Analyse de Constance T. Pipelet, L’Épitre aux femmes, 1797, Du début de l’épître à « Il nous vend cher des droits qu’il ne peut nous ravir »
Introduction
La poétesse Constance T. Pipelet, avec son Épître aux femmes, met en avant sa dénonciation de la suprématie masculine et plaide pour un éveil de la conscience chez les femmes. Utilisant une forme de versification classique, l'alexandrin, elle utilise son art pour lutter pour l'égalité des sexes, surtout dans le domaine de la création littéraire.
Dans la première strophe de son poème, Pipelet rend hommage aux femmes, soulignant leur force et leur valeur. Elle les appelle à prendre conscience de leur situation, à ne pas accepter la position inférieure qui leur a été imposée. Elle utilise ici la puissance de la poésie pour transmettre son message, s'appuyant sur des vers bien rythmés et un choix de mots soigneusement choisi pour susciter une réaction émotionnelle chez ses lectrices.
Dans la deuxième strophe, elle introduit l'argument de l'ordre naturel. Elle suggère que les femmes, en tant qu'êtres naturels, devraient avoir autant de droit que les hommes à la création littéraire et à l'expression de leurs pensées. Elle remet en question l'idée que les hommes sont naturellement supérieurs aux femmes, affirmant que cette supposition n'est basée que sur des normes sociales et non sur une vérité biologique ou divine.
Enfin, dans la troisième strophe, Pipelet dénonce de manière très critique la domination masculine. Elle décrit les femmes comme des victimes d'une société patriarcale, soulignant à quel point cette domination est injuste et destructrice. Elle suggère que les hommes, par leur pouvoir et leur contrôle, ont opprimé les femmes et limité leur capacité à s'exprimer et à créer.
Ainsi, à travers ce vibrant appel à l'éveil des consciences, Constance T. Pipelet utilise son poème comme un instrument de persuasion pour encourager les femmes à s'émanciper de la domination masculine. Elle défend l'idée que les femmes ont le droit d'exprimer leurs pensées, de créer, et d'exister sur un pied d'égalité avec les hommes. En soulignant l'injustice de la domination masculine et en plaidant pour l'égalité des sexes, elle cherche à inciter les femmes à se rebeller contre leur statut d'infériorité et à revendiquer leurs droits.
Premier mouvement : un hommage de la poétesse aux femmes et une invitation à une prise de conscience (strophe 1)
I. La tonalité lyrique et laudative de l'hommage aux femmes
Dans cette première strophe, Constance T. Pipelet déploie une tonalité lyrique et laudative pour célébrer les femmes. En utilisant la première personne du singulier et la deuxième personne du pluriel, elle crée un lien direct et intime avec ses lectrices. Le début du poème s'ouvre sur une apostrophe passionnée : « Ô femmes ». Cette invocation, répétée à deux reprises, souligne l'intensité de l'émotion de la poétesse et son désir de rendre hommage aux femmes.
II. L'appel à la prise de conscience des femmes
Cependant, l'hommage aux femmes n'est pas la seule intention de la poétesse. Par son discours, elle souhaite également éveiller les femmes à la réalité de leur condition et à l'injustice de la domination masculine. Elle utilise une tonalité polémique pour critiquer la « honteuse ignorance » et l’ « enfance » dans lesquelles les femmes sont maintenues. Les hommes sont également critiqués, décrits comme étant « égarés ».
III. L'opposition entre raison et déraison
La strophe se structure autour de l'antithèse entre raison et déraison. Pipelet met en opposition les hommes, plongés dans l'erreur, et les femmes, appelées par la raison. C'est cette opposition qui souligne le besoin de changement dans la condition des femmes et renforce l'appel de la poétesse.
IV. L'usage didactique de la strophe
En plus de son ton lyrique et polémique, la poétesse utilise aussi une tonalité didactique pour instruire les femmes sur leur condition. Le croisement des champs lexicaux de la déraison (« délire », « ignorance », « égarés ») et de la raison (« censeurs éclairés », « raison ») met en évidence ce but pédagogique.
Conclusion du 1er mouvement :
Dans cette première strophe, Constance T. Pipelet utilise le lyrisme pour servir son argumentation. Son but est de persuader les femmes qu'une révolution est nécessaire. Elle les célèbre, les informe de leur condition et les exhorte finalement à se libérer de leur asservissement. Ainsi, le lyrisme est employé non seulement pour l'expression de l'émotion, mais aussi pour la défense d'une cause sociale.
Deuxième mouvement : l’autrice décrit l’harmonie naturelle entre les sexes (strophe 2)
En faisant appel à la raison et à l'ordre naturel, Constance T. Pipelet renforce son argument en faveur de l'égalité des sexes dans cette seconde strophe. En rejetant l'idée d'une hiérarchie naturelle entre les sexes, Pipelet suggère que les différences observées ne sont que superficielles et ne justifient pas la domination d'un sexe sur l'autre.
L'autrice recourt à une énonciation impersonnelle, utilisant la voix de la nature elle-même pour légitimer sa thèse. En utilisant le présent de vérité générale, Pipelet affirme que la nature propose une égalité intrinsèque entre les sexes, que l'homme et la femme sont naturellement complémentaires et interdépendants.
La structure parallèle de la strophe met en évidence cette complémentarité, soulignant l'harmonie naturelle entre les sexes. Pipelet suggère que la division observée dans la société n'est pas naturelle, mais plutôt le produit d'un déséquilibre social.
La pointe finale, "Même en se donnant tout, ils ne se doivent rien", sert à la fois de conclusion à la strophe et de résumé de l'argument de l'autrice. Pipelet suggère que même en se donnant entièrement à l'autre, ni l'homme ni la femme ne sont redevables l'un à l'autre, ce qui réaffirme l'idée d'égalité et rejette l'idée de domination.
En se référant à la nature et à la raison, Constance T. Pipelet présente une vision de l'égalité des sexes qui est à la fois persuasive et convaincante. En rejetant l'idée de la domination masculine et en soulignant la complémentarité naturelle des sexes, elle encourage les femmes à remettre en question les structures de pouvoir existantes et à lutter pour l'égalité.
Troisième mouvement : un blâme sans appel des hommes et une dénonciation de leurs abus de pouvoir sur les femmes
Dans cette troisième strophe, l’autrice intensifie sa critique de la domination masculine, adoptant une tonalité polémique. Elle dénonce l'homme comme injuste, usant d'une anaphore puissante ("l'homme injuste") qui souligne cette accusation. La figure de l'anaphore, qui répète les mêmes mots au début des vers, donne une force rythmique à cette accusation et renforce l'aspect accusatoire du discours.
Le champ lexical de la domination est fortement présent dans cette strophe, les termes "assujettir", "la loi du plus fort", "asservir", et "esclave" révélant la nature oppressive du régime patriarcal. Ces termes sont forts et sans équivoque, et contribuent à créer une image puissamment négative de la domination masculine.
La périphrase utilisée par Pipelet pour décrire les femmes comme "sa compagne et sa consolatrice" met en évidence l'injustice de leur condition. En suggérant que les femmes jouent un rôle essentiel et bénéfique dans la vie des hommes, elle rend la domination masculine d'autant plus scandaleuse. Cette périphrase souligne l'ingratitude des hommes qui maltraitent les femmes malgré leur rôle vital.
Cet extrait du texte de Constance T. Pipelet est un appel à la résistance contre l'injustice de la domination masculine. En adoptant une tonalité polémique, elle dénonce la nature oppressive du régime patriarcal et invite les femmes à se battre pour leur liberté et leur égalité.
Conclusion
C'est exact. Constance T. Pipelet, tout comme Olympe de Gouges, a utilisé ses talents littéraires pour faire avancer la cause de l'égalité des sexes. Elle a construit un texte sophistiqué qui utilise une variété de tonalités et de techniques pour présenter un argument puissant en faveur de l'égalité entre les sexes et pour condamner la domination masculine.
Sa composition en alexandrins, mélange de tonalités lyriques, didactiques et polémiques, contribue à l'efficacité de son message. Elle utilise la tonalité lyrique pour rendre hommage aux femmes et susciter de l'émotion, la tonalité didactique pour éduquer son auditoire sur l'égalité naturelle entre les sexes, et la tonalité polémique pour condamner les hommes et leur domination.
Cette multiplicité de tonalités et de techniques montre la sophistication de l'approche de Pipelet et sa détermination à utiliser tous les moyens à sa disposition pour faire progresser sa cause. Elle ne se contente pas de dénoncer la domination masculine, mais invite aussi activement les femmes à s'émanciper et à revendiquer leurs droits.
En faisant cela, elle s'inscrit dans la tradition des femmes écrivains des Lumières comme Olympe de Gouges, qui ont utilisé leur plume pour défendre l'égalité des sexes. En utilisant l'argument de l'ordre naturel et en condamnant la domination masculine, elles ont joué un rôle clé dans l'avancement de la cause des femmes à leur époque.
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