Introduction : Présentation de l'œuvre

"Électre" est une pièce de théâtre écrite par Jean Giraudoux en 1937, dans une époque marquée par des bouleversements politiques et des tensions sociales en Europe. S'inspirant de la mythologie grecque, Giraudoux réinterprète le mythe d'Électre, la fille du roi Agamemnon et de la reine Clytemnestre, tout en intégrant des éléments de modernité et des réflexions philosophiques sur la justice, le destin, et la vérité. La pièce se distingue par son style poétique et son mélange unique de tragédie et de comédie, caractéristique de l'écriture de Giraudoux.

 

Résumé détaillé :

Acte I : Le retour des fantômes du passé

La pièce s'ouvre sur une scène de la place publique à Argos, où se dressent le palais royal et une fontaine symbolique. Le jardinier du palais, le Président du Tribunal et le Mendiant (qui représente la voix de la sagesse et du destin) discutent de la situation politique et de l'atmosphère pesante qui règne sur Argos. Le Mendiant évoque la présence d'un secret caché, une vérité non dite qui hante la cité.

Électre, la fille d'Agamemnon et de Clytemnestre, fait son apparition. Elle est tourmentée par des visions et une obsession de la vérité concernant la mort de son père. Agamemnon a été assassiné des années auparavant, et Électre soupçonne que sa mère Clytemnestre et son amant Égisthe sont les coupables. Cependant, personne n'ose confirmer ces soupçons de peur des représailles du pouvoir en place.

Le retour d'Électre dans le palais et son attitude provocatrice bouleversent l'ordre établi. Elle refuse de se soumettre à l'autorité de Clytemnestre et Égisthe, remettant constamment en question leur version de l'histoire. Sa quête de vérité devient de plus en plus oppressante pour ceux qui souhaitent maintenir le statu quo.

Les habitants d'Argos sont divisés entre ceux qui sont sous l'influence d'Égisthe et Clytemnestre et ceux qui soutiennent Électre. Cette division crée une tension palpable dans la ville, exacerbée par les déclarations prophétiques du Mendiant qui prédit une catastrophe à venir si la vérité n'est pas révélée.

 

Acte II : Le complot et la découverte de la vérité

Dans le deuxième acte, la tension monte alors qu'Électre intensifie ses efforts pour dévoiler la vérité. Elle cherche des alliés parmi ceux qui ont souffert sous le règne de Clytemnestre et Égisthe. Elle retrouve son frère, Oreste, qui a été exilé pour sa sécurité après la mort de leur père. Oreste revient à Argos sous une fausse identité, incognito, mais il est vite entraîné dans le tourbillon des événements orchestrés par Électre.

Pendant ce temps, Égisthe et Clytemnestre, conscients de la menace que représente Électre, cherchent à neutraliser son influence. Égisthe, calculateur et rusé, tente de manipuler Électre en feignant la sympathie et en proposant un mariage arrangé pour l'éloigner du palais. Clytemnestre, en revanche, montre des signes de peur et de culpabilité croissante face aux accusations d'Électre. Elle est hantée par des cauchemars et des visions d'Agamemnon, un signe de son remords et de son anxiété.

Un complot se forme pour éliminer définitivement Électre et Oreste. Égisthe et Clytemnestre complotent pour les faire assassiner, mais le plan est déjoué grâce à l'intervention du Mendiant, qui avertit Électre de la trahison imminente.

Dans une confrontation intense, Électre accuse publiquement sa mère et Égisthe du meurtre d'Agamemnon. La tension atteint son paroxysme lorsque le Mendiant, jouant le rôle de deus ex machina, révèle des preuves accablantes contre eux. Égisthe et Clytemnestre, acculés par les accusations et la pression de la foule, ne peuvent plus nier leur culpabilité.

 

Acte III : La vengeance et la chute

Dans le dernier acte, la vérité a été mise à jour, mais elle n'apporte pas la paix à Électre. Au contraire, elle est maintenant consumée par un désir de vengeance qui la pousse à l'extrême. Elle persuade Oreste de tuer Clytemnestre et Égisthe pour venger la mort de leur père et restaurer l'honneur de la famille.

Oreste, partagé entre son amour fraternel pour Électre et son propre sens de la justice, hésite. Cependant, sous l'influence déterminée de sa sœur, il finit par accepter d'exécuter l'acte de vengeance. Clytemnestre est poignardée par Oreste, et Égisthe est tué peu de temps après.

Le meurtre de Clytemnestre et d'Égisthe crée une atmosphère de chaos et de désolation à Argos. La ville est désormais sans gouvernance, et les citoyens, pris de panique, cherchent à se protéger des représailles divines ou d'autres forces inconnues.

Cependant, après la réalisation de sa vengeance, Électre n'éprouve aucun soulagement, seulement un vide et une insatisfaction. Elle réalise que son obsession pour la vérité et la justice l'a conduite à des actes de barbarie, semblables à ceux de ses ennemis. Elle est confrontée à la réalité dévastatrice que la vengeance n'apporte pas de véritable rédemption ou apaisement.

Oreste, quant à lui, est rongé par le remords et la culpabilité pour avoir tué sa propre mère. La pièce se termine sur une note ambiguë, avec Oreste et Électre confrontés aux conséquences de leurs actions et à l'idée que le cycle de violence et de vengeance est sans fin.

 

Conclusion : Les thèmes et la portée de la pièce

"Électre" de Jean Giraudoux est une pièce riche en symboles et en réflexions philosophiques. Elle interroge des thèmes universels tels que la quête de vérité, le désir de justice, la culpabilité, le pouvoir, et la nature du destin. Giraudoux revisite le mythe antique pour en faire une œuvre profondément moderne, qui explore la complexité des motivations humaines et les conséquences morales des actions.

La pièce se termine sur une réflexion sur le prix de la vérité et de la vengeance. Giraudoux suggère que ces deux forces, bien que puissantes, ne conduisent pas nécessairement à la paix ou à la rédemption. "Électre" reste une œuvre pertinente qui résonne avec les questionnements contemporains sur la justice, la responsabilité et le pouvoir de l'obsession.

Il y a plusieurs thèmes clés dans "Electre" de Giraudoux qui entrelacent la crise personnelle et familiale.

 

1. La vengeance et la justice : Ce thème central de la pièce souligne la crise personnelle et familiale. Electre et Oreste sont plongés dans une quête personnelle de justice pour venger la mort de leur père. Cependant, cette quête devient une crise familiale lorsque la vengeance s'avère impliquer la mort de leur propre mère. Le défi de la vengeance personnelle transforme leur foyer en un lieu de conflit et de trahison.

 

2. La culpabilité et la rédemption : Electre et Oreste portent le poids de la culpabilité, pas seulement pour leurs actes de vengeance, mais aussi pour le péché original commis par leur mère. La pièce explore la possibilité de la rédemption à travers le châtiment, ce qui ajoute une couche supplémentaire de crise personnelle et familiale.

 

3. Le destin et le libre arbitre : L'importance du destin est un thème majeur dans la pièce. Les personnages luttent avec leur destinée préétablie et la possibilité de la contrer par le libre arbitre. Pour Electre et Oreste, leur destin est inextricablement lié à la crise familiale, les forçant à choisir entre l'acceptation et la rébellion.

 

4. Les conflits familiaux : La famille, au lieu d'être une source de soutien et d'amour, devient une source de conflit et de trahison dans "Electre". Cela reflète la crise familiale profonde qui s'insère dans la crise personnelle d'Electre et d'Oreste.

 

5. L'illusion et la réalité : La pièce questionne la nature de la vérité et de l'illusion, un thème souvent exprimé par le jardinier qui représente le peuple innocent et trompé. Ce thème amplifie la crise personnelle et familiale, car les personnages doivent naviguer entre les apparences et la réalité.

 

En somme, "Electre" de Giraudoux explore de manière complexe les thèmes de la vengeance, de la culpabilité, du destin, des conflits familiaux et de la vérité à travers le prisme des crises personnelles et familiales de ses protagonistes.