Analyse du poème Le Buffet de Rimbaud dans Les Cahiers de Douai

Analyse du poème Le Buffet de Rimbaud dans Les Cahiers de Douai

Introduction

 

"Le buffet" d'Arthur Rimbaud, issu du Cahier de Douai, se présente sous la forme classique d'un sonnet, composé de deux quatrains et de deux tercets en alexandrins. Probablement écrit lors de son séjour à Douai en 1870, ce poème précède "Ma Bohème" et se distingue par sa structure et son thème. Rimbaud y explore la personnification d'un objet du quotidien, un buffet, le transformant en un réceptacle de souvenirs et d'histoires.

 

I. La personnification du buffet

 

Dans "Le buffet", Rimbaud emploie la seconde personne du singulier pour s'adresser au meuble, lui conférant ainsi une dimension humaine. Le buffet, à travers ce procédé, devient capable de raconter les histoires qu'il a accumulées, à l'image d'une personne âgée partageant les récits de sa vie. Cette humanisation est renforcée par l'expression de la volonté du buffet ("tu voudrais") et par la comparaison avec une personne âgée ("a pris cet air si bon des vieilles gens"). L'utilisation d'allitérations en "ch", "v", "f" crée une impression sonore évoquant le bruissement du buffet, tandis que l'allitération en "t" suggère le son d'une porte qui s'ouvre, métaphore de l'accès à la vie et aux souvenirs qu'il renferme.

 

II. Le buffet, un vieil ami

 

Rimbaud crée un lien intime avec le buffet, passant de l'article indéfini au défini ("un large buffet" à "Le buffet"), marquant ainsi un rapprochement et une familiarité croissante. Le poète exprime une sympathie envers ce meuble, le traitant avec affection et tendresse, comme s'il s'agissait d'un vieil ami ou d'un grand-père chéri. Le champ lexical de la vieillesse ("vieux", "flétries", "grand'mère") et l'apostrophe directe ("O buffet") renforcent cette intimité et cette affection.

 

III. Le buffet, témoin du temps passé

 

Le buffet, par les objets qu'il contient, devient un gardien du passé, un conservateur de souvenirs. Les mèches de cheveux, les odeurs mêlées de fruits, évoquent des sensations vivantes et puissantes, réveillées à l'ouverture du buffet. Rimbaud utilise le champ lexical des sens pour illustrer comment le buffet éveille les souvenirs et les émotions. Le buffet est ainsi une invitation à la remémoration, mais de manière agréable et engageante. Ces objets, bien que semblant inutiles, sont en réalité des témoins précieux du passé, peut-être même une quête personnelle de Rimbaud sur ses propres origines.

 

Conclusion

 

"Le buffet" de Rimbaud, bien que de forme simple, révèle une richesse sonore et une profondeur thématique. Les allitérations et les sonorités soigneusement choisies créent une harmonie qui enrichit le texte. À travers ce poème, Rimbaud se questionne sur ses origines, sur l'importance du passé et sur la manière dont les objets ordinaires peuvent devenir des récipients de mémoire et d'histoire.


Comment Rimbaud utilise-t-il la forme traditionnelle du sonnet pour rendre poétique un sujet trivial ?

I)  La personnification du buffet

Au cours de la transition entre les quatrains et les tercets le buffet est décrit comme un personnage vivant à qui le poète s’adresse comme un ami/confident: “ - O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires ” avec l’utilisation de la deuxième personne du singulier le poète marque la transition entre le récit et le discours. Dans le sonnet le poète et le buffet sont amicaux et ils présentent un lien d'intimité entre eux malgré le fait que le buffet ne s’exprime pas directement. Le buffet apparaît comme solide et respectable, garant de la sagesse familiale. L’allitération labiale en [m] évoque la tendresse : “les médaillons, les mèches”.

II) Le buffet, un témoin du temps passé

Ici le buffet est décrit comme étant le détenteur d’une infinité de souvenirs à travers le temps :  “C'est là qu'on trouverait les médaillons, les mèches De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.” Cette synesthésie sert à décrire les souvenirs du buffet qui eux, relèvent des cinq sens. Cela montre aussi que le buffet ne se souvient pas d’une personne ou d’un moment précis mais que le souvenir est suscité par ses sens comme l’odorat par exemple : “De linges odorants et jaunes, de chiffons”, “ Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.” L’anaphore de “de” dans le deuxième quatrain renforce l’énumération d’objets obsolètes. Dans ce poème il y a un  jeu sur les sonorités important, de nombreuses allitérations en [v] en [f] et en [ch] pour évoquer la vieillesse. De plus le poète évoque la vieillesse à travers sa répétition du mot :  “c'est un fouillis de vieilles vieilleries,” ainsi qu’en utilisant la métaphore des “fleurs sèches” pour montrer le temps qui passe. Enfin l’allitération en [k] souligne l’impossibilité de raconter le passé : “Et tu voudrais conter tes contes” sous-entend qu’il le voudrait mais ne le peut pas.

III) Une poésie qui transcende le réel 

Ce poème prend une tournure fantastique par la description d’un tableau vivant qui transcende le temps. En effet le dernier tercet évoque le fait que le buffet soit immortel : “ O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,  Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis Quand s'ouvrent lentement tes grandes portes noires.” L’utilisation du complément du nom “vieux temps” pour décrire le buffet ainsi que le fait qu’il sache “bien des histoires” montre que le buffet a déjà vécu longtemps et il s'apprête pourtant à rouvrir ses portes pour de nouvelles personnes. Le fait que le poète décrive les portes du buffet comme étant “grandes” et “noires” rappelle quand même l’inconnu et la peur de la mort et cela décrit le buffet comme étant un grand tombeau qui renferme les souvenirs de ses anciens invités morts qui sont gardés vivants à travers ces souvenirs que conserve le buffet pendant l’éternité.

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