Analyse linéaire de « Vieille chanson du jeune temps » de Victor Hugo dans Les Contemplations

Analyse linéaire de « Vieille chanson du jeune temps » de Victor Hugo dans Les Contemplations

En 1856, Victor Hugo auteur romantique du 19e siècle, considéré comme le chef de file du mouvement romantique, publie les Contemplations, recueil de poèmes organisé en 2 grandes parties, Autrefois et Aujourd’hui. “Vieille chanson du jeune temps”, datant de 1831,  est extrait du livre Aurore, premier des six livres des Contemplations, dans la partie Autrefois. Ce poème présente le premier émoi amoureux, accompagné de la nature qui l’entoure. Dans ce poème tourné sous forme de chanson, Victor Hugo parle de son éveil à l’amour sous sa forme la plus romantique : la rencontre d’une jeune fille dans la nature. Hugo construit ainsi ce poème sous la forme de quatrains. Les heptasyllabes, vers impairs, donnent de la musicalité au poème. Et les rimes croisées expriment l’incompréhension entre le jeune Hugo et Rose.

En quoi sous son apparence légère, cette chanson révèle-t-elle la profondeur des regrets de son auteur?

 

1er mouvement :

Victor Hugo utilise un chiasme afin de montrer la contradiction entre les deux personnages dès le début du poème au v1-2: Rose entreprenante, décrite par le verbe “venir” alors que le jeune Hugo reste indifférent avec l’utilisation d’une négation au vers 1 symbolisant un amour à sens unique : “Je ne songeais pas à Rose ; Rose au bois vint avec moi”. Le vers 2 est un vers léonin car il comporte une rime à l'intérieur du vers avec les mots “bois”, “moi” ce qui montre que l’auteur est perdu : “Rose au bois vint avec moi”. Au troisième vers, l’utilisation du mot “nous” annonce la promesse d’un couple : “Nous parlions de quelque chose,”. Le quatrième vers comporte une négation absolue puisque l’auteur décrit la scène comme si le jeune garçon montrait un désintérêt total envers la jeune femme. On remarque aussi la  banalité de la conversation entre les jeunes gens. Le pronom personnel “Je” indique au lecteur que c’est en fait la parole du vieil Hugo, celui du temps de l'écriture associé au présent d'énonciation. On retrouve cette idée du vieux poète mélangée au temps de l’action tout au long du poème. “Mais je ne sais plus de quoi”. Le vers cinq compare les mots “les marbres” et “froid” montrant ainsi à quelle point le jeune Hugo était distrait et distant. “Moi, seize ans, et l'air morose”. Durant les vers 5 à 7, Victor Hugo fait une anaphore de “je” symbolisant le fait que l’auteur est perdu dans son monde et dans ses pensées. On peut aussi observer un début de monologue avec la citation “Je parlais des fleurs” prouvant que l’auteur ne profitait pas du moment passé avec Rose puisqu’il essayait de remplir les blancs. “J'étais froid comme les marbres ; Je marchais à pas distraits ; Je parlais des fleurs, des arbres”. Une métonymie ainsi qu’une personnification au vers 8 expriment le langage du corps et la sensualité de Rose qui  envoie des signaux entreprenants : “Son œil semblait dire: "Après ?"”. Les vers de 9 à 12 comportent une omniprésence de la nature qui peut être justifiée par la personnification “la rosée offrait” ainsi que l'antithèse entre “J’allais” et  “J'écoutais” et “Rose”. “La rosée offrait ses perles, Le taillis ses parasols ; J'allais ; j'écoutais les merles, Et Rose les rossignols.”. Les vers 13 et 14 comportent un parallélisme antithétique avec les citations “Moi seize ans”, “Elle vingt” ce qui montre la séparation entre Rose et Hugo. “Moi, seize ans, et l'air morose ; Elle, vingt ; ses yeux brillaient”. Au vers 14, la citation “ses yeux brillaient” montre le langage du corps sensuel exprimé par Rose informant le lecteur que Rose mène cette balade/discussion. “Elle, vingt ; ses yeux brillaient”. Les vers 15 et 16 comportent un chiasme en relation avec les vers 11 et 12 exprimant une répétition donnant un ton chantant à la poésie. “Les rossignols chantaient Rose; Et les merles me sifflaient”. Au vers 16, la citation “et les merles me sifflaient” comporte une personnification de la nature qui semble critiquer avec amusement le comportement du jeune homme par l’action symbolique de se faire siffler : “Et les merles me sifflaient”.

 

2ème mouvement :

De plus, nous pouvons observer une correspondance romantique entre Rose et la nature due à une description méliorative de Rose, qui met en valeur sa beauté et sa sensualité. L’adjectif “droite” montre assurance face à la passivité du jeune homme. En effet, les vers 17 à 20 comportent une allitération en [b] qui accentue la sensualité de rose par les sonorités labiales qui imitent le baiser. “Rose, droite sur ses hanches, Leva son beau bras tremblant; Pour prendre une mûre aux branches; Je ne vis pas son bras blanc”. La citation “son beau bras” sont les paroles du vieil Hugo percevant la sensualité de Rose mis en opposition avec “mais je ne le vis pas”, paroles du jeune Victor Hugo, qui passe à côté du désir de Rose. Cette opposition est mise en valeur par l’alternance entre passé composé et passé simple. La négation exprimée par la citation “je ne vis pas” symbolise le regret éprouvé par le poète. En cela, Victor Hugo montre que la beauté de Rose est en adéquation avec la beauté de la nature. Victor Hugo nous décrit le sentiment amoureux à travers la nature. Il fait  une personnification de la nature “une eau courait”, “la nature amoureuse”. Il nous la décrit en effet comme un véritable élément de sensualité : en effet il fait allusion au toucher “fraîche”, accentué par “mousse de velours”. De même il fait allusion à l'ouïe : Rose et Hugo sont dans un cocon, même la nature leur offre ce sentiment d’amour. On observe l’utilisation de la négation et du passé simple montrant au lecteur que le jeune homme est absent de ce sentiment amoureux. Le passé simple montre le côté actif de Rose dans la relation alors que l'imparfait montre la passivité de Victor Hugo. Au vers 27, VictorHugo fait ressentir au lecteur le clapotis de l’eau afin d’attirer l’attention de Rose sous la forme d’une allitération en [p]. Par là même Victor Hugo capte véritablement l’attention du lecteur en ayant rédigé ce poème sous forme de récit. “Son petit pied dans l'eau pure”.

 

3ème mouvement :

Pour finir, on ressent la gentille ironie que porte le vieil Victor sur le jeune homme qu’il était. Le regard ironique apparaît au vers 29 avec la négation associée au verbe “dire”, “je ne savais”, montrant clairement que le poète est perdu et mutique : il ne sait plus comment réagir. “Je ne savais que lui dire”. Au vers 31 et 23, le chiasme : “parfois sourire et soupirer quelquefois” montre le changement d'émotion de Rose, entre satisfaction et déception. En effet elle est déçue voir exaspérée de la naïveté du jeune homme.Le vers 30 montre prise de conscience du jeune Victor Hugo qui comprend enfin les intentions de Rose : il la suit et s'intéresse enfin à elle : “Je la suivais dans le bois”. Le vers 33 marque une rupture, la fin de la promenade. La négation restrictive “je ne vis qu’elle” montre que le poète se rend compte qu’il est trop tard, après tous les efforts qu’a fait Rose. “Je ne vis” est au passé simple, ce qui montre que Victor Hugo devient actif : le passé simple a toujours été utilisé à travers Rose, qui elle était active. “Je ne vis qu'elle était belle”. Le vers 35  montre le point de non retour de Rose qui décide de mettre terme à cette histoire. La prise en charge de la situation avec négation absolue “soit” indique une réaction légère visible dans l’énonciation qui exprime son regret. Le poète se critique lui même : on remarque qu’il est passé devant une opportunité flagrante. “"Soit ; n'y pensons plus !" dit-elle.”

 

Conclusion:

Amour de jeunesse, il dresse un tableau bucolique et poétique, mais présence des intentions du poète avec un regard rétrospectif : regret qui pèse profondément. Le message du poète est donc de vivre au moment présent.

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