Analyse du poème en prose L'étranger de Baudelaire
Le poème en prose de Charles Baudelaire, intitulé L'étranger, est le premier poème du recueil Le Spleen de Paris. Il prend la forme d'un interrogatoire, cherchant à percer le mystère de l'identité d'un homme conscient de sa différence. La disposition typographique particulière avec des tirets et des interrogations systématiques attire l'attention du lecteur. Le contraste entre les questions et les réponses est flagrant, avec des réponses qui nient fortement les questions. Le tutoiement du questionneur et le vouvoiement de l'étranger montrent une volonté de maintenir une distance entre le moi et les autres. Le verbe "dis ?" au début du poème exprime la force essentielle du langage, qui est de renseigner et d'éclairer.
Le poème échoue à percer le mystère de l'identité de l'étranger, mais le titre, avec l'article défini, marque l'importance de cette identité. Il y a un effet puissant de chiasme entre le début et la fin du poème : au début, l'homme est énigmatique et difficile à comprendre, tandis qu'à la fin, il est un "extraordinaire étranger", marquant la distance et peut-être l'irritation ou l'admiration du questionneur. Cet écart entre le questionneur fictif et le lecteur, qui doit percer le mystère, peut être interprété comme une invitation à percer les mystères des autres textes du recueil.
Le poème cherche à dévoiler l'autre par une série de questions qui cherchent à caractériser ses passions, ses goûts. On peut noter une progression de la famille à des idéaux spirituels et matériels. Le texte joue sur deux champs antithétiques : l'amour et la haine ou l'indifférence. Le verbe aimer encadre le texte, mais avec une différence notable : on passe de "qui" à "que", comme si le questionneur prenait conscience de l'impossibilité de l'étranger à aimer quoi que ce soit. Les réponses de l'étranger sont en fort contraste et toujours négatives, traduisant un refus de l'ordre affectif et social.
Le poème remet en question les valeurs morales et sociales reconnues, avec un refus de l'étroitesse du nationalisme et du patriotisme. La beauté est l'idéal pur de l'homme et de l'artiste, mais l'étranger ne peut la côtoyer que dans sa forme idéale et sacralisée. L'or, symbole de richesse et de puissance, est l'idéal impur de l'homme, mais il représente également l'asservissement de l'homme à des besoins matériels et le pouvoir d'illusion. La dernière interrogation entraîne une réponse positive, rendue par le verbe aimer, l'adjectif merveilleux et la répétition ternaire du terme "nuage". Derrière le symbole, l'allégorie représente la revendication de l'immatériel, du mouvant, de l'évasion et du rêve, de l'imagination.
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