Analyse de Ubu Roi de Jarry

Analyse de Ubu Roi de Jarry

Acte I, scène 1 cette scène d’exposition remplit-elle son rôle ?

 I) On apprend des informations

 a) Père Ubu, un personnage stupide

 

  “Que ne vous assom'je, Mère Ubu !” : La colère qui ronge Père Ubu l’empêche de parler correctement. L’utilisation du verbe “assommer” le rend violent et nous renseigne sur la relation de force entre ces personnages.

 

 “certes oui, je suis content.On le serait à moins : capitaine de dragons, officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l'ordre de l'Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d'Aragon, que voulez-vous de mieux ?” : Père Ubu nous relate son parcours avec fierté.

 “Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.” Cette réplique renchérit sur l’incompréhension de Père Ubu quant au déclaration de sa femme insistant sur un protagoniste pauvre d’esprit.

 

 “Ah ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à l'heure par la casserole.”: La colère regagne notre personnage, ce dernier semble épuisé par les propositions absurdes de sa conjointe préférant jouer avec un rapport de force sur cette dernière puisqu’il la prévient de ce qui l’attend si elle ne cesse pas.

 

 “Eh vraiment ! et puis après ? N'ai-je pas un cul comme les autres ?” Cette réplique illustre un des seuls moments de lumière de Père Ubu car il ne tombe pas dans la piège de sa compagne.  

 

 “Si j'étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme celle que j'avais en Aragon et que ces gredins d'Espagnols m'ont impudemment volée.” : Malgré son essai pour ne pas tomber dans la ruse de sa femme, il se laisse tenter et rêve de toutes les opportunités qui l’attendraient s’il s’asseyait sur le trône.

 

 “Ah ! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si jamais je le rencontre au coin d'un bois, il passera un mauvais quart d'heure.“ : Il s’est lui-même qu’il est manipulé mais il est tellement préoccupé par cette opportunité qu’il met en place les moyens pour faire disparaître l’homme qui l’empêche d’accéder à son rêve ou plutôt au rêve de sa femme.

 

 “Oh non ! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne ! plutôt mourir !” : Retour à la raison pour Père Ubu, nous sommes face à un personnage très maniable tiraillé entre la raison et l’envie de sa femme qui se transforme peu à peu en obsession pour lui.

 

 “Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j'aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat. “ : Père Ubu résiste à sa femme et fait preuve d’intelligence pour une fois.

 

 “Eh bien, après, Mère Ubu ?” : La dernière phrase de Père Ubu, sous la forme interrogative,  laisse le spectateur plein de doute quant à la suite de la pièce. Cependant la domination intellectuelle de sa femme laisse présager la mort du roi.

 

 b) Mère Ubu, un personnage manipulateur

 

 “Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.” :  Cette réplique ironique nous renseigne sur la relation entre les deux personnages. En effet Mère Ubu nous apparaît comme intéressée. Elle commence par le flatter pour ensuite le manipuler.

 

 “Ce n'est pas moi, Père Ubu, c'est un autre qu'il faudrait assassiner.” : Mère Ubu est d’une grande finesse dans son stratagème pour manipuler Père Ubu. En effet elle rend son mari fou de colère pour ensuite l’enrôler et arriver à ses fins. C’est ainsi qu’elle introduit l’idée d’un meurtre.

 

 “Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sort ?” : Mère Ubu continu sur sa lancée en provoquant avec ironie Père Ubu sur ses ambitions. Elle souhaite ainsi le bousculer dans sa vision des choses.

 

 “Comment ! Après avoir été roi d'Aragon vous vous contentez de mener aux revues une cinquantaine d'estafiers armés de coupe-choux, quand vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d'Aragon ?” : Mère Ubu le pousse dans ses retranchements, elle veut le fait ainsi culpabiliser nous montrant sa supériorité intellectuelle et son ambition.

 

 “Tu es si bête !” A travers cette phrase, Mère Ubu explicite sa pensée et paraît fatiguée par la niaiserie de son mari. Par ailleur l’utilisation de l’adverbe “si” marque l’intensité de l’adjectif “bête”.

 

 “De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ; et même en admettant qu'il meure, n'a-t-il pas des légions d'enfants ?” : On perçoit ici que le plan de Mère Ubu commence à prendre forme puisque son conjoint pense à la mort du roi Venceslas.

 

 “Qui t'empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ?” : L’ambition de Mère Ubu semble sans limites comme le prouve cette réplique où la forme de question hypothétique présente le massacre comme une solution éventuelle pour atteindre son objectif.

 

 “Eh ! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te raccommoderait tes fonds de culotte ? “ : Toujours avec finesse, Mère Ubu rappelle son importance à son époux . L’auteur en profite pour mettre en évidence les clichés qui touchait son époque, notamment ici avec le rôle de la femme puisqu’il se résume au rapiècement des pantalons.  

 

 “A ta place, ce cul, je voudrais l'installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l'andouille et rouler carrosse par les rues.” : Le désir ardent de domination de la protagoniste ne disparaît pas, elle met ainsi en valeur tous les points positifs du pouvoir.

 

 “Tu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te tomberait sur les talons.” : Mère Ubu sait que son mari n’a aucune ambition donc elle suscite sa cupidité avec des propositions dérisoires et ridicules.

 

 “Ah ! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.” : Mère Ubu sait dès à présent que son plan a fonctionné, cependant elle ne s’arrête pas là puisqu’elle flâte son mari comme si elle éprouvait du respect envers lui. Ce compliment est bien loin de celui qu’elle a employé au début de la pièce.

 

 “Ainsi, tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu ?” : En fonction des paroles de son mari, Mère Ubu répond avec respect ou non. En effet si son mari est en accord avec son idée alors elle le complimente, si ce n’est pas le cas, elle se montre sèche et sans respect.

 

 “Et la capeline ? et le parapluie ? et le grand caban ?” : Mère Ubu joue de sa malice pour amadouer son mari notamment en énumérant les objets auxquels il semble attaché.

 

 “Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois pourtant l'avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours serai-je reine de Pologne.” : Même si la victoire n’est pas garantie, Mère Ubu semble satisfaite de l’influence qu’elle a eue sur son mari laissant présager un avantage pour cette dernière.

 

 II) Mais ces informations sont surprenantes

 a) Un langage surprenant

 

 “Merdre !” : La première réplique de la pièce est un gros mot, ce qui est très original et surprenant. Cela nous renseigne sur le niveau intellectuel du personnage qui est présenté comme stupide. Cela montre aussi que Jarry recherche une complicité avec les spectateurs tout en se protégeant des critiques.

 

 “De par ma chandelle verte,” : Cette expression est répétée une multitude de fois dans la pièce, or cette phrase n’a pas de sens ce qui montre la vacuité du personnage.

 

 “tu vas rester gueux comme un rat” : Les insultes sont très présentes et montrent un comique de mots.

 

 “Bougre de merdre, merdre de bougre” : Les expressions vides de sens sont multipliées comme si elles jouaient un rôle à part entière.

 

 Certaines phrases sont très longues, d’autres ne contiennent qu’un mot, ainsi la taille des répliques ne cesse de changer créant un parallèle avec les changements d’émotions de Père Ubu.

 

 b) Des informations partielles

 

 “Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.” : En tant que spectateur nous nous posons des questions sur l’intrigue de cette pièce puisque nous ne connaissons ni les personnages ( juste le fait qu’ils s’appellent par leur nom de famille ), ni le sujet de la discussion à laquelle on assiste.

 

 Nous apprenons un peu de la personnalité des personnages:

 L’un est stupide et très manoeuvrable : “je ne comprends pas” tandis que l’autre est manipulatrice et sans limite : “Ce n'est pas moi, Père Ubu, c'est un autre qu'il faudrait assassiner.”

 

 “Vrout, merdre” : La multiplication des gros mots insiste sur des personnages simple d’esprits et nous informe sur leur classe sociale plutôt basse.

 

 Aucune information précise n’est donnée sur le lieu et la date de l’histoire. Cependant nous comprenons qu’elle se situe dans une Pologne imaginaire : “vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d'Aragon”. Les archaïsmes dans le vocabulaire et la graphie nous renvoient à l’époque médiévale : “vous estes un fort grand voyou”, “une cinquantaine d'estafiers”, “qui te raccommoderait tes fonds de culotte ?”, “rouler carrosse par les rues”, “rester gueux”.

Acte III, scène 2 Comment à travers cette scène burlesque Jarry mène-t-il une réflexion sur le pouvoir ?

 I) Une scène burlesque

a) Le comique de situation

 La scène s’ouvre avec l’évocation de la torture que Père Ubu souhaite infliger aux Nobles “Apportez la caisse à Nobles et le crochet à Nobles et le couteau à Nobles et le bouquin à Nobles !”, même si cette escalade de la violence paraît ridicule avec le terme de “bouquin”, qui est assimilé à un objet de torture.

 

b) Le comique de langage qui rend le personnage ridicule

 La répétition du mot “Nobles” prouve un manque de vocabulaire de la part de Père Ubu, et le tourne donc en ridicule, dès le commencement de la scène.

 

 Il use d’un langage très grossier lorsqu’il s’adresse aux nobles “Qui es-tu, bouffre ?” et montre son manque d’éducation et son incapacité à respecter le protocole diplomatique. Il semble que Père Ubu ne soit pas apte à utiliser un langage soutenu ni même un langage grossier : les insultes qu’il emploie sont incorrects : “Eh merdre!”.

 

 Il n’y a pas de logique dans le raisonnement de Père Ubu car, si les nobles ont des terres, il les tue pour se les approprier, et s’ils n’ont pas de richesses, il les tue parce qu’il est déçu. Au fur-et-à-mesure, Père Ubu devient impatient et accélère l’extermination des Nobles en étant satisfait juste de leurs titres “Excellent ! Excellent ! Je n'en demande pas plus long. Dans la trappe.”.

 

 Il se rend ridicule lui-même car il n’accepte aucun conseil, bien qu’ils viennent de magistrats, spécialisés dans la justice, auquel il s’adresse. Dans sa colère, il les fait condamné dans aucune raison valable “À la trappe les magistrats !”.

 

 II) Une réflexion sur le pouvoir

a) La cruauté sans limites

 

Le projet de torture envers les Nobles de Père Ubu affirme la cruauté de celui-ci, qui souhaite, probablement, finir par les tuer grâce au “couteau” et les jeter dans la “caisse à Nobles” avec son “crochet”.

 

 Ubu assoit son pouvoir par la terreur : “Horreur ! À nous, peuple et soldats!”

 

 De part ses ordres à l’impératif “Amenez le premier Noble et passez-moi le crochet à Nobles.”, Père Ubu assume pleinement ses intentions de tuer lui-même les nobles avec le pronom personnel “je les passerai dans la trappe” . Il ne veut pas seulement les tuer mais prendre un plaisir à les torturer : “on les décervèlera.”

 

 Père Ubu commence donc à mettre en oeuvre son projet d’élimination des nobles : dans sa folie, il n’entend pas Mère Ubu “Quelle basse férocité !”, et continue à mettre à exécution ce qu’il avait affirmé plus tôt.

 

 Père Ubu associe les Nobles à des objets et se permet, comme la didascalie “On empile les Nobles dans la trappe.”  le montre, de les entasser dans la trappe.

 

b) L'avidité et la mégalomanie

 Père Ubu, obnubilé par son pouvoir, devient cupide : “J'ai l'honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous les Nobles et prendre leurs biens” et annonce, fièrement son désir de tuer pour s’enrichir.

 

 Père Ubu choisit de les tuer pour de l’argent et des terres : sa question, brève, “De combien sont tes revenus ?” montre que la seule chose qui l’intéresse est la possession de richesses des Nobles qu’il tue.

 

 Sa hâte d’étendre son pouvoir se traduit par ses paroles “Dépêchez-vous, plus vite, je veux faire des lois maintenant.”, où tuer les Nobles n’est finalement qu’un moyen de s’amuser avant d’arriver à ses fins.

 

 Il se prend pour le nouveau justicier en affirmant à Mère Ubu qui lui demande” que fais-tu, Père Ubu ? Qui rendra maintenant la justice ?”, “Tiens ! moi. Tu verras comme ça marchera bien.”

Acte III, scènes 3 et 4 Quelle image du roi cette scène nous donne-t-elle ?

La réflexion sur le pouvoir est un thème récurrent dans les pièces de théâtre, puisqu’on parvient assez bien à représenter les monarques tyrannique, souvent de façon exagérée, sur scène. C’est le cas de Ubu Roi, d’Alfred Jarry, qui met en scène un personnage prêt à tout pour devenir riche. Il sera ainsi intéressant de voir quelle image du roi nous donne Jarry. Nous verrons tout d’abord que c’est un roi injuste, puis nous montrerons que c’est un roi absurde.

 

I) Un roi injuste

“Le roi est mort, les ducs aussi et le jeune Bougrelas s'est sauvé avec sa mère dans les montagnes” : Cette phrase nous explique que Ubu a tué tous les nobles de la Pologne et “s'est emparé du trône”.

“j'ai vu emporter les corps de plus de trois cents nobles et de cinq cents magistrats qu'on a tués” : La mort de ces nobles est accentué par leur nombre impressionnant, montrant la violence extrême et sans limite de Ubu.

“il parait qu'on va doubler les impôts et que le Père Ubu viendra les ramasser lui-même” : Le Père Ubu est sévère envers ses sujets en leur imposant des impôts toujours plus élevés et impossibles à payer, présentant l’avidité du personnage.

“le Père Ubu est un affreux sagouin et sa famille est, dit-on, abominable” : Les adjectifs utilisés renforcent l’aspect dangereux du Père Ubu, disant également que sa famille est similaire.

“La porte est défoncée”, “la maison est détruite” : Cela montre la violence de Ubu.

“tu aies à produire et exhiber promptement ta finance, sinon tu seras massacré” : Massacré est un mot extrêmement violent, laissant suggérer que Ubu va tuer les paysans de façon horrible. “je tuerai tout le monde et je m'en irai”, “Payez ! ou ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête !” Ainsi  le roi nous donne l’impression d’être un personnage enfantin et capricieux qui ne prend pas la mesure de ses actes. 

“j'ai changé le gouvernement et j'ai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement” : Ubu fait payer plusieurs fois les paysans, montrant qu’il est avide, seul l’argent compte pour lui alors qu’un bon roi devrait prendre soin de ses sujets et s’employer à faire fructifier le royaume. “PAYSANS : — Monsieur Ubu, de grâce, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres citoyens. PERE UBU : — Je m'en fiche. Payez.”, “Ubu reste à ramasser la finance”.

“Ah, c'est ainsi ! Aux armes ! Vive Bougrelas, par la grâce de Dieu, roi de Pologne et de Lithuanie !” : Ubu est tellement injuste avec les paysans que ces derniers n’hésitent pas à se rallier au jeune prince qui s’est échappé.

 

II) Un roi absurde

“UNE VOIX, au-dehors : — Comegidouille ! Ouvrez, de par ma merdre, par saint Jean, saint Pierre et saint Nicolas ! ouvrez, sabre à finances, corne finances, je viens chercher les impôts !” : Le roi emploie ici un vocabulaire grossier, indigne d’un personnage de tragédie. De plus il invente ses propres insultes et va jusqu’à déformer les pires gros-mots : “de par ma merdre”. Le Père Ubu blasphème ce qui n’est pas digne d’un roi qui est le garant des valeurs morales. Enfin un Roi ne se déplace jamais lui-même pour récupérer les impôts, il envoie des émissaires. 

“PERE UBU : - Mais, vas-tu m'écouter enfin ? STANISLAS : — Mais Votre Excellence n'a encore rien dit. PERE UBU : — Comment, je parle depuis une heure.” : Ubu demande à Stanislas de l’écouter, alors qu’il n’a rien dit d’important jusque là. La réponse de Ubu montre également que son discours n’a aucun sens, puisqu’il vient d’arriver. On remarque ainsi l'incapacité à communiquer de Ubu ce qui deviendra un thème récurrent dans les pièces absurdes.

“Allons, messeigneurs les salopins de finance, voiturez ici le voiturin à phynances” : Ubu fait des répétitions comiques au niveau des sonorités. De plus, il insulte également ses propres adjoints, montrant qu’il se fiche de ces personnes et ne s'intéresse qu’à l’argent.

“j'ai changé le gouvernement et j'ai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement” : Le plan de Ubu ne fait aucun sens puisque, comme les paysans ont déjà payé, ils ne peuvent pas payer une seconde somme d’argent. Le fait de les tuer ne va pas l’enrichir également puisqu’ils ne pourront plus rien produire.

“ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête !” : Ubu souhaite faire quelque chose qui est impossible, un humain ne peut pas rentrer dans une poche. “Supplice” évoque la torture, mais décollation est un mot inventé, qui remplace décapitation. 

À travers l’injustice et l’absurdité de Ubu, Jarry exprime ainsi une image négative et inquiétante du roi. Ubu est ainsi un roi tyrannique, prêt à tout pour obtenir de l’argent, même s’il doit utiliser la violence pour y parvenir. En cela, Jarry ouvre la voie au théâtre de l’absurde. On peut par exemple citer En Attendant Godot de Samuel Beckett qui met en scène des personnages qui n’arrivent pas à communiquer.

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Commentaire rédigé

Nous débuterons par le portrait d’un roi ridicule puis nous verrons ensuite son aspect effrayant et tyrannique.

Nous pouvons remarquer que Jarry s’appuie sur le comique de mot dans sa pièce pour tourner au ridicule son personnage.

Le roi est discrédité dès les première paroles car il est décrit par son peuple comme : “un affreux sagouin et sa famille est abominable.”

Jarry décide d’inventer plusieurs mots pour accentuer la sottise apparente de son personnage : il jure très souvent “Comegidouille”.

On peut aussi relever de nombreuses erreurs dans la calligraphie qui montrent le manque de sens des échanges du roi : “oneilles” “merdre” “ji”.

Nous pouvons relever la gradation  “de te dire, t'ordonner et te signifier” qui permet de montrer le besoin d’exister du roi, d’intimer le respect à ses sujets mais qui n’est là, en réalité, que pour le discréditer.

On peut aussi retrouver l’élan tyrannique du roi qui s’emporte face à ses sujets qui lui font face. Il ne tolère donc aucune opposition et menace : “ou ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête !”. On a à nouveau un comique de mot avec “décollation” qui implique en réalité “décapitation”.

Les paysans font preuve de zèle face à leur roi, Jarry décide d’ajouter de la ponctuation forte : “Ah, c'est ainsi ! Aux armes !” 

Vive Bougrelas : le nom de leur ancien roi peut inspirer le rire car si on le décompose on obtient “bougre” “là” qui constitue à l’époque une insulte.

Ubu se répète : “voiturez ici le voiturin” ce qui provoque une effet comique et enfin le lecteur peut remarquer l’erreur d’écriture “à phynances” qui achève le ridicule des exigences du roi.

On peut enfin relever le portrait caricatural des “fonctionnaires” du roi : “d'une légion de Grippe-Sous” un nom qui soulève leur avidité.

On peut enfin relever l’opposition entre “messeigneurs” et  “les salopins” : le premier leur donne un titre tandis que Ubu les insulte juste après.

Ubu se montre donc en personnage ridicule, dont ses paroles et parfois ses actions manquent de cohérence et d’aplomb.

Dans un second temps, on peut aussi relever la présence du comique de geste.

Cela commence avec “Une lutte s'engage, la maison est détruite”. Cette didascalie nous permet d’imaginer la parodie du combat qui peut se dérouler pendant la représentation, en accord avec toutes les paroles ridicules que l’on a pu relever.

A nouveau, le roi jure et faire ressentir son besoin de respect “Cornegidouille, je suis le roi peut-être !” : il rappelle son rang comme si ça n’était pas justifié.

On présente pour le roi une tâche dégradante à faire : “Père Ubu viendra les ramasser lui-même” il devra ramasser les corps de personnes qu’il a fait assassiner alors que ce devrait être d’autres personnes qui le font pour lui.

Le roi Ubu tient un discours déstructuré, il veut se faire entendre alors qu’il ne dit rien de sensé : “Mais Votre Excellence n'a encore rien dit.”

Il soutient ensuite l’importance apparente de ses paroles “Comment, je parle depuis une heure.” et déforme la réalité pour la monopoliser et donc prendre le pouvoir sur les autres protagonistes.

En effet, le personnage de théâtre existe essentiellement par la parole donc ce flux ininterrompu du personnage d’Ubu roi montre sa peur de ne pas exister : “Cornegidouille, je suis le roi peut-être !”

Nous pouvons ensuite présenter l’aspect tyrannique et effrayant de ce personnage.

En premier lieu, la prise de pouvoir se fait par la violence.

En effet, Ubu est présenté comme un tyran qui a  pris le pouvoir par élimination de ses opposants : “le roi est mort”, “le Père Ubu s'est emparé du trône”.

Cette idée est renforcée avec la continuité des massacres perpétrés dans la caste des hommes de pouvoir : “emporter les corps de plus de trois cents nobles

et de cinq cents magistrats qu'on a tués”

Le roi n’hésitera pas à continuer de massacrer ses sujets : il le montre avec sa menace envers les paysans : “ou ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête !”

“Une lutte s'engage, la maison est détruite” ainsi que “La porte est défoncée, Ubu pénètre suivi d'une légion” montre les excès de violence de ce roi, il n’était pas nécessaire de raser une maison pour percevoir les impôts de ses habitants. 

Malgré les plaintes,  “Monsieur Ubu, de grâce”, il reste insensible : “Je m'en fiche.” Il incarne la figure du tyran puisque pour assouvir ses ambitions, il est prêt à saigner son peuple à blanc et enfin : “je tuerai tout le monde et je m'en irai.”

Ubu montre son avidité à travers cette scène, dès sa prise de pouvoir, après l’éradication de ses opposants, Ubu décide de “doubler les impôts”.

Les paysans sont révoltés car ils ont “déjà payé” leurs impôts mais Ubu en demande encore plus. Il annonce clairement l’augmentation qu’il va faire : “paierait deux fois tous les impôts” et montre que cela pourra encore augmenter “trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement.” Cette réplique montre que Ubu ne se contentera pas de ce qu’il peut déjà percevoir, et cela laisse entrevoir que les conditions de vie de ses sujets vont être de moins en moins soutenables.

Le protagoniste montre à nouveau le peu d'éthique qu’il peut avoir “j'aurai vite fait fortune” : son seul but est donc la richesse et non le bien être de son peuple.

Jarry accentue encore cette notion lorsqu’Ubu dit “Je m'en fiche. Payez.”

Acte V, Scène 4 Ce dénouement en est-il vraiment un ?

I) Père Ubu, un personnage ridicule

“Nous devons faire au moins un million de noeuds à l'heure, et ces noeuds ont ceci de bon qu'une fois faits ils ne se défont pas.” : Le personnage du Père Ubu est présenté comme ridicule. En effet, bien que les noeuds sur les cordes étaient utilisés dans la navigation pour mesurer la vitesse, il ne s’agissait en aucun cas de les défaire, la remarque du Père Ubu n’a donc aucun sens.

“Quel triste imbécile.” : Les autres personnages sont conscient que Ubu est idiot.

“Oh! Ah! Dieu! nous voilà chavirés. Mais il va tout de travers, il va tomber, ton bateau.” : Le Père Ubu est un personnage peureux, donc il est inapte à exercer le pouvoir : “Et supposez que le vent vienne à changer de côté: tout le monde irait au fond de l'eau et les poissons nous mangeront.”

“Entendez-vous, monsieur l'Equipage? amenez le grand coq et allez faire un tour dans les pruniers.” : Ubu prend l’équipage pour une seule personne, alors qu’il y  en a certainement des dizaines, et comprend mal ce que le commandant indique.

“ Et moi je me ferai nommer Maître des Finances à Paris.” : L’argent est la seule motivation de Père Ubu qui n’a aucun soucis de ses sujets.

“Mer farouche et inhospitalière qui baigne le pays appelé Germanie, ainsi nommé parce que les habitants de ce pays sont tous cousins germains.” : La Germanie, non seulement ne s’appelait plus comme cela à l’époque, mais la remarque de Ubu est également très enfantine, jouant sur la similitude des deux mots. On voit la flatterie de Mère Ubu: “Voilà ce que j'appelle de l'érudition” .

 

II) La navigation comme métaphore de la politique

“Ah! quelle belle brise.” : Le cadre est mis en scène, les personnages se trouvent sur un bateau. Symboliquement, la mer est un lieu où l’on se perd et où l’on est à la merci des éléments, donc ici on devine que les personnages vont “où le vent les pousse” c’est-à-dire qu’ils sont dans une sorte d’errance.

“Si! Si! Arrivez. Je suis pressé, moi! Arrivez, entendez-vous! C'est ta faute, brute de capitaine, si nous n'arrivons pas. Nous devrions être arrivés. Oh oh, mais je vais commander, moi, alors! Pare à virer! A Dieu vat. Mouillez, virez vent devant, virez vent arrière. Hissez les voiles, serrez les voiles, la barre dessus, la barre dessous, la barre à côté. Vous voyez, ça va très bien. Venez en travers à la lame et alors ce sera parfait.” : Ubu ne comprend pas les termes de navigation, et lorsqu’il essaye de prendre les commandes par la force, similairement au reste de la pièce puisqu’il s’est emparé du trône de Pologne en massacrant tout le monde, il donne des ordres absurdes et contradictoires ce qui prouve qu’il est inapte à toute forme de commandement. Le bateau est donc une métaphore du royaume.

“Entendez-vous, monsieur l'Equipage? amenez le grand coq et allez faire un tour dans les pruniers.” : Ubu fait une remarque de paysan alors qu’il se trouve sur un navire donc cela indique encore qu’il n’est pas à sa place en tant que roi.

 

III) Vers le théâtre de l’absurde

“Nous devons faire au moins un million de noeuds à l'heure, et ces noeuds ont ceci de bon qu'une fois faits ils ne se défont pas.” : Le fait que les noeuds ne se défont pas montre, certes l’incohérence de la scène, mais c’est surtout une représentation du destin qui les entraîne à toute allure, et sans espoir de retour, ce qui est renforcé par l'exagération.

“Sire garçon, apportez-nous à boire.” : Ubu s’installe pour boire au milieu de la manoeuvre, ce qui est complètement inapproprié.

Les indications géographiques, imprécises et contradictoires, donnent l’impression que les personnages sont perdus. Cela rend le dénouement étonnant car il ne donne pas les réponses que l’on attendrait.

“Et maintenant notre noble navire s'élance à toute vitesse sur les sombres lames de la mer du Nord.” : Le registre épique parodie la chanson de geste et rend le passage encore plus absurde.

“Ah ! messieurs ! si beau qu'il soit il ne vaut pas la Pologne. S'il n'y avait pas de Pologne il n'y aurait pas de Polonais !” : La réplique finale de Père Ubu est d’autant plus ridicule qu’il a tué tous les Polonais. Mais surtout ce dénouement ne nous apprend rien, il ne conclut pas l’histoire et laisse le spectateur sur sa faim.

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