Analyse de Dom Juan de Molière
Analyse de Acte I scène 1, Comment, dans cette scène d’exposition surprenante, Molière dresse-t-il un portrait inquiétant de Dom Juan à travers les paroles comiques de son valet ?
I) Le portrait de Dom Juan par Sganarelle
a) L’impiété
Sganarelle nous dépeint son maître comme une personne impie : “qui ferme l'oreille à toutes les remontrances chrétiennes qu'on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons.”
b) Un débauché
De plus, Sganarelle insiste sur le caractère débauché de son maître qui enchaîne les conquêtes sans se préoccuper de la classe sociale des femmes qu’il séduit :
“et c'est un épouseur à toutes mains. Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui”.
c) Un grand seigneur
Ensuite, le valet s’indigne du mauvais usage que Dom Juan fait du pouvoir qu’il détient en raison de son haut rang social, et dont il se sert pour avoir un ascendant sur les femmes qu’il poursuit de ses assiduités, comme le montre l’emploi de l’adjectif “terrible” dans la phrase : “Mais un grand seigneur méchant homme est une terrible chose”.
d) Les éléments tragiques
Sganarelle fait une prolepse du futur châtiment de Dom Juan, qui sera puni par Dieu à la fin de la pièce, dans la phrase : il me fait voir tant d'horreurs, que je souhaiterais qu'il fût déjà je ne sais où.”
II) Sganarelle un valet de comédie
a) La crédulité
Sganarelle fait preuve de crédulité en se confiant à Gusman, il regrette ses paroles et menace alors Gusman : “Écoute au moins : je t'ai fait cette confidence avec franchise, et cela m'est sorti un peu bien vite de la bouche ; mais s'il fallait qu'il en vînt quelque chose à ses oreilles, je dirais hautement que tu aurais menti.”
b) Sganarelle un lâche et un poltron
Sganarelle est représenté comme un lâche et un poltron, il redoute son maître et doit acquiescer à toutes ses paroles sous peine d’être battu comme le montre la citation “la crainte en moi fait l'office du zèle, bride mes sentiments, et me réduit d'applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste.”
De plus le valet montre sa lâcheté à travers ses paroles, il redoute les représailles de son maître après s’être confié à Gusman. Il menace alors ce dernier de nier tout en bloc s’il n’arrive pas à garder sa langue : “Écoute au moins : je t'ai fait cette confidence avec franchise, et cela m'est sorti un peu bien vite de la bouche ; mais s'il fallait qu'il en vînt quelque chose à ses oreilles, je dirais hautement que tu aurais menti.”
c) La fascination de Sganarelle pour son maître
Le valet est très admiratif de son maître comme le montre l’hyperbole : “le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté.”
Pour se faire valoir, Sganarelle tente d’impressionner Gusman par les exploits d’un maître peu ordinaire, il crée ainsi l’attente et le suspense : “ce serait un chapitre à durer jusques au soir.”
d) Sganarelle un personnage comique (malgré lui)
Sganarelle tente d’utiliser un langage élégant mais sombre avec la comparaison animalière. De plus l’auteur utilise l’amplification du comique : “et qu'avec elle il aurait encore épousé toi, son chien et son chat”.
Analyse de Acte I scène 3, Comment les personnage de Dom Juan et de Done Elvire s’opposent-ils dans cette scène ?
I) Done Elvire, une héroïne tragique et pathétique
1. Le tragique
«Que ne vous armez-vous le front d'une noble effronterie ?»- Done Elvire demande à Dom Juan d’avoir une attitude digne de son rang en toutes circonstances.
«Que ne me jurez-vous que vous êtes toujours dans les mêmes sentiments pour moi, que vous m'aimez toujours avec une ardeur sans égale, et que rien n'est capable de vous détacher de moi que la mort ?»- Done Elvire a une dimension tragique: son amour pour Dom Juan est tellement sublime qu’elle est prête à lui pardonner sa trahison.
«Que ne me dites-vous que des affaires de la dernière conséquence vous ont obligé à partir sans m'en donner avis ; qu'il faut que, malgré vous, vous demeuriez ici quelque temps, et que je n'ai qu'à m'en retourner d'où je viens, assurée que vous suivrez mes pas le plus tôt qu'il vous sera possible ; qu'il est certain que vous brûlez de me rejoindre, et qu'éloigné de moi, vous souffrez ce que souffre un corps qui est séparé de son âme ?» - Champ lexical de la tragédie “ brûlez,souffrez, ce que souffre un corps qui est séparé de son âme”. Done Elvire, aveuglée par sa passion, demande à Dom Juan de mentir et consentir à son explication de son départ. Elle voudrait réécrire leur histoire. A la manière d’une héroïne tragique, son amour lui fait perdre la raison.
«Voilà comme il faut vous défendre, et non pas être interdit comme vous êtes.»- Done Elvire dit à Dom Juan les explications qu’il aurait dû donner pour justifier son départ en conservant le prestige de son rang. Elle est déçue car il l’avait séduite par ses belles paroles et maintenant il reste muet face à elle.
«C'est une lâcheté que de se faire expliquer trop sa honte ; et, sur de tels sujets, un noble coeur, au premier mot, doit prendre son parti. N'attends pas que j'éclate ici en reproches et en injures : non, non, je n'ai point un courroux à exhaler en paroles vaines, et toute sa chaleur se réserve pour sa vengeance. Je te le dis encore, le Ciel te punira, perfide, de l'outrage que tu me fois ; et si le Ciel n'a rien que tu puisses appréhender, appréhende du moins la colère d'une femme offensée.» - Done Elvire garde son attitude noble et retrouve ses esprits. Elle a perdu son amour mais conserve son honneur et sa dignité. Elle prophétise encore sur la vengeance Céleste qui surviendra à la fin de la pièce. Elle utilise un vocabulaire tragique “perfide” et “outrage”.
2. Le pathétique
“Ah ! que vous savez mal vous défendre pour un homme de coeur, et qui doit être accoutumé à ces sortes de choses ! J'ai pitié de vous voir la confusion que vous avez.” - Done Elvire est pathétique et naïve, aveuglée par son amour pour Dom Juan. Elle eprouve de la pitié pour Dom Juan, qui est en train de s’empêtrer dans ses mensonges et qui est visiblement mal à l’aise alors qu’elle devrait être féroce avec lui puisqu’il l’a trahie.
«Ah ! scélérat, c'est maintenant que je te connais tout entier ; et pour mon malheur, je te connais lorsqu'il n'en est plus temps, et qu'une telle connaissance ne peut plus me servir qu'à me désespérer. Mais sache que ton crime ne demeurera pas impuni, et que le même Ciel dont tu te joues me saura venger de ta perfidie.» - Done Elvire comprend l’intention réelle de Don Juan et fait un discours prophétique. En effet, elle fait une prolepse de l’apparition de la statue du Commandeur qui matérialisera la punition divine à la fin de la pièce. Le personnage d’Elvire prend une dimension pathétique par l’utilisation du mot “désespérer” qui sous-entend que Elvire a l’intention de se suicider pour laver son honneur.
II) Dom Juan, un personnage libertin
1. Le libertinage de moeurs
“Madame, à vous dire la vérité…” - Dom Juan fait un mensonge puisqu’il va mentir dans toutes ses répliques destinées à Done Elvire.
«Je vous avoue, Madame, que je n'ai point le talent de dissimuler, et que je porte un coeur sincère.» - Don Juan ment effrontément à Done Elvire en lui disant qu’il ne sait pas mentir et qu’il est sincère. Ainsi le vrai Don Juan se révèle au spectateur avec une de ses principales caractéristiques: l’art de mentir.
«Je ne vous dirai point que je suis toujours dans les mêmes sentiments pour vous, et que je brûle de vous rejoindre, puisque enfin il est assuré que je ne suis parti que pour vous fuir»- Don Juan commence par lui dire la vérité: il la fuit par manque de sentiments pour elle.
«Allons songer à l'exécution de notre entreprise amoureuse.» - Dom Juan rompt la tirade d’Elvire en acceptant qu’il est démasqué. Il pousse la cruauté jusqu’à dire à Elvire qu’il doit partir pour faire d’autres conquêtes amoureuses et qu’elle lui fait perdre son temps.
2. Le libertinage religieux
«non point par les raisons que vous pouvez vous figurer, mais par un pur motif de conscience, et pour ne croire pas qu'avec vous davantage je puisse vivre sans péché.»- Malgré l’expression de la vérité, Dom Juan explique sa fuite par un motif religieux: il va commettre des péchés s’il reste avec Elvire. Dom Juan est ici un personnage de faux dévot, il utilise la religion pour masquer son orgueil.
«Il m'est venu des scrupules, Madame, et j'ai ouvert les yeux de l'âme sur ce que je faisais. J'ai fait réflexion que, pour vous épouser, je vous ai dérobée à la clôture d'un couvent, que vous avez rompu des voeux qui vous engageaient autre part, et que le Ciel est fort jaloux de ces sortes de choses.» - Dom Juan justifie sa fuite par la crainte de la colère de Dieu. Pourtant, le spectateur sait bien que le comportement de Dom Juan est une fois de plus blasphématoire puisqu’au lieu d’être fidèle et chaste, il a un comportement libertin.
«Le repentir m'a pris, et j'ai craint le courroux céleste ; j'ai cru que notre mariage n'était qu'un adultère déguisé, qu'il nous attirerait quelque disgrâce d'en haut, et qu'enfin je devais tâcher de vous oublier, et vous donner moyen de retourner à vos premières chaînes. Voudriez-vous, Madame, vous opposer à une si sainte pensée, et que j'allasse, en vous retenant, me mettre le Ciel sur les bras, que par... ?» - Don Juan veut faire croire à Elvire qu’il croyait que leur mariage était un adultère déguisé vis-à-vis de Dieu, alors qu’il trompait réellement Elvire avec d’autres femmes. Il utilise un vocabulaire religieux pour convaincre Elvire, ancienne novice d’un couvent que leur mariage devait cesser car il dit qu’il a le sentiment d’avoir volé la fiancée de Dieu dont il fait semblant de craindre la colère, ce “courroux” qui se matérialisera à la fin de la pièce par l’apparition de la statue du commandeur. Encore une fois, Dom Juan dit un mensonge pour justifier sa fuite, par le faux repentir éprouvé par sa conscience. Au final, Dom Juan essaye de convaincre Elvire, que c’est pour son bien à elle qu’il l'abandonne pour la rendre à Dieu.
«Sganarelle, le Ciel !» - Dom Juan nie l'existence de Dieu.
«Vraiment oui, nous nous moquons bien de cela, nous autres.» - La réplique de Sganarelle ajoute une dimension comique dans le dialogue entre Done Elvire et Don Juan. Mais d’un autre côté Sganarelle est obligé de soutenir son maître afin d'éviter les coups qu’il lui inflige. Dom Juan emporte dans son sillage son entourage “Si le remords le pouvait prendre ! “, “Ah ! quel abominable maître me vois-je obligé de servir !”
Analyse de Acte II scène 3, Comment fonctionne le comique dans cette scène ?
I) La naïveté comique de Charlotte ( fantasme et vocabulaire concret)
a) Charlotte entre fantasme…
Charlotte croit naïvement que Dom Juan veut l’épouser : “Oh, Piarrot, ce n’est pas ce que tu penses, ce Monsieur veut m’épouser, et tu ne dois pas te bouter en colère.” De plus elle croit qu’elle pourra ainsi devenir plus riche : “si je sis Madame, je te ferai gagner queuque chose, et tu apporteras du beurre et du fromage cheux nous.” et s’élever dans la société : “Ça n’y fait rien, Piarrot, si tu m’aimes, ne dois-tu pas être bien aise que je devienne Madame ?”
b) … et réalité
En réalité, Charlotte n’est qu’une paysanne qui a été séduite par Dom Juan et elle est fiancée à Pierrot : “Jerni, tu m’es promise” et elle croit à tort que Dom Juan a raison de la séduire et d’humilier Pierrot : “ Et laisse-le faire aussi, Piarrot.”
II) La révolte pathétique de Pierrot (qui considère Charlotte comme un objet en sa possession)
a) Le langage ridicule du paysan
Pierrot utilise un langage très familier, ce qui le rend ridicule : “Morquenne, ça n’est pas bian de battre les gens”.
Ce langage montre que Pierrot n’est pas instruit, il est donc impossible pour lui de rivaliser avec Dom Juan : “Je vous dis qu’ou vous tegniez, et qu’ou ne caressiais point nos accordées.”
b) Une vision avilissante de la femme
Pierrot pense posséder Charlotte, il la considère tel un objet : “j’aime mieux te voir crevée que de te voir à un autre”.
Charlotte reste un enfant aux yeux de Pierrot puisqu’il entend l’éduquer à sa manière, ce qui montre bien que dans tous les milieux sociaux la femme est entièrement soumise à son père puis à son mari au XVIIème siècle, elle reste “mineure” toute sa vie : “Je me veux fâcher, et t’es une vilaine, toi, d’endurer qu’on te cajole”.
III) Le regard ironique de Dom Juan et Sganarelle (en position de spectateurs)
a) Sganarelle
Sganarelle se place en tant qu’arbitre entre Pierrot et Dom Juan puisqu’il parle à l’un puis à l’autre sans chercher à les confronter : “Eh, Monsieur, laissez là ce pauvre misérable. C’est conscience de le battre. Écoute, mon pauvre garçon, retire-toi, et ne lui dis rien.” Sganarelle éprouve de la compassion pour Pierrot puisqu’il le qualifie par “pauvre misérable” et par “pauvre garçon”.
b) Dom Juan
Dom Juan se sent supérieur à Pierrot et n’hésite donc pas à le ridiculiser et l’humilier : “Ah, que de bruit !”, “Qu’est-ce que vous dites ?”, Il considère les paroles de Pierrot sans importance car elles sont si mal tournées qu’il les dénigre. Le langage de Pierrot reflète son rang social et Dom Juan se sent tellement supérieur qu’il s’autorise à le frapper comme s’il était son valet alors qu’il vient de lui sauver la vie : “s’approchant de Pierrot pour le frapper”.
Dom Juan n’a aucune reconnaissance puisqu’il séduit la fiancée de son sauveur, mais surtout il bafoue encore une fois les valeurs chrétiennes : “Te voilà payé de ta charité.”
Analyse de Acte II scène 4, Comment fonctionne le double discours dans cette scène ?
Molière écrit Dom Juan juste après l’interdiction de Tartuffe. Il revient sur le sujet de l'hypocrisie avec sa pièce Dom Juan. Dans cet extrait le héros éponyme a promis le mariage aux paysannes Charlotte et Mathurine. Il se retrouve dans un conflit dans lequel il s’est mis lui même. Sganarelle, valet de Dom Juan, va essayer de prévenir les deux femmes de l’hypocrisie de son maître, mais ce dernier le surprend en train de parler aux jeunes femmes. Comment fonctionne le double discours dans cette scène? Nous essayerons de répondre à cette question en nous intéressant d’abord à la duplicité de Dom Juan envers les paysannes puis, à celle de Sganarelle envers Dom Juan.
I/ La duplicité de Dom Juan envers les paysannes
“embarrassé, leur dit à toutes deux. Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu’il soit nécessaire que je m’explique davantage ? Pourquoi m’obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j’ai promis effectivement n’a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l’autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j’accomplisse ma promesse ? Tous les discours n’avancent point les choses ; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n’est-ce rien que par là que je vous veux mettre d’accord, et l’on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. ” : Dom Juan affirme qu’il a promis le mariage à l’une des deux paysannes mais sans dire précisément laquelle. Il sème la confusion. De plus, à travers des questions rhétoriques comme “Que voulez-vous que je dise ?” “Pourquoi m’obliger là-dessus à des redites ?” Dom Juan monopolise la parole. La phrase “Aussi n’est-ce rien que par là que je vous veux mettre d’accord, et l’on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur.” Cela nous montre que en plus de dominer la scène, il est aussi impertinent envers les paysannes et s’amuse de cette situation.
«(Bas à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu’elle voudra. (Bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas à Mathurine.) Je vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (Bas à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue.» : Dom Juan complimente tour à tour les deux paysannes sans que celle qu’il ne complimente pas n’entende ce qu’il dit à l’autre. Seul le public est au courant, il y a donc une double énonciation. Les didascalies permettent d’insister sur le déplacement de Dom Juan entre les deux paysannes. Dom Juan se déshonore avec une telle attitude qui n’est pas digne de son rang puisqu’un seigneur a le devoir de protéger les paysans. De plus il abuse de sa supériorité intellectuelle et de son rang social.
“CHARLOTTE, à Mathurine. Je suis celle qu’il aime, au moins. MATHURINE. C’est moi qu’il épousera.” : Les deux paysannes sont convaincues qu'elles sont le véritable amour de Dom Juan et que l’autre ment. Dom Juan a réussi à semer la confusion et on pourrait imaginer une tension s’installant entre elle.
II/ La duplicité de Sganarelle envers Dom Juan
“Ah ! pauvres filles que vous êtes, j’ai pitié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur. Croyez-moi l’une et l’autre : ne vous amusez point à tous les contes qu’on vous fait, et demeurez dans votre village.” “Mon maître est un fourbe ; il n’a dessein que de vous abuser, et en a bien abusé d’autres ; c’est l’épouseur du genre humain, et… (Il aperçoit Dom Juan.) Cela est faux ; et quiconque vous dira cela, vous lui devez dire qu’il en a menti. Mon maître n’est point l’épouseur du genre humain, il n’est point fourbe, il n’a pas dessein de vous tromper, et n’en a point abusé d’autres. Ah ! tenez, le voilà ; demandez le plutôt à lui-même.”
Dès que Dom Juan est parti, Sganarelle essaye de prévenir les paysannes du double jeu de Dom Juan. En vérité, il ne compte en aucun cas se marier avec une paysanne. Mais dès qu’il voit son maître revenir le chercher, il change immédiatement son discours en faveur de se dernier. Sganarelle joue donc un double jeu comme son maître, mais pour essayer de venir en aide aux paysannes.
“Monsieur ? comme le monde est plein de médisants, je vais au devant des choses ; et je leur disais que, si quelqu’un leur venait dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu’il aurait menti.”
“Oui, monsieur est homme d’honneur, je le garantis tel.”
“Ce sont des impertinents.”
Au retour de Dom Juan, Sganarelle fait l’éloge de son maître devant les paysannes. Il joue un double jeu par peur de Dom Juan.
En conclusion, nous pouvons voir qu’il y a deux double discours qui se superposent dans cette scène ce qui donne un effet de théâtre dans le théâtre : la duplicité de Dom Juan envers les paysannes et celle de Sganarelle envers Dom Juan. Ce dernier n’aime aucune des deux paysannes et va semer la confusion en faisant croire qu’il a promis le mariage à l’une des deux. Sganarelle, lui, voulant aider les deux filles en bon chrétien, est déchiré entre sa conscience et sa crainte de son maître. Ces deux double-discours sèment la cacophonie dans la scène, perturbant même le spectateur.
Analyse de Acte III scène 1, Comment Molière met-il en place une parodie de disputation dans cet extrait ?
Le 17ème siècle en France est marqué par de graves conflits religieux. Dans ce contexte tendu, Molière écrit une première pièce traitant de la religion : Tartuffe. Cette dernière critique les faux-dévots et le règne oppressant de Louis XIV. Elle sera alors censurée et interdite de représentation. En réponse, Molière écrit alors en 1665 Dom Juan qui traite essentiellement de libertinage de moeurs et de libertinage religieux. L’acte III scène 1 met en scène un affrontement verbal entre Sganarelle et Dom Juan au sujet de la foi. Nous nous demanderons comment Molière met en place une parodie de disputation dans cet extrait. Tout d’abord, nous verrons que Sganarelle est ici un représentant et un défenseur de la morale chrétienne. Ensuite, nous étudierons le libertinage religieux de Dom Juan. Enfin, nous montrerons comment fonctionne l’ironie dans ce passage.
I) Sganarelle, représentant de la morale chrétienne
“La belle croyance, que voilà” : Sganarelle défie son maître.
“lI faut avouer qu'il se met d'étranges folies dans la tête des hommes, et que pour avoir bien étudié, on en est bien moins sage le plus souvent”: Ici Sganarelle rapporte bien des paroles religieuses puisque trop de réflexion et de connaissances scientifiques peuvent éloigner de la foi.
“Pour moi, Monsieur, je n'ai point étudié comme vous, Dieu merci, et personne ne saurait se vanter de m'avoir jamais rien appris; mais avec mon petit sens, mon petit jugement, je vois les choses mieux que tous les livres, et je comprends fort bien que ce monde que nous voyons, n'est pas un champignon qui soit venu tout seul en une nuit.”: Sganarelle fait preuve d’humilité ce qui montre son intelligence et sa bonne foi.
“Mon raisonnement est qu'il y a quelque chose d'admirable dans l'homme, quoi que vous puissiez dire, que tous les savants ne sauraient expliquer.”: Sganarelle reprend son discours par un argument théologique ce qui montre encore sa foi et sa volonté sincère de sauver Dom Juan.
“Cela n'est-il pas merveilleux que me voilà ici, et que j'aie quelque chose dans la tête qui pense cent choses différentes en un moment, et fait de mon corps tout ce qu'elle veut?” : Sganarelle fait encore preuve de bonne volonté en voulant raisonner Don Juan mais son manque de d’éloquence et d’instruction sont représentatifs de sa condition de valet. Par exemple on remarque qu’il ne prononce pas le mot “âme” bien qu’il en donne une définition correcte. Le personnage en devient pathétique car son ignorance est bien sûr due à sa pauvreté et à son statut de valet.
II) Le libertinage religieux de Dom Juan
“Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit.” : Par cette déclaration Dom Juan affirme avec assurance que selon lui Dieu n’existe pas.
“lI faut avouer qu'il se met d'étranges folies dans la tête des hommes, et que pour avoir bien étudié, on en est bien moins sage le plus souvent”: A travers les paroles de Sganarelle se dessine un portrait de Dom Juan qui nous expose un personnage maléfique car il utilise la connaissance et son savoir pour exercer le mal.
“J'attends que ton raisonnement soit fini.”: ce silence volontaire de Dom Juan dépeint une attitude méprisante, car il laisse son valet se ridiculiser dans son discours bancal.
III) L’ironie
Votre religion, à ce que je vois, est donc l'arithmétique ?: Ici Sganarelle fait preuve d’ironie à l’égard de Dom Juan malgré son discours très sérieux.
“Je voudrais bien vous demander qui a fait ces arbres-là, ces rochers, cette terre, et ce ciel que voilà là-haut, et si tout cela s'est bâti de lui-même ? Vous voilà vous, par exemple, vous êtes là; est-ce que vous vous êtes fait tout seul, et n'a-t-il pas fallu que votre père ait engrossé votre mère pour vous faire ? Pouvez-vous voir toutes les inventions dont la machine de l'homme est composée, sans admirer de quelle façon cela est agencé l'un dans l'autre, ces nerfs, ces os, ces veines, ces artères, ces... ce poumon, ce cœur, ce foie, et tous ces autres ingrédients qui sont là et qui…”: Sganarelle se ridiculise en essayant d’exposer ses connaissances.
On peut également voir grâce aux questions rhétoriques et aux points suspension qu’il est très impacté intellectuellement et qu’il n’a pas l’étoffe d’un narrateur.
“Oh dame, interrompez-moi donc si vous voulez, je ne saurais disputer si l'on ne m'interrompt, vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice.”:
Cette interruption dans son discours souligne le ridicule du personnage qui s’empêtre dans ses explications et espère être interrompu par son maître pour pouvoir arrêter de parler contrairement à ce que ferait un bon orateur.
“Je veux frapper des mains, hausser le bras, lever les yeux au ciel, baisser la tête, remuer les pieds, aller à droit, à gauche, en avant, en arrière, tourner…”: Cette citation est une accumulation d’arguments ridicules et enfantins qui donnent à Sganarelle des allures de pantin.
“Il se laisse tomber en tournant.
DOM JUAN.— Bon, voilà ton raisonnement qui a le nez cassé.” : Cette réplique ironique répond à la didascalie. Dom Juan réalise un jeu de mot au sujet de l’action ridicule du valet qui illustre son discours. Le comique de mots se joint au comique de situation et au comique de gestes.
Analyse de Acte III scène 2, Quels aspects de la personnalité de Dom Juan sont mis en valeur dans cette scène ?
I) La cruauté
1. L’insolence
«Je te suis bien obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon cœur.»
Le fait d’appeler le Pauvre “mon ami” est une preuve d’insolence et montre la supériorité que Dom Juan ressent par rapport à celui ci. De plus l’hyperbole “de tout mon cœur” est une forme d’ironie qui confirme le fait que Dom Juan se sert de son rang social pour prendre le Pauvre de haut. Au lieu de donner une pièce au Pauvre il décide d’uniquement lui dire merci.
«Ah, ah, ton avis est intéressé, à ce que je vois.»
Avec cette réplique Dom Juan fait preuve de cynisme et d’ironie car en réalité il est au courant des mœurs de l’époque sur la pratique de l’aumône.
«Tu te moques; un homme qui prie le Ciel tout le jour, ne peut pas manquer d'être bien dans ses affaires.»
Par cette réplique Dom Juan se moque du Pauvre, remet en cause ses prières et blasphème.
«Va, va, je te le donne pour l'amour de l'humanité»
Dom Juan se résout à donner un Louis d’or au Pauvre malgré son échec et il le donne au Pauvre avec insolence en prenant comme raison “l’amour de l’humanité”.
2. Le plaisir cruel
«Eh, prie-le qu'il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des autres.»
Dom Juan ici se moque du fait que le Pauvre n’est pas d’habits alors qu’il prie Dieu pour donner des biens aux plus riches. Il va faire exprès de prendre les paroles du Pauvre au sens propre alors que le Pauvre en réalité parlait au sens spirituel. Il prend un malin plaisir à se moquer de celui ci.
«Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise.»
Dom Juan continue à se moquer du Pauvre et du fait de l’inutilité de ses prières.
II) L’impiété
1. L’orgueil
«Vous ne connaissez pas Monsieur, bon homme, il ne croit qu'en deux et deux sont quatre, et en quatre et quatre sont huit.»
Sganarelle affirme cela au Pauvre pour lui montrer la totale impiété de son maître, et le fait qu’il croit tout savoir et ne croit pas au divin.
«Prends, le voilà, prends te dis-je, mais jure donc.»
Dom Juan s’énerve car le Pauvre lui résiste.
«Un homme attaqué par trois autres ? La partie est trop inégale, et je ne dois pas souffrir cette lâcheté.»
Ce n’est pas du courage que Dom Juan manifeste dans cette réplique, c’est de l’orgueil car s’il avait de la compassion il se serait comporté autrement avec le Pauvre. Il veut d’une part s’enfuir du combat spirituel qu’il a perdu contre l’ermite qui lui a résisté. Et d’autre part il ne veut pas rater une occasion de montrer qu’il est le meilleur à l’épée.
2. Une incarnation de Satan
«Je te suis bien obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon cœur.»
Dans la bouche de Dom Juan cette parole est un blasphème car il est dans ce texte une incarnation du diable qui n’a pas de cœur contrairement à ce qu’il veut faire croire. Il montre une capacité à mentir ici.
«Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins; ah, ah, je m'en vais te donner un Louis d'or tout à l'heure, pourvu que tu veuilles jurer.»
Molière réécrit ici le passage de la tentation de Jésus dans le désert. En effet Dom Juan incarne dans cette scène Satan qui proposa à Jésus de le suivre en échange de toutes les richesses qu’il pouvait voir. Jésus a répondu “Mon Royaume n’est pas de ce monde”. Il fallait que Molière crée un personnage qui puisse donner la réplique à Dom Juan pour qu’il puisse lui donner cette puissance diabolique. Le personnage du Pauvre incarne donc le Christ qui résiste à la tentation et refuse de jurer. On voit donc bien qu’au théâtre les personnages n’existent que les uns par rapport aux autres. Le Pauvre est un miroir tendu devant la face de Dom Juan et qui permet de révéler sa véritable nature diabolique.
«Tu n'as qu'à voir si tu veux gagner un Louis d'or ou non, en voici un que je te donne si tu jures, tiens il faut jurer.»
Répétition du mot “jurer” pour insister.
Analyse de Acte V scènes 4, 5, 6, Est-ce vraiment un dénouement de comédie ?
I) Les caractéristiques de la comédie
“DOM JUAN Si le Ciel me donne un avis, il faut qu'il parle un peu plus clairement, s'il veut que je l'entende.”: Dom Juan est toujours ironique dans ses paroles.
“DOM JUAN Non, non, rien n'est capable de m'imprimer de la terreur, et je veux éprouver avec mon épée si c'est un corps ou un esprit.”: A force de nier l’évidence il en devient ridicule.
“LA STATUE Arrêtez, Dom Juan : vous m'avez hier donné parole de venir manger avec moi.”: Cette réplique de la statue montre à quel point Dom Juan est un personnage sans honneur et donc aux antipodes du héros tragique.
“DOM JUAN O Ciel ! que sens-je ? Un feu invisible me brûle, je n'en puis plus, et tout mon corps devient un brasier ardent. Ah !”: La règle de bienséance n’est pas respectée.
“SGANARELLE Ah ! mes gages ! mes gages ! Voilà par sa mort un chacun satisfait : Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. Il n'y a que moi seul de malheureux. Mes gages ! Mes gages ! Mes gages !”: Il y a un comique de répétition au début de la réplique de Sganarelle. La plainte du valet nous montre le côté égoïste du personnage. Il conclut aussi la scène car c’est lui qui explique la morale de la même façon que c’était lui qui avait commencé à parler dans la scène d’exposition.
II) Les caractéristiques de la tragédie
“SGANARELLE Monsieur, quel diable de style prenez-vous là ? Ceci est bien pis que le reste, et je vous aimerais bien mieux encore comme vous étiez auparavant. J'espérais toujours de votre salut ; mais c'est maintenant que j'en désespère ; et je crois que le Ciel, qui vous a souffert jusqu'ici, ne pourra souffrir du tout cette dernière horreur.”: Sganarelle est la voix de la foi (champ lexical religieux), il s’était donné pour mission d’évangéliser Dom Juan mais il a échoué. Il met une dernière fois en garde son maître.
“DOM JUAN Va, va, le Ciel n'est pas si exact que tu penses ; et si toutes les fois que les hommes…
SGANARELLE Ah ! Monsieur, c'est le Ciel qui vous parle, et c'est un avis qu'il vous donne.”: Sganarelle n’est plus dans un rôle de valet de comédie puisqu’il ose couper la parole à son maître, ce qui témoigne d’un grand courage.
Dom Juan blasphème donc on est bien dans un conflit entre un homme et Dieu comme dans la tragédie où le personnage tragique se bat toujours contre les Dieux.
“DOM JUAN Si le Ciel me donne un avis, il faut qu'il parle un peu plus clairement, s'il veut que je l'entende.”: Une fois de plus Dom Juan lance un défi à Dieu avec cette phrase ironique et blasphématoire.
“DOM JUAN Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu'il arrive, que je sois capable de me repentir. Allons, suis-moi.”: même devant la mort il continue à blasphémer parce qu’il représente le péché d’orgueil (le pire de tous).
“LE SPECTRE, en femme voilée
Dom Juan n'a plus qu'un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du Ciel ; et s'il ne se repent ici, sa perte est résolue.”: Le spectre représente le personnage du choeur dans les tragédies antiques qui est là pour annoncer le destin des personnages de façon prophétique. “Le Spectre change de figure, et représente le temps avec sa faux à la main.” : Cette didascalie nous permet de confirmer le rôle prophétique du spectre qui donne à ce dénouement sa dimension tragique.
“DOM JUAN Spectre, fantôme, ou diable, je veux voir ce que c'est.” Dom Juan est encore dans le défi car en bon libertin il revendique le droit de tout savoir.
“LA STATUE Dom Juan, l'endurcissement au péché traîne une mort funeste, et les grâces du Ciel que l'on renvoie ouvrent un chemin à sa foudre.” Dieu s’exprime à travers la statue. C’est la morale de toute la pièce qui est exprimée ici.
“DOM JUAN O Ciel ! que sens-je ? Un feu invisible me brûle, je n'en puis plus, et tout mon corps devient un brasier ardent. Ah !”: Le personnage est puni par la mort.
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