capable de raconter les récits du passé comme le ferait une personne âgée, désireuse de partager ses souvenirs.

Rimbaud renforce cette impression d'un meuble bruissant de vie à travers une série d'allitérations en "ch", "v", et "f", qui suggèrent le chuchotement, le souffle du buffet. L'allitération en "t" dans "tes grandes portes noires" évoque le bruit du bois qui s'ouvre, renforçant encore l'image d’un meuble animé. Ainsi, le buffet n’est pas un simple objet : il prend vie sous la plume du poète, devenant un gardien des souvenirs qui s’y cachent.

 

II. Le buffet, un vieil ami

L'évolution de l’article indéfini à l'article défini souligne le rapprochement entre le poète et le meuble. Au début, il est simplement "un large buffet", un objet indéfini dans un environnement quelconque. Pourtant, dès le vers 3, il devient "le buffet", comme si le poète s’adressait à un vieux compagnon bien connu. Ce passage marque une entrée dans une intimité, renforcée par le choix du pronom familier "tu" dans la dernière strophe, qui fait du buffet un interlocuteur, presque un ami proche, ou un aïeul.

Rimbaud témoigne d’une certaine sympathie envers le buffet, décrit avec des termes empreints de tendresse, comme "cet air si bon des vieilles gens". La redondance de "vieilles vieilleries" et le champ lexical de la vieillesse ("vieux", "flétries", "grand'mère") soulignent le caractère désuet et précieux des objets contenus dans le buffet. Par cette apostrophe affectueuse : "O buffet du vieux temps", Rimbaud confère à ce meuble une importance presque familiale. Il devient un confident, un ami qui a accompagné le poète tout au long de sa vie.

 

III. Le buffet, témoin du temps passé

Ce buffet est bien plus qu'un simple meuble ; il est le réceptacle des souvenirs et des traces du passé. Les objets qu’il renferme, tels que "les médaillons, les mèches de cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches", évoquent les moments révolus, les personnes disparues, comme autant de vestiges d’une époque. Les parfums qui s’en dégagent - "Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits" - réactivent les sens du poète. Cette synesthésie (odeurs, parfums, bruissements) fait du buffet un pont entre le présent et le passé. À chaque ouverture, il fait resurgir les souvenirs et les sensations enfouies, devenant une incitation à se souvenir.

Cependant, cette incitation à se remémorer n’a rien de mélancolique. Les "parfums engageants" rappellent des souvenirs agréables, presque doux. Les objets inutiles, voire dépassés, sont en réalité les témoins précieux du temps passé. À travers cette description minutieuse, Rimbaud semble mener une quête sur ses propres origines, cherchant à retrouver, dans ce fouillis de "vieilles vieilleries", un peu de l’histoire familiale et personnelle.

 

Conclusion

Ainsi, Rimbaud, par ce sonnet irrégulier (les rimes sont croisées dans les quatrains), réussit à animer un simple meuble, en faisant de lui un personnage à part entière, un ami fidèle, porteur d'une mémoire vivante. Le buffet devient un miroir du temps, un lieu où se mêlent les traces du passé et les parfums de l'enfance, nous invitant à contempler le passage du temps avec tendresse et nostalgie.


Comment Rimbaud utilise-t-il la forme traditionnelle du sonnet pour rendre poétique un sujet trivial ?

I)  La personnification du buffet

Au cours de la transition entre les quatrains et les tercets le buffet est décrit comme un personnage vivant à qui le poète s’adresse comme un ami/confident: “ - O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires ” avec l’utilisation de la deuxième personne du singulier le poète marque la transition entre le récit et le discours. Dans le sonnet le poète et le buffet sont amicaux et ils présentent un lien d'intimité entre eux malgré le fait que le buffet ne s’exprime pas directement. Le buffet apparaît comme solide et respectable, garant de la sagesse familiale. L’allitération labiale en [m] évoque la tendresse : “les médaillons, les mèches”.

II) Le buffet, un témoin du temps passé

Ici le buffet est décrit comme étant le détenteur d’une infinité de souvenirs à travers le temps :  “C'est là qu'on trouverait les médaillons, les mèches De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.” Cette synesthésie sert à décrire les souvenirs du buffet qui eux, relèvent des cinq sens. Cela montre aussi que le buffet ne se souvient pas d’une personne ou d’un moment précis mais que le souvenir est suscité par ses sens comme l’odorat par exemple : “De linges odorants et jaunes, de chiffons”, “ Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.” L’anaphore de “de” dans le deuxième quatrain renforce l’énumération d’objets obsolètes. Dans ce poème il y a un  jeu sur les sonorités important, de nombreuses allitérations en [v] en [f] et en [ch] pour évoquer la vieillesse. De plus le poète évoque la vieillesse à travers sa répétition du mot :  “c'est un fouillis de vieilles vieilleries,” ainsi qu’en utilisant la métaphore des “fleurs sèches” pour montrer le temps qui passe. Enfin l’allitération en [k] souligne l’impossibilité de raconter le passé : “Et tu voudrais conter tes contes” sous-entend qu’il le voudrait mais ne le peut pas.

III) Une poésie qui transcende le réel 

Ce poème prend une tournure fantastique par la description d’un tableau vivant qui transcende le temps. En effet le dernier tercet évoque le fait que le buffet soit immortel : “ O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,  Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis Quand s'ouvrent lentement tes grandes portes noires.” L’utilisation du complément du nom “vieux temps” pour décrire le buffet ainsi que le fait qu’il sache “bien des histoires” montre que le buffet a déjà vécu longtemps et il s'apprête pourtant à rouvrir ses portes pour de nouvelles personnes. Le fait que le poète décrive les portes du buffet comme étant “grandes” et “noires” rappelle quand même l’inconnu et la peur de la mort et cela décrit le buffet comme étant un grand tombeau qui renferme les souvenirs de ses anciens invités morts qui sont gardés vivants à travers ces souvenirs que conserve le buffet pendant l’éternité.

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