Analyse de La leçon de Ionesco

Analyse de La leçon de Ionesco

Analyse de la Scène d’exposition

De « Bonjour, Mademoiselle ... C’est vous, c’est bien vous, n’est-ce pas, la nouvelle élève? » à « vous me paraissez instruite, bonne mémoire. »

 

Qu’y a-t-il d’inquiétant dans cette scène d’exposition ?

 

I) Des personnages caricaturaux

a) L’élève

Tout d’abord, on remarque que c’est un personnage respectueux représentant bien sa classe sociale : “jeune fille du monde”, “Bonjour, Monsieur. Vous voyez, je suis venue à l’heure. Je n’ai pas voulu être en retard”. Par la suite, on a aussi pu voir qu’elle reflétait l’image de l’élève modèle, parfaite, elle est à l’écoute et répond juste aux questions que lui pose le professeur: “(cherche un instant, puis, heureuse de savoir)”, “Ah, oui, l’automne”. 

 

b) Le professeur

Le professeur, quant-à-lui, est un personnage beaucoup trop respectueux, ce respect pouvant faire penser à de l’ironie : “Je ne sais comment m’excuser de vous avoir fait attendre. Je finissais justement ... n’est-ce pas, de ... je m’excuse. Vous m’excuserez …”. Il n’a pas l’air sûr de lui, ce qui ne le rend pas très rassurant, voire franchement inquiétant : “Oh, ça viendra ... Du courage ... Mademoiselle ... Je m’excuse …”. 

 

II) Une atmosphère absurde

a) L’apparente banalité de l’échange

La banalité de l’échange où il est question de la pluie et du beau temps (“Vous verrez, ça viendra ... Il fait beau aujourd’hui ... ou plutôt pas tellement ... Oh! si quand même. Enfin, il ne fait pas trop mauvais, c’est le principal ... Euh ... euh ... Il ne pleut pas, il ne neige pas non plus“) agace l’élève, ainsi que le lecteur, puisqu’on aimerait que l’échange progresse. Au lieu de cela la discussion prend une tournure absurde : “ L’hiver, c’est une des quatre saisons”, “Ça commence comme automobile, Mademoiselle”. Lors de cette première leçon, l’élève n’a rien appris car le professeur ne lui a rien enseigné. Il a préféré tester ses connaissances en la harcelant de questions.

 

b) L’incommunicabilité

Cependant la stupidité des questions du professeur pousse l’élève à douter de ses réponses puisque des questions non pertinentes ne peuvent pas aboutir à un échange constructif : “L’ÉLÈVE: ... temps, et puis l’été et euh …”. Ainsi, Ionesco démontre l’échec du langage impuissant à construire des liens entre les hommes.

Analyse de La leçon d'arithmétique

De « Combien font un et un? » à « L’ÉLÈVE: Je puis compter ... à l’infini. »

 

Comment dans cette scène Ionesco veut-il montrer les problèmes de communication entre les hommes ?

 

I) Un texte en deux parties

Ce texte est divisé en deux parties. Dans la première partie, l'élève obéit au professeur et répond correctement : “Quatre et un? Cinq”. 

Dans la deuxième, l'élève se montre insolente car le professeur la prend pour une imbécile. “Sept et un? Huit quater. Et parfois neuf.”

 

II) Un professeur inquiétant

Le professeur harcèle l'élève de questions sans tenir compte de ses réponses. Quand il s’adresse à l'élève il tourne répète plusieurs fois ses questions et parle rapidement, en tournant en rond sans atteindre un but. Le discours du professeur est celui d’un fou incapable de communiquer et montrant une grande violence dans ses paroles.

 

III) Une élève qui se rebelle contre la tyrannie

Au début de la scène, l'élève répond sérieusement aux questions du professeur jusqu'à ce qu’elle se rende compte qu’il n'écoute pas ses réponses, car il répète toujours la même question. Elle décide alors de rentrer dans son jeu, donc de répondre de manière insolente : “Sept et un? Huit ter. Parfait. Excellent. Sept et un? Huit quarter. Et parfois neuf.” On peut parler de théâtre dans le théâtre car elle joue la comédie pour le professeur. 

Analyse de  La leçon de linguistique

De «Toute langue, Mademoiselle, sachez-le, souvenez-vous-en jusqu'à l'heure de votre mort...» à «Oui»

 

Le ridicule du professeur est démontré tout au long de l’extrait, il expose des démonstrations fausses et absurdes : “Les sons, Mademoiselle, doivent être saisis au vol par les ailes pour qu'ils ne tombent pas dans les oreilles des sourds.” Il appuie ses propos par des explications pseudo scientifiques : “De cette façon, les sons remplis d'un air chaud plus léger que l'air environnant voltigeront, voltigeront” qui lui donnent de la crédibilité face à l’élève. Il ne se comporte pas comme un professeur normal, il ne laisse pas la possibilité à l’élève de participer et de donner des réponses mêmes justes : “Restez assise, n'interrompez pas…”. Il ne prend pas en compte le bien être de l’élève : “Ça n'a pas d'importance. Nous n'allons pas nous arrêter pour si peu de choses. Continuons…” 

Mais derrière ces démonstrations comiques et cette apparence de mauvais professeur, il y a un aspect inquiétant, dans ses explications il cache des informations à propos d’une mort imminente : “souvenez-vous-en jusqu'à l'heure de votre mort…” c’est lui qui choisira l’heure de la mort de l’élève, c’est une mise en garde et une prolepse. Le professeur ne veut pas s'arrêter, il veut finir vite pour pouvoir la tuer : “Ça n'a pas d'importance. Nous n'allons pas nous arrêter pour si peu de choses. Continuons…” la douleur de l’élève n’a pas d’importance puisque sa mort va rapidement arriver. L’élève est torturée et manipulée : "L'ÉLÈVE, qui aura l'air de souffrir de plus en plus.” Cet effet est appuyé par ses répliques qui sont de plus en plus courtes. Un personnage de théâtre n’existe que par la parole, or ces paroles sont de plus en plus courtes et donc vouées à disparaître, tout comme son existence.

Eugène Ionesco écrit cette pièce après la seconde guerre mondiale, il cherche à nous montrer les dangers que représentent la tyrannie et, à travers le personnage du professeur, un dirigeant commençant à manipuler une population fragile et blessée.  

De la nervosité à la folie

De « Ça n’a plus d’importance » à « LE PROFESSEUR (tue l’Élève d’un grand coup de couteau bien spectaculaire.): Aaah! tiens! »

 

Par quels moyens l’intensité dramatique est-elle exprimée ?

 

I) Un assassinat cruel

a) Le rythme et la musicalité

Le professeur répète en boucle le mot “couteau”, de manière différente comme le montre les didascalies, ce qui donne un air musical et répétitif tout au long de la scène. “(Il fait comme le coucou.) Couteau … couteau …”. Le professeur utilise différents rythmes pour dire le mot “couteau” afin de rendre l'élève folle, qui elle répète de manière “exaspérée” qu’elle a mal partout. 

 

b) Le sadisme et la folie du professeur

Le fait de répéter en boucle “couteau” montre l’insistance du professeur, on voit qu’il essaye de rendre folle l'élève. “couteau… couteau…”. L'élève, crispée, exaspérée par les paroles du professeur, a mal partout. Symboliquement, le mal de dents apparaît quand on éprouve des problèmes relationnels, puis s'étend dans tout le corps. Face au professeur, l'élève a certainement “serré les dents”. La scène est introduite par une réplique du professeur : “Ça n’a plus d’importance …”, ce qui nous laisse imaginer que le professeur va en finir avec l’élève, la tuer, comme s’il avait atteint un point de non retour dans sa folie et que tout retour en arrière vers plus de calme était désormais impossible. Les changements de voix du professeur montrent son sadisme, qu’il a envie de persécuter l'élève. On apprend le futur meurtre de l'élève au moment où le professeur dit “Le couteau tue”.

 

II) Une satire des rapports humains

a) L’emprise du professeur sur l’élève

Le professeur domine l'élève. Elle est en position de faiblesse, alors que le professeur, lui essaye de la perturber en répétant le mot “couteau”. Le professeur cherche à rendre l'élève aussi folle que lui afin de légitimer son meurtre à ses propres yeux. Le professeur veut intimider l'élève, en la harcelant de répétitions et en brandissant un coutant devant ses yeux a chaque seconde : “brandissant toujours son couteau”. 

 

b) Une satire des rapports de force

Au début de la leçon, l'élève joue avec le professeur, maintient une égalité de force, mais au final se fait totalement dominer par le professeur, qui ne lui laisse plus le temps de respirer, pour ensuite l'achever d’un coup de couteau. Comme on le voit dans les relations entre parents et enfants, patrons et employés, ou même dans les couples, il y a souvent un rapport de force, il y a toujours une personne qui est supérieure à l’autre moralement, qui domine.  Dans cette pièce Ionesco donne donc un exemple des rapports de force qui régissent notre société. La parole étant impuissante à résoudre les conflits, cela se termine par la violence. 

Analyse de la Scène finale

De « Marie s’approche, sévère, sans mot dire, voit le cadavre. » à «  Entrez donc, entrez, Mademoiselle! »

 

Dans quelle mesure cette scène finale confirme-t-elle le sous-titre de la pièce : drame comique ?

 

I) La bonne, un personnage traditionnel mais refaçonné

Dans les tragédies classiques, les héros tragiques sont toujours accompagnés de personnages secondaires qui jouent auprès d’eux un rôle de confident. Dans La Leçon de Ionesco, la bonne est également la confidente du professeur, mais aussi sa complice. Elle a une apparence physique et vestimentaire ainsi qu’un caractère traditionnels. De plus, on observe un renversement de la relation traditionnelle maître-valet après que le professeur ait tenté de poignarder sa bonne puisque celle-ci n’hésite pas à lui asséner une violente gifle : “La Bonne gifle, par deux fois, avec bruit et force, le Professeur qui tombe sur le plancher, sur son derrière; il pleurniche”. Le professeur a peur de la bonne, qui, devient même une figure maternelle puisque d’un côté, elle l’éduque (“Elle le relève par le collet, ramasse la calotte qu’elle lui met sur la tête; il a peur d’être encore giflé et se protège du coude comme les enfants.Mettez ce couteau à sa place, allez! ”), et d’un autre côté, elle s’inquiète pour sa santé et le materne comme un enfant (“Mais ne recommencez pas ... Ça peut vous donner une maladie de cœur ...”). De plus, on constate que la bonne a un humour décalé : “Elle est bien pressée, celle-là! (Fort.) Patience!”. Et enfin, les préoccupations de la bonne ne sont pas celles qu’on attendrait puisqu’elle se préoccupe davantage de soigne l’assassin que de protéger les victimes.

 

II) Un dénouement absurde et inquiétant

Ce dénouement est absurde car il est impossible de cacher quarante cercueils (“On va l’enterrer ... en même temps que les trente-neuf autres ... ça va faire quarante cercueils ... On va appeler les pompes funèbres et mon amoureux, le curé Auguste ... On va commander des couronnes …”), et, de plus, les parents vont bien remarquer la disparition de leur enfant. Le blasphème renforce l’absurdité de la situation : “Ce n’est même pas la peine d’appeler Auguste, puisque vous-même vous êtes un peu curé à vos heures, si on en croit la rumeur publique.” Mais ce dénouement absurde est surtout très inquiétant. En effet, quarante crimes se sont déjà déroulés, et une nouvelle élève frappe à la porte, ce qui fait d’elle la prochaine victime.

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2ème version de ce commentaire

I) Le personnage de la bonne 

a) Caractéristiques traditionnelles

Tout d'abord la bonne, dans cette œuvre est dévoué au Professeur. Elle couvre le crime de son maître. Ce dévouement est souligné par le professeur : "vous êtes une bonne fille…bien dévoué… Ce personnage à également du bon sens, elle est lucide:" ils ne demanderont rien". Elle a l'air très calme et sereine contrairement au professeur. A la fin de ce passage, elle accueille une nouvelle élève, elle reste comme avec la précédente très polie, respectueuse : "bonjour mademoiselle". "entrez mademoiselle". Cette bonne obéit totalement au professeur, puisqu'elle va jusqu'à accepter le meurtre et l'aider à enterrer la jeune fille. Ce personnage a à première vue toutes les caractéristiques traditionnelles d'une bonne. 

 

b) Une attitude surprenante

Au cours de cette pièce la bonne n'a pas beaucoup de temps de parole. Mais dans cet extrait elle a des répliques plus longues que le professeur et utilise l'impératif : "tenez", "allez". Cela montre que ce personnage est autoritaire et "dirige", cet enterrement . Ensuite elle a anticipé le crime contrairement au professeur. Elle garde son sang froid tandis que lui est déboussolé. C'est ainsi son sang froid et son cynisme qui en font un personnage effrayant. De plus elle reprend des propos, des gestes de la scène d'exposition : elle accueille de la même façon la nouvelle élève, c'est devenu une routine. Ce personnage qui au premier abord semble traditionnel adopte en fait une attitude surprenante. 

 

II) Un dénouement inquiétant 

a) Les aspects symboliques 

Premièrement la bonne se prénomme Marie, cela fait référence évidemment à la religion et à la mère du Christ. Pourtant elle est complice dans cet assassinat et couvre un meurtre. Eugène Ionesco fait alors une satire de la religion. L'expression : "les gens ne demanderont rien, ils sont habitués". Montre que la société d'aujourd'hui est habituée à voir des cercueils, ainsi que des morts, et le brassard nazi : "tenez, mettez ceci". C'est un dénouement cruel pour le spectateur mais Eugène Ionesco le rend complètement banal. Au sein de ce dénouement on retrouve de nombreux aspects symboliques. 

 

b) Les effets produits

Cette œuvre fait ainsi l’effet d'une boucle sans fin. Une élève meurt, une nouvelle sonne. De plus le fait que la bonne réemploie les même répliques qu'au début donne réellement l'impression que l'histoire va se répéter sans cesse. Nous sommes ici dans une scène cruelle, c'est un meurtre. Mais certaines appellations sont contradictoires : "ma petite Marie". De plus le professeur vient d'assassiner son élève mais ose déclarer : "ne lui faites pas de mal". Ces répliques du professeur sont complètement absurdes dans ce cas là. Et il prétend détenir le savoir mais paraît complètement déboussolé quand vient l'enterrement. Dans ce dénouement certains effets produits par des répliques, complètement opposées à la réalité de la situation, sont étonnants. 

Conclusion : Ce dénouement réunit tous les aspects, caractéristiques du théâtre de l'absurde: des personnages stéréotypés, à la fois traditionnels et décalés, une communication difficile et incohérente. Un drame absurde qui provoque le rire. 

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