Analyse du poème "Elle était déchaussée, elle était décoiffée..." de Victor Hugo

Analyse du poème "Elle était déchaussée, elle était décoiffée..." de Victor Hugo

Le poème "Elle était déchaussée, elle était décoiffée..." de Victor Hugo, écrit en 1853, est une ode à une rencontre amoureuse éphémère. Il s'inscrit dans le recueil Les contemplations, qui témoigne de la douleur de l'exil et de la mort de la fille de l'auteur. Ce poème se démarque de l'ensemble du recueil par l'absence de douleur exprimée et par la tonalité bucolique qui s'en dégage. Nous allons analyser les différents thèmes, styles et structures du poème.

Dans la première partie, Victor Hugo nous offre un récit de rencontre bucolique. Le poète décrit un cadre champêtre et idyllique propice à la rencontre des amants. La nature est omniprésente et douce : champs, arbres, rivières, bois... Les oiseaux chantent, créant une atmosphère propice à la rencontre amoureuse. L'apparition de la jeune fille est stylisée, elle est comparée à une fée. Un jeu croisé de regards s'installe entre les deux personnages, avec des regards soutenus et une fascination immédiate réciproque. Le jeune homme tente de séduire la jeune fille en la conviant à se promener sous les arbres profonds. La jeune fille accepte l'invitation avec bonheur, la nature devenant alors leur complice dans cette aventure amoureuse éphémère.

La seconde partie du poème est caractérisée par un lyrisme simple et familier en rupture avec la tradition. Le poète utilise des procédés empruntés à la chanson populaire, avec de multiples répétitions (anaphores). Il célèbre la beauté naturelle de la jeune fille, déchaussée et décoiffée, et idéalise la rencontre amoureuse. La jeune fille apparaît comme libre et farouche, affranchie des conventions sociales d'une époque encore très puritaine. Le poète éprouve un certain plaisir à se souvenir de ce moment, avec des souvenirs idéalisés de la jeune fille et des interjections lyriques qui restituent l'émotion de ce moment.

En termes de style et de structure, le poème est écrit en alexandrins formés de 4 quatrains avec des rimes embrassées. Les 4 strophes peuvent être séparées en 3 parties : les deux premières strophes décrivent la scène et l'invitation à l'amour, la troisième strophe admet une réponse de la jeune fille qu'on ne connaîtra qu'à la quatrième strophe. Le poème est très lyrique, avec la présence du "je" et du "moi", et un ton romanesque. La simplicité et la musicalité du poème sont renforcées par les répétitions et le vocabulaire courant. On peut remarquer la proximité avec la prose et l'introduction d'affirmations de l'esprit de liberté. Cette rupture avec la tradition poétique témoigne de la modernité du romantisme.

Victor Hugo célèbre la beauté naturelle de la jeune fille et idéalise cette rencontre, en utilisant un lyrisme simple et familier qui rompt avec la tradition poétique. Il utilise des procédés empruntés à la chanson populaire, avec de nombreuses répétitions et une musicalité qui renforce l'intimité du poème. Le cadre champêtre, la nature omniprésente et douce, créent une atmosphère propice à la rencontre amoureuse. Le jeu croisé de regards et les invitations sensuelles du jeune homme accentuent la tonalité romantique du poème.

Etude linéaire

• Le poème s’ouvre sur un alexandrin classique, de par sa découpe à l’hémistiche et son parallélisme syntaxique « Elle était déchaussée, elle était décoiffée » vers 1 ce rythme régulier plonge le lecteur dans une atmosphère harmonieuse

• Le pronom « elle » est répété deux fois et crée un effet de mystère ainsi qu’un effet d’attente.

• Dès le premier vers, le lecteur se retrouve en présence du portrait de la jeune femme, il est mis en lumière par un parallélisme de construction des propositions cette construction en participes passés « déchaussée » ; « décoiffée » se fondent sur une structure lexicale soutenue par le préfixe « dé »

• On peut également observer dans ce premier portrait des caractéristiques sensuelles qui sont évoquées comme la nudité des pieds « pieds nus », puis à travers le complément circonstanciel de lieu « parmi les joncs penchants » qui vient évoquer à la fois l’élément végétal et aquatique et fait apparaître une harmonie de sa beauté naturelle et de la nature qui sert de décor

• La beauté de cette nature est restituée par la douceur des sonorités qui se présentent en alternance « pieds nus, parmi » l’allitération en consonnes chuintante « j » et « ch » restitue le chuchotement de l’eau des « joncs penchants »

• Au troisième vers le poète paraît, bouleversé, tétanisé et envahi par cette vision idyllique « moi qui passait par là, j’ai crus voir une fée » assimile la jeune fille à une créature merveilleuse de la littérature médiévale,le nom fée pour la jeune fille

d’ailleurs la fée est la représentation allégorique d’une nature fascinante et magique pour le poète. Nous notons l’emploi des temps du récit au passé à travers « l’imparfait « passais » et le passé simple « je crus » nous entraîne dans le monde magique du conte de fée

• Le quatrain initial se conclut sur cette invitation « Et je lui dis : veux-tu t’en venir dans les champs, allitérations vibrantes en « v » « veux-tu », « venir » souligne le désir du poète , l’interrogation crée un effet d’attente à la fin de cette première strophe

• Au cinquième vers, le polyptote sur le mot « regard » souligne l’intensité ensorcelante de cette jeune fille « elle me regardait et de ce regard suprême » ce regard s’affirme aux yeux du poète comme un caractère surnaturel, merveilleux, l’adjectif hyperbolique « suprême » attribué au regard, justifie au vers 6 « qui reste à la beauté quand nous en triomphons » la fée, comme la nature reste une des splendeurs inépuisables.

• Face au silence, la poète réitère son invitation au vers 7-8 par l’anaphore « Veux-tu » exprime l’insistance de son désir « Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ? »

• Cette invitation amoureuse est justifiée par la saison printanière « mois où l’on aime » associée à l’amour et à la fertilité.

• La répétition des questions crée un effet d’attente de plus en plus pressant, et le lecteur tarde à vouloir connaître enfin la réponse de la mystérieuse fille Victor Hugo nous entraîne dans la rencontre d’une jeune aussi belle que la nature, il est envoûté et tente de se faire une place dans son cœur.

 

Dans le deuxième mouvement, la mystérieuse jeune fille suit le poète. Troisième et quatrième quatrain

• La jeune fille jusqu’à là restée immobile s’anime au neuvième vers « Elle essuya ses pieds à l’herbe de la rive, ce geste traduit l’intimité de sa relation à la nature avec laquelle elle est en complète osmose

• Les deux vers suivants 9 et 10 interrompent la dynamique amorcée puisque la jeune fille est regagnée par l’immobilité mis en valeur par le temps du passé simple « regarda », « devint pensive »

• L’anaphore en « Elle » vers 10 restitue l’intensité de cette jeune fille qui concentre pleinement son regard

• Mais la pensivité de cette fée ressemble à une sorte de badinage comme le suggère l’expression « belle folâtre » vers 11 l’hésitation serait feinte comme un jeu censé accroître le désir pressant du poète

• Le douzième vers brise l’hémistiche par l’interjection exclamative « Oh! » puis par la tournure exclamative « comme les oiseaux chantaient au fond des bois » cette vive émotion traduit la fascination du poète pour la nature, à travers l’imparfait «chantaient » il éternise ce moment comme une parenthèse temporelle suspendue.

• « Le fonds des bois » reprend « arbres profonds » et pour le poète qui est romantique la nature se dévoile dans sa grandiose quiétude et s’affirme comme un monde opposé

à la malédiction de la ville

• Le quatrième quatrain reprend la tournure exclamative « comme l’eau caressait doucement le rivage, L’anaphore en « comme » amplifie l’exclamation et la fascination des lois sublimes de la nature, puis le verbe caresser et l’adverbe doucement personnifient cette nature, l’assimilant à une douce présence féminine

• Cette douceur est également restituée par l’Alexandrin, harmonieusement rythmé par quatre groupes de trois syllabes « comme l’eau, caressait, doucement, le rivage ! » Le poète romantique cherche à rétablir dans son œuvre la pureté de la nature

• Les trois derniers vers exaucent les vœux du poète puisque la jeune fille vient vers lui « je vis venir vers moi, dans les grands roseaux verts »

• Du poète s’approche enfin « la belle fille heureuse, effarée et sauvage » l’énumération ternaire des adjectifs souligne l’ambivalence de la jeune fille, à la fois belle et dangereuse

• Le dernier vers confirme la venue de la fée « ses cheveux dans ses yeux et riant au travers » la chevelure déployée et le rire annoncent les plaisirs amoureux auxquels le poète et la jeune fille vont se livrer, la nature est l’espace consacré à l’épanouissement de tous les sens

• Le rire de la jeune fille, traduit l’indifférence au péché biblique, dans une sorte de religion de la nature comme vient témoigner l’abondant champ lexical de la nature « eau », « rivage », « roseaux verts », « sauvage »

• Le poème porte également la notation à la fin de poème, « Mont.-l’Am. ; Juin183.. » Celle-ci est doublement mystérieuse n’était-elle pas censée localiser dans l’espace et le temps la rencontre, ou la composition du poème ?

Écrire commentaire

Commentaires: 0