Analyse linéaire de Phèdre, Jean Racine, 1677, acte 5, v. 634-662

Analyse linéaire de Phèdre, Jean Racine, 1677, acte 5, v. 634-662

Introduction

Jean Racine (1639-1699), l'un des plus grands dramaturges et poètes classiques français, est célèbre pour sa tragédie "Phèdre". Cette œuvre, publiée en 1677, est la dernière tragédie profane de Racine et explore le thème de l'amour interdit et coupable de l'héroïne éponyme pour son beau-fils Hippolyte. Au début de la pièce, Thésée, le mari de Phèdre, a disparu, et Phèdre, convaincue de sa mort, se permet d'avouer son amour à Hippolyte. Le cinquième acte de la pièce met en scène le tant attendu "duo" entre Phèdre et Hippolyte, les deux protagonistes de cette tragédie. Dans cette tirade, Phèdre avoue involontairement son amour pour Hippolyte, créant une crise personnelle qui se mêle à une crise familiale. C'est ce passage que nous analyserons pour le bac de français, en mettant l'accent sur l'interaction complexe entre les sentiments interdits de Phèdre et les conséquences de son aveu pour la dynamique familiale.

 

I- (v 1-11) Évocation de Thésée et surimpression d’Hippolyte 

II- (v 12-19) Thésée substitué par Hippolyte au sein du mythe du Minotaure 

III- (v 20-29) Phèdre remplace Ariane et devient dès lors l’amante d’Hippolyte 

 

Problématique: 

En quoi cette déclaration d’amour involontaire témoigne-t-elle de la crise personnelle et familiale de Phèdre?

I- Évocation de Thésée et surimpression d’Hippolyte

Au sein de la tragédie de Racine, Phèdre se retrouve face à Hippolyte et, dans un élan de confusion émotionnelle, mélange les images de son mari Thésée et de son beau-fils. Au lieu de s'accrocher à l'espoir de voir son époux en vie, elle superpose les traits du père et du fils. On assiste ici à une analogie claire (soulignée par la répétition de "tel" et le polyptote "voir") entre Thésée et Hippolyte, car c'est pour ce dernier que Phèdre éprouve des sentiments.

 

Plutôt que d'accepter ses sentiments pour Hippolyte, Phèdre se lance dans un portrait idéalisé de Thésée, suggérant que l'homme qu'elle aime n'est ni l'absent Thésée, ni l'infidèle Thésée (référence indirecte par "mille objets divers"). Elle dresse ainsi une série d'adjectifs mélioratifs pour décrire Hippolyte sous les traits de Thésée, soulignant sa fidélité, son charme et sa jeunesse, des caractéristiques qui renvoient au mythe original (jeune homme résistant à l'amour).

 

Phèdre exprime son défi envers Hippolyte à travers l'hypozeuxe "tel qu'on dépeint nos dieux, ou tel que je vous vois", attribuant subtilement à Thésée les traits d'Hippolyte. Le père n'est plus celui qui donne son image au fils, mais l'inverse. Elle revient encore au mythe original, notant que la pudeur qui fait rougir est une caractéristique propre à Hippolyte.

 

Enfin, le texte glisse vers la référence au mythe du Minotaure, avec l'évocation explicite de la "Crète" et la périphrase "des filles de Minos" qui renvoie à Phèdre et Ariane. Ce conflit entre l'amour interdit et le devoir familial est l'une des crises personnelles et familiales centrales à l'examen du bac de français, un examen qui demande une analyse profonde de l'interaction des sentiments personnels et des obligations familiales.

II- Thésée substitué par Hippolyte au sein du mythe du Minotaure

Dans la complexité de ses sentiments, Phèdre confond Thésée et Hippolyte, induisant une réinterprétation du mythe où c'est Hippolyte qui aurait terrassé le Minotaure. Les questions directes introduisent cette substitution, et le vers 12 marque l'élaboration de cette réécriture fantasmée du mythe. La troisième personne du singulier souligne la dépersonnalisation de cette rêverie, qui s'éloigne momentanément de la réalité de la situation pour imposer un fantasme alternatif.

 

Phèdre insiste sur son regret face à la réalité décevante, évoquant la nostalgie de ce qui aurait pu être. Elle transforme alors la légende de Thésée en une mythologie personnelle, qui s'inscrit profondément dans le parcours "crise personnelle, crise familiale" du bac de français.

 

Le fantasme de substitution prend forme : le "il" représentant Thésée cède la place au "vous, votre". La rêverie de Phèdre se substitue à la réalité en la magnifiant. On note des références clés au mythe du Minotaure (la présence du monstre, le labyrinthe, le fil d'Ariane guidant Thésée). Une harmonie imitative se crée avec les allitérations en "l" et en "f", donnant l'impression d'entendre le fil se dérouler.

 

Dans cette réinterprétation, Minos est toujours le roi de Crète, Ariane reste la fille de Minos, mais Thésée, fils d'Egée roi d'Athènes, est substitué par Hippolyte dans le rôle du héros triomphant. Cette réécriture illustre la profondeur des sentiments interdits de Phèdre et l'intensité de la crise personnelle qu'elle traverse.

III- Phèdre remplace Ariane et devient dès lors l’amante d’Hippolyte

Phèdre se substitue ensuite à Ariane, induisant son aveu involontaire de son amour pour Hippolyte. Cet aveu se révèle dans l'irréel du passé, à travers le conditionnel "eût inspiré la pensée". Elle aurait ressenti un amour si immédiat et intense qu'elle aurait pris la place de sa sœur. Cet aveu indirect souligne la folie de Phèdre, qui semble s'adresser moins à Hippolyte qu'à elle-même.

 

La folie de Phèdre se poursuit, transformant la parole en vision. La répétition de "moi" souligne la substitution : Phèdre prend la place d'Ariane, marquant une réécriture profonde du mythe. Dans sa rêverie, Phèdre dévalue le fil d'Ariane, le considérant comme insuffisant, voire dérisoire. Son aveu d'amour se révèle une fois de plus dans la périphrase "votre amante".

 

Dans le parcours "crise personnelle, crise familiale" du bac de français, Phèdre se révèle comme une "compagne du péril", formant un couple illusoire et interdit avec Hippolyte. L'utilisation du nom propre de Phèdre signifie qu'elle se distancie de la réalité et se plonge plus profondément dans sa crise familiale et personnelle.

 

Le labyrinthe, évoqué une nouvelle fois, symbolise à la fois le lieu de son aveu d'amour et l'incarnation de son tourment personnel. Le labyrinthe devient ainsi l'emblème de la crise de Phèdre, exprimant de manière nouvelle et imagée l'amour, le désir et la psychologie. De même, l'euphémisme "perdue" revêt une connotation géographique et érotique, Phèdre se rêvant comme une femme perdue dans les bras d'Hippolyte. 

 

Ainsi, dans cette réécriture du mythe, Phèdre illustre la complexité de la crise personnelle et familiale, un parcours central du bac de français.

Conclusion

Cette scène de Phèdre, où l'imaginaire et l'érotisme de la fable prennent le dessus, a choqué le public du XVIIème siècle lors de sa première représentation. Elle transgressait les bienséances de l'époque, débordant d'amour, de fureur et d'audace. Cette représentation des crises personnelles et familiales, qui est au cœur du parcours "crise personnelle, crise familiale" pour le bac de français, met en évidence l'intensité des sentiments et des conflits au sein de la famille, reflétée dans le discours de Suzanne à Louis dans "Juste la fin du monde".

 

Ouverture:

 

Comme Phèdre, Louis dans "Juste la fin du monde" est également confronté à une confession impossible et tragique. Les deux œuvres illustrent comment les crises familiales et personnelles peuvent être exacerbées par l'incapacité à exprimer des sentiments interdits ou des vérités inconfortables. En fin de compte, la résolution de ces crises est souvent tragique, laissant des marques indélébiles sur les personnages et les relations familiales.

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