Analyse de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas

Analyse de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas

Analyse du Chapitre 2. Le portrait de Marguerite

De “Or, il était impossible de voir une plus charmante beauté que celle de Marguerite” à “et ce surnom lui était resté.”

 

Comment le narrateur entretient-il le mystère autour de son héroïne ?

 

I) Un portrait parfait...

a) L’organisation de la description

Dans cet extrait, le narrateur fait un portrait et une description du personnage de Marguerite en commençant par son physique: “grande et mince”. Nous pouvons voir qu'à l'intérieur même de cette description, il y a une certaine organisation, le narrateur commence par nous décrire les vêtements de la Marguerite : “Son cachemire, dont la pointe touchait à terre”. Puis il nous décrit son visage et finalement ses cheveux : “La tête” et “Les cheveux noirs”.

A la fin de cet extrait, le narrateur finit cette description avec un détail sur des camélias, ce qui nous informe sur le métier de Marguerite : “Pendant vingt-cinq jours du mois, les camélias étaient blancs, et pendant cinq ils étaient rouges”. Le narrateur termine donc sa description en nous parlant d’une partie de la vie de Marguerite, pour entraîner le lecteur dans l’histoire et pour que le lecteur ait envie de découvrir la vie de Marguerite. 

 

b) Une description élogieuse

Cette description de Marguerite est très précise et le narrateur nous donne beaucoup de détails élogieux. Nous pouvons remarquer un vocabulaire mélioratif qui est employé pour décrire Marguerite : “charmante beauté que celle de Marguerite”. Le narrateur fait des comparaisons de la beauté de Marguerite avec l’art, la nature et la richesse, pour souligner le portrait parfait de cette femme: “si pur qu'il semblait peint”, “noirs comme du jais” et “brillaient deux diamants”. 

 

II) ...mais mystérieux

a) Des éléments contradictoires et troublants

Même si ce portrait physique semble être très détaillé et précis, nous pouvons voir qu'à la fin de ce récit, le narrateur nous donne un élément de la vie de Marguerite qui est très mystérieux : “on n'a jamais su la raison de cette variété de couleurs”. La description de Marguerite reste mystérieuse car nous ne connaissons pas réellement cette femme, le narrateur nous parle pas de leur relation, ni de sa personnalité. Le narrateur a décidé de nous donner le portrait de Marguerite, et qu’il tient donc aux apparences. 

 

b) L’implication du narrateur

Grâce à cette description élogieuse et mystérieuse de Marguerite, nous pouvons remarquer l’implication du narrateur et ses sentiments envers cette femme. Le narrateur fait un portrait parfait de Marguerite ce qui révèle son admiration envers elle. Mais cela nous montre aussi que le narrateur porte beaucoup d’importance pour les apparences physiques d’une personne, car la description de la vie de Marguerite est très courte, alors que la description physique est très détaillée. 

De plus, nous pouvons dire que ce narrateur est intradiégétique (c’est un personnage de l’histoire), car il emploie la première personne du singulier et la première personne du pluriel, “J'ai” et “on n'a”. Cela montre donc bien que le narrateur raconte cette histoire à travers ses yeux et que la description qu’il donne de Marguerite est marquée par ses émotions. 

Analyse du Chapitre 10. La déclaration d’amour d’Armand à Marguerite

De «  Mais à qui croyez-vous donc avoir affaire ? » à « il m’abandonnera, et qu’est-ce que je deviendrai ? »

 

Dans quelle mesure cette scène de rencontre est-elle surprenante ?

 

I) Une rencontre intime

Armand exprime ses sentiments à Marguerite avec beaucoup d’émotion : « dis-je avec un battement de coeur qui m’empêchait presque de parler ». La réaction de Marguerite évolue au fil de la conversation. Moqueuse et assez sèche au début (« Si vous me faites déjà des scènes de jalousie avant, qu’est-ce que ce sera donc après, si jamais l’après existe »), elle veut garder le contrôle de la situation. Cependant elle est peu à peu touchée par la sincérité et la candeur des sentiments du jeune homme : « car malgré les sourires demi-moqueurs dont elle avait accompagné toute cette conversation, il me semblait que Marguerite commençait à partager mon trouble »).

 

II) Un dialogue réaliste

Marguerite domine le dialogue. C’est elle qui parle le plus, et elle oppose des arguments réalistes et pragmatiques à la passion déraisonnable d’Armand : « Hé non ! il m’abandonnera, et qu’est-ce que je deviendrai ? ». La situation est complexe car en tant que femme entretenue, Marguerite n’est pas libre d’aimer selon son coeur : « Eh bien, et le duc ? ». Pourtant cette difficulté n’arrête pas Armand qui continue à croire fermement qu’un amour heureux est possible puisqu’il parle avec certitude en employant le futur de l’indicatif : « Il n’en saura rien ».

Analyse du Chapitre 10. Le Pacte d’amour

De « Si vous saviez comme je vous aime » à «  Maintenant, embrassez-moi et rentrons dans la salle à manger »

 

Comment le pacte passé entre les deux personnages donne-t-il une tournure dramatique au roman ?

 

Dans ce dialogue, Marguerite domine totalement Armand qui accepte de faire tout ce qu’elle lui demandera (« Tout ce que vous voudrez »). La courtisane entend garder sa liberté et n’en rendre aucun compte à son jeune amant (« je veux être libre de faire ce que bon me semblera, sans vous donner le moindre détail sur ma vie »). Ainsi, Marguerite propose à Armand une relation « intime » sans intimité ! Elle veut bien partager son lit avec lui mais refuse de lui ouvrir son coeur. Elle ne cherche pas à aimer mais seulement à être aimée, sa conception de l’amour est très égoïste et ne saurait faire le bonheur du jeune homme qui accepte pourtant d’être « soumis » à sa dame tel un chevalier dans un roman courtois. Cette conception de l’amour est due au fait que Marguerite, en tant que femme entretenue, a l’habitude d’être dominée par les hommes qui la payent et qui « deviennent d’autant plus exigeants qu’on leur donne tout ce qu’ils veulent ». Elle voit dans cette relation avec Armand une occasion de reprendre le contrôle de sa propre vie dans une société où les femmes sont sous le joug des hommes. La revendication de Marguerite, quoique choquante à première vue, est donc en fait bien légitime.

Analyse du Chapitre 15. La dispute

De « Et pourquoi ne pouviez-vous pas me recevoir  ?» à « tu es la seule créature humaine qui ait bien voulu me plaindre »

 

En quoi ce passage nous fait-il réfléchir sur la condition des femmes au XIXème siècle ?

 

La jalousie d’Armand s’appuie sur de mauvaises raisons car il devrait comprendre que pour partir vivre six mois à la campagne avec lui, Marguerite a besoin de beaucoup d’argent. Or sa seule possibilité d’obtenir cet argent est de recevoir les riches amants qui l’entretiennent et de leur accorder les faveurs qu’ils lui réclament en contrepartie. Armand a dans ce passage un comportement enfantin car il devrait être conscient qu’une courtisane n’a aucune autre possibilité d’obtenir de l’argent et que Marguerite s’est sacrifiée en recevant un homme qu’elle n’aime pas pour pouvoir vivre quelques temps avec l’homme qu’elle aime : « Nous sommes quelquefois forcées d’acheter une satisfaction pour notre âme aux dépens de notre corps, et nous souffrons bien davantage quand, après, cette satisfaction nous échappe ». Le seul fait que Marguerite ait reçu le Duc en cachette constitue une déclaration d’amour qu’Armand aurait dû reconnaître au lieu de lui en tenir rigueur : « je vous répète donc que de la part de Marguerite Gautier le moyen qu’elle trouvait de payer ses dettes sans vous demander l’argent nécessaire pour cela était une délicatesse dont vous devriez profiter sans rien dire ». Marguerite est capable de dissocier totalement son coeur et son corps, utilisé seulement comme un outil pour s’acheter quelques mois de bonheur avec Armand. A la fin de l’entretien, Armand finit tout de même par réaliser son erreur : «  je me demandais si le désir de l’homme a des bornes ».

Analyse du Chapitre 17. La rédemption

De « A partir de ce jour il ne fut plus question du duc » à « elle ne peut pas faire ce que faisait Manon »

 

En quoi cet extrait est-il romantique ?

 

I) Un personnage transformé

Marguerite, par son attitude et ses vêtements, cherche à ressembler à une bourgeoise de la campagne. Le cadre bucolique de Bougival, la robe blanche qui symbolise la pureté à laquelle elle aspire, et l’intensité de ses sentiments font d’elle une héroïne romantique : «  Jamais femme […] n’eût pour son époux l’amour et les soins qu’elle avait pour moi ». Sa nouvelle vie s’oppose de façon tranchée à ses anciennes habitudes de femme entretenue : « Elle avait rompu avec ses amies comme avec ses habitudes, avec son langage comme avec ses dépenses d’autrefois ». 

 

II) Une issue forcément fatale

Une menace plane sur le bonheur des deux personnages : « Nous nous hâtions d’être heureux, comme si nous avions deviné que nous ne pourrions pas l’être longtemps ». L’implicite et les sous-entendus, très présents dans ce passage, donnent au récit une intensité dramatique : « Ce fut pendant ce temps-là qu’elle lu si souvent Manon Lescaut ». Comme dans le roman de L’abbé Prévost Manon brise le coeur du chevalier des Grieux, Marguerite rendra Armand fou de douleur, bien que ses intentions soient nobles, contrairement à celles de Manon.

Analyse du Chapitre 26. L’agonie de Marguerite

De « 5 février » à « et c’était Julie Duprat qui avait continué »

 

Dans quelle mesure le choix de faire raconter à l’héroïne sa propre agonie lui donne plus de force ?

 

I) Une lettre d’adieux

Dans cette lettre dominée par le registre tragique, Marguerite fait ses adieux à Armand : « Oh ! venez, Armand, je souffre horriblement, je vais mourir, mon Dieu ». L’évocation du souvenir de leur première rencontre et le besoin impérieux ressenti par Marguerite de retourner à cet endroit comme sur les lieux d’un pèlerinage montre que la mort se rapproche tout en sanctifiant son amour : « tout le temps j’ai eu les yeux fixés sur la stalle que vous occupiez ce jour-là ». 

 

II) Une scène tragique

Marguerite a rassemblé toutes ses forces pour se rendre sur les lieux de sa première rencontre avec Armand afin de s’imprégner de son souvenir pour avoir plus de force au moment d’affronter la mort. L’agonie de Marguerite est d’autant plus tragique qu’elle souffre horriblement, comme pour expier en martyre ses fautes passées : « Mon Dieu ! Mon Dieu ! Je vais mourir. Je m’y attendais mais je ne puis me faire à l’idée de souffrir plus que je ne souffre, et si… » La ponctuation expressive mime la respiration de la jeune mourante qui n’a pas la force d’achever sa dernière phrase. Ainsi, comme le dira le prêtre de Saint-Roch qui viendra lui donner l’extrême onction, Marguerite, si elle a vécu dans le péché (ce qui signifie dans l’erreur), meurt comme une sainte, c’est-à-dire que grâce à la puissance de son amour et à la sincérité de son repentir et de son sacrifice elle devient parfaite aux yeux de Dieu.

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Commentaires: 1
  • #1

    Éric N Bonvin (mardi, 24 septembre 2024 20:15)

    Votre article part d'une très belle initiative et a dû nécessiter un temps de travail important ; brava à vous ! Je dois toutefois vous signaler que vous y avez confondu intradiégétisme et homodiégétisme. Le narrateur est ici homodiégétique, car il apparaît en tant que personnage de son récit. En revanche, un narrateur est toujours extradiégétique par rapport à son propre récit (tout comme, dans une bande dessinée, un narrateur apparaît toujours à l'extérieur de sa bulle). Un narrateur ne peut être intradiégétique que par rapport au récit d'un autre narrateur, autrement dit s'il fait partie, en tant que narrateur, d'un récit-cadre dans lequel son propre récit est enchâssé (dans une bande dessinée, le narrateur intradiégétique raconte une histoire représentée par une bulle ; cette bulle et le narrateur lui-même sont contenus dans une autre bulle, appelée récit-cadre, et prononcée par un autre narrateur, souvent distinct, mais pas nécessairement).

    Éric N Bonvin
    Maître de conférences
    Département de Langue et littérature françaises
    Université Fùdàn
    Shànghǎi