Le poème "Le Cageot" de Francis Ponge est une œuvre complexe et originale qui se présente comme une définition poétique d'un objet banal, mais qui dépasse largement cette dimension. Il s'agit d'un texte qui oscille entre la parodie de dictionnaire et le palimpseste, dans lequel le cageot est valorisé et devient une métaphore de la condition humaine.

Dans un premier temps, le poème se présente comme une définition, mais il est rapidement évident qu'il ne suit pas les conventions du genre. Le mot "cageot" est un mot-valise qui fusionne les mots "cage" et "cachot", ce qui donne une tonalité parodique au poème. De plus, la syntaxe des phrases est différente de celle d'une définition de dictionnaire, ce qui suggère que le texte est plus qu'une simple définition. La langue poétique française est évoquée à travers le dictionnaire, mais elle est également subvertie et enrichie par la poésie.

Le cageot est un objet prosaïque qui est souvent considéré comme banal et sans valeur. Cependant, Ponge le valorise en le présentant comme un objet simple et pur, en soulignant son omniprésence dans les rues et en le personnifiant. Les denrées qu'il contient sont également présentées comme précieuses et éphémères, ce qui crée un contraste entre la fragilité et la menace.

Le cageot est également une métaphore de la condition humaine. Sa mobilité et sa destinée inéluctable rappellent le chemin que nous devons tous emprunter, tandis que les fruits qu'il contient symbolisent la fragilité de la vie humaine. La vanité est également évoquée à travers les fruits dans le cadre d'une nature morte, qui rappelle la précarité de la vie et l'insignifiance des occupations humaines. Le cageot devient alors une figure de l'homme, soumis à un destin mortel.

Enfin, le poème est également une réflexion sur la poésie elle-même. Le tiret final marque une brisure qui suggère que la poésie doit rester légère et ludique malgré la gravité de la condition humaine. Le cageot devient un sapate, c'est-à-dire un objet de moindre valeur qui en contient un autre de grande valeur. La poésie est ainsi présentée comme une valeur universelle qui peut être contenue dans des objets apparemment insignifiants.

En conclusion, "Le Cageot" de Francis Ponge est un poème riche en significations et en métaphores. Il offre un regard poétique sur un objet banal qui devient une métaphore de la condition humaine. Le poème souligne également la dimension ludique et légère de la poésie, qui peut être contenue dans des objets modestes et simples.

I) Un palimpseste sous forme de parodie de dictionnaire

a) Un article de dictionnaire

Ce poème écrit au présent de vérité générale (présent gnomique) est composé à la manière d’un article de dictionnaire (excepté l’article défini « le » devant cageot dans le titre).

Mais c’est un article parodique qui prend des libertés (à l’inverse du cageot présenté tour à tour comme une prison et un prisonnier) avec l’inversion de l’ordre alphabétique entre « cage » et « cachot ».

Le mot valise « cageot » qui ne figure pas dans le Littré, est composé de cage et cachot.

 

b) Un objet du quotidien

L’allitération en [c] dans la première phrase reproduit le bruit cassant du cageot qui ne sert qu’une seule fois et est donc voué à disparaître. C’est un objet qui n’est pas noble puisqu’il ne sert qu’à transporter les denrées qui ont de la valeur. Il est donc inattendu de le trouver au centre d’un poème.

 

II) Le cageot, une métaphore du destin

a) La valorisation du cageot

Le cageot est présenté comme omniprésent puisqu’on le trouve « à tous les coins de rue ». 

Il est valorisé par le champ lexical de la lumière « il luit alors de l’éclat » comme dans les tragédies.

Sa couleur blanche évoque la pureté, c’est pourquoi il est digne de transporter des denrées précieuses « fondantes et nuageuses ».

Les rimes internes redonnent au cageot ses lettres de noblesse.

Enfin, le cageot personnifié semble s’étonner de son destin : « ahuri », « en somme des plus sympathiques ».

 

b) Un destin inéluctable

Le cageot est voué dès sa création à être détruit : « Agencé de façon qu'au terme de son usage il puisse être brisé sans effort », « à la voirie jeté ». 

Quoi qu’il fasse il ne pourra pas échapper à son destin tout tracé : « A tous les coins de rues qui aboutissent aux halles » .

Il ne peut que chercher un sens à son destin : « chemin » dès les premiers mots du poème, « sans retour », « sort ».

 

III) Une vanité

a) Memento mori : souviens-toi que tu vas mourir

Omniprésence du champ lexical de l'emprisonnement (« cage », « cachot », « suffocation »), «au terme » évoque la mort.

Les fruits transportés dans le cageot évoquent une nature morte.

L’allitération en [f] : « ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup une maladie » souligne le caractère fragile de ces fruits, comme la vie humaine est fragile.

Le cageot devient une allégorie du destin fragile de l’homme, voué à disparaître : « il ne sert pas deux fois ». 

 

b) Un sapate

Ce poème en prose renferme aussi une réflexion sur la poésie, les « denrées fondantes ou nuageuses qu'il enferme », car le poète voit de la poésie « à tous les coins de rue ».