Analyse de Ubu Roi de Jarry

Analyse de Ubu Roi de Jarry

Acte I, scène 1 cette scène d’exposition remplit-elle son rôle ?

I) On apprend des informations

a) Père Ubu, un personnage stupide

La scène d'exposition présente Père Ubu comme un personnage colérique et limité intellectuellement. Sa colère est si intense qu'elle affecte sa capacité à s'exprimer correctement, comme le montre sa réponse : « Que ne vous assom'je, Mère Ubu ! » . L'utilisation du verbe « assommer » souligne sa violence et révèle une relation de force déséquilibrée avec Mère Ubu .

Il exprime sa fierté personnelle en déclaré : « Certes oui, je suis content. On le serait à moins : capitaine de dragons, officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l'ordre de l'Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d'Aragon, que voulez-vous de mieux ? » . Cependant, son incapacité à comprendre les propositions de sa femme est évidente lorsqu'il avoue : « Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis. » , renforçant ainsi l'idée d'un personnage peu éclairé.

Face aux propositions insistantes de Mère Ubu , il menace : « Ah ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à l'heure par la cocotte. » . Cette menace illustre sa frustration et son recours à la violence pour asseoir son autorité.

Malgré une tentative de résistance où il affirme : « Eh vraiment ! et puis après ? N'ai-je pas un cul comme les autres ? » , il se laisse finalement tenter par les promesses de pouvoir : « Si j'étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme celle que j'avais en Aragon et que ces gredins d'Espagnols m'ont impudemment volée. »

Conscient de la manipulation, il s'exclame : « Ah ! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si jamais je le rencontre au coin d'un bois, il passera un mauvais quart d'heure. » . Cependant, il est tiraillé entre sa conscience et l'influence de sa femme : « Oh non ! moi, capitaine de dragons, massacreur le roi de Pologne ! plutôt mourir ! »

Il tente de se convaincre en nucléaire : « Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j'aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat. » Mais sa dernière question « Eh bien, après, Mère Ubu ? » laisse planer le doute sur sa décision, suggérant qu'il pourrait finalement céder à la tentation.

 

b) Mère Ubu, un personnage manipulateur

Mère Ubu apparaît comme une femme rusée et manipulatrice. Elle commence par ironiser : « Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou. » , utilisant la flatterie pour mieux influencer son mari.

Elle introduit habilement l'idée du meurtre : « Ce n'est pas moi, Père Ubu, c'est un autre qu'il devrait assassiner. » . En questionnant ses ambitions : « Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sorte ? » , elle cherche à éveiller en lui le désir de grandeur.

Elle le pousse à l'action en évoquant son passé glorieux : « Comment ! Après avoir été roi d'Aragon vous vous contentez de mener aux revues une cinquanteaine d'estafiers armés de coupe-choux, quand pourriez-vous faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d'Aragon ? » . Son mépris pour son manque d'ambition est clair lorsqu'elle affirme : « Tu es si bête ! »

Lorsqu'il exprime des doutes, elle insiste : « Qui t'empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ? » , montrant ainsi que son ambition n'a pas de limites. Elle rappelle également son importance domestique pour le convaincre : « Eh ! pauvre malheureux, si je passais par la cocotte, qui te réaccommoderait tes fonds de culotte ? »

Elle sait jouer sur ses désirs matériels : « A ta place, ce cul, je voudrais l'installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l'andouille et rouler en carrosse par les rues. » Elle évoque même des objets futiles pour le séduire : « Tu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te tomberait sur les talons. »

Lorsque le Père Ubu commence à céder, elle le flatte : « Ah ! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme. » . Si son mari résiste, elle le rabaisse : « Ainsi, tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu ? » . Finalement, satisfaite de son influence, elle conclut : « Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois pourtant l'avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours serai-je reine de Pologne. »

 

II) Mais ces informations sont surprenantes

a) Un langage surprenant

Le langage utilisé dans cette scène est particulièrement surprenant et innovant. Dès la première réplique « Merdre ! » , un néologisme vulgaire, l'auteur choque et attire l'attention. Ce choix audacieux brise les conventions théâtrales et crée un effet comique immédiat.

L'expression récurrente « De par ma chandelle verte » n'a pas de sens littéral, ajoutant à l'absurdité du discours du Père Ubu . Les insultes et jurons, tels que « Bougre de merdre, merdre de bougre » , sont omniprésents, créant une comique de langage et soulignant le caractère grossier des personnages.

La variation dans la longueur des répliques, passant de phrases très courtes à d'autres très longues, reflète les fluctuations émotionnelles du Père Ubu et contribue au rythme dynamique de la scène.

 

b) Des informations partielles

La scène d'exposition plonge le spectateur dans une situation sans contexte clair. Les informations sur les personnages sont fragmentaires. Par exemple, nous ne savons qu'ils s'appellent Père Ubu et Mère Ubu , sans plus de détails sur leur identité ou leur histoire.

Leurs traits de caractère sont esquissés à travers leurs dialogues : Père Ubu est présenté comme stupide et facilement manipulable ( « je ne comprends pas » ), tandis que Mère Ubu est astucieuse et ambitieuse ( « Ce n'est pas moi, Père Ubu, c 'est un autre qu'il faudrait assassiner » ).

Aucune indication précise n'est donnée sur le lieu ou l'époque, bien que des indices évoquent une Pologne imaginaire : « vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d'Aragon » . Le langage archaïque et les termes désuets, tels que « vous estes un fort grand voyou » , « une cinquantaine d'estafiers » , ou « rouler carrosse par les rues » , situent l'action dans un temps indéfini, renforçant l'aspect absurde de la pièce.

 

Ainsi, cette scène d'exposition surprend par son absence d'informations conventionnelles, son langage novateur et l'originalité de ses personnages, préparant le spectateur à une œuvre qui défie les normes théâtrales.

Acte III, scène 2 Comment à travers cette scène burlesque Jarry mène-t-il une réflexion sur le pouvoir ?

 I) Une scène burlesque

a) Le comique de situation

 La scène s’ouvre avec l’évocation de la torture que Père Ubu souhaite infliger aux Nobles “Apportez la caisse à Nobles et le crochet à Nobles et le couteau à Nobles et le bouquin à Nobles !”, même si cette escalade de la violence paraît ridicule avec le terme de “bouquin”, qui est assimilé à un objet de torture.

 

b) Le comique de langage qui rend le personnage ridicule

 La répétition du mot “Nobles” prouve un manque de vocabulaire de la part de Père Ubu, et le tourne donc en ridicule, dès le commencement de la scène.

 

 Il use d’un langage très grossier lorsqu’il s’adresse aux nobles “Qui es-tu, bouffre ?” et montre son manque d’éducation et son incapacité à respecter le protocole diplomatique. Il semble que Père Ubu ne soit pas apte à utiliser un langage soutenu ni même un langage grossier : les insultes qu’il emploie sont incorrects : “Eh merdre!”.

 

 Il n’y a pas de logique dans le raisonnement de Père Ubu car, si les nobles ont des terres, il les tue pour se les approprier, et s’ils n’ont pas de richesses, il les tue parce qu’il est déçu. Au fur-et-à-mesure, Père Ubu devient impatient et accélère l’extermination des Nobles en étant satisfait juste de leurs titres “Excellent ! Excellent ! Je n'en demande pas plus long. Dans la trappe.”.

 

 Il se rend ridicule lui-même car il n’accepte aucun conseil, bien qu’ils viennent de magistrats, spécialisés dans la justice, auquel il s’adresse. Dans sa colère, il les fait condamné dans aucune raison valable “À la trappe les magistrats !”.

 

 II) Une réflexion sur le pouvoir

a) La cruauté sans limites

 

Le projet de torture envers les Nobles de Père Ubu affirme la cruauté de celui-ci, qui souhaite, probablement, finir par les tuer grâce au “couteau” et les jeter dans la “caisse à Nobles” avec son “crochet”.

 

 Ubu assoit son pouvoir par la terreur : “Horreur ! À nous, peuple et soldats!”

 

 De part ses ordres à l’impératif “Amenez le premier Noble et passez-moi le crochet à Nobles.”, Père Ubu assume pleinement ses intentions de tuer lui-même les nobles avec le pronom personnel “je les passerai dans la trappe” . Il ne veut pas seulement les tuer mais prendre un plaisir à les torturer : “on les décervèlera.”

 

 Père Ubu commence donc à mettre en oeuvre son projet d’élimination des nobles : dans sa folie, il n’entend pas Mère Ubu “Quelle basse férocité !”, et continue à mettre à exécution ce qu’il avait affirmé plus tôt.

 

 Père Ubu associe les Nobles à des objets et se permet, comme la didascalie “On empile les Nobles dans la trappe.”  le montre, de les entasser dans la trappe.

 

b) L'avidité et la mégalomanie

 Père Ubu, obnubilé par son pouvoir, devient cupide : “J'ai l'honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous les Nobles et prendre leurs biens” et annonce, fièrement son désir de tuer pour s’enrichir.

 

 Père Ubu choisit de les tuer pour de l’argent et des terres : sa question, brève, “De combien sont tes revenus ?” montre que la seule chose qui l’intéresse est la possession de richesses des Nobles qu’il tue.

 

 Sa hâte d’étendre son pouvoir se traduit par ses paroles “Dépêchez-vous, plus vite, je veux faire des lois maintenant.”, où tuer les Nobles n’est finalement qu’un moyen de s’amuser avant d’arriver à ses fins.

 

 Il se prend pour le nouveau justicier en affirmant à Mère Ubu qui lui demande” que fais-tu, Père Ubu ? Qui rendra maintenant la justice ?”, “Tiens ! moi. Tu verras comme ça marchera bien.”

Acte III, scènes 3 et 4 Quelle image du roi cette scène nous donne-t-elle ?

La réflexion sur le pouvoir est un thème récurrent dans les pièces de théâtre, puisqu’on parvient assez bien à représenter les monarques tyrannique, souvent de façon exagérée, sur scène. C’est le cas de Ubu Roi, d’Alfred Jarry, qui met en scène un personnage prêt à tout pour devenir riche. Il sera ainsi intéressant de voir quelle image du roi nous donne Jarry. Nous verrons tout d’abord que c’est un roi injuste, puis nous montrerons que c’est un roi absurde.

 

I) Un roi injuste

“Le roi est mort, les ducs aussi et le jeune Bougrelas s'est sauvé avec sa mère dans les montagnes” : Cette phrase nous explique que Ubu a tué tous les nobles de la Pologne et “s'est emparé du trône”.

“j'ai vu emporter les corps de plus de trois cents nobles et de cinq cents magistrats qu'on a tués” : La mort de ces nobles est accentué par leur nombre impressionnant, montrant la violence extrême et sans limite de Ubu.

“il parait qu'on va doubler les impôts et que le Père Ubu viendra les ramasser lui-même” : Le Père Ubu est sévère envers ses sujets en leur imposant des impôts toujours plus élevés et impossibles à payer, présentant l’avidité du personnage.

“le Père Ubu est un affreux sagouin et sa famille est, dit-on, abominable” : Les adjectifs utilisés renforcent l’aspect dangereux du Père Ubu, disant également que sa famille est similaire.

“La porte est défoncée”, “la maison est détruite” : Cela montre la violence de Ubu.

“tu aies à produire et exhiber promptement ta finance, sinon tu seras massacré” : Massacré est un mot extrêmement violent, laissant suggérer que Ubu va tuer les paysans de façon horrible. “je tuerai tout le monde et je m'en irai”, “Payez ! ou ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête !” Ainsi  le roi nous donne l’impression d’être un personnage enfantin et capricieux qui ne prend pas la mesure de ses actes. 

“j'ai changé le gouvernement et j'ai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement” : Ubu fait payer plusieurs fois les paysans, montrant qu’il est avide, seul l’argent compte pour lui alors qu’un bon roi devrait prendre soin de ses sujets et s’employer à faire fructifier le royaume. “PAYSANS : — Monsieur Ubu, de grâce, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres citoyens. PERE UBU : — Je m'en fiche. Payez.”, “Ubu reste à ramasser la finance”.

“Ah, c'est ainsi ! Aux armes ! Vive Bougrelas, par la grâce de Dieu, roi de Pologne et de Lithuanie !” : Ubu est tellement injuste avec les paysans que ces derniers n’hésitent pas à se rallier au jeune prince qui s’est échappé.

 

II) Un roi absurde

“UNE VOIX, au-dehors : — Comegidouille ! Ouvrez, de par ma merdre, par saint Jean, saint Pierre et saint Nicolas ! ouvrez, sabre à finances, corne finances, je viens chercher les impôts !” : Le roi emploie ici un vocabulaire grossier, indigne d’un personnage de tragédie. De plus il invente ses propres insultes et va jusqu’à déformer les pires gros-mots : “de par ma merdre”. Le Père Ubu blasphème ce qui n’est pas digne d’un roi qui est le garant des valeurs morales. Enfin un Roi ne se déplace jamais lui-même pour récupérer les impôts, il envoie des émissaires. 

“PERE UBU : - Mais, vas-tu m'écouter enfin ? STANISLAS : — Mais Votre Excellence n'a encore rien dit. PERE UBU : — Comment, je parle depuis une heure.” : Ubu demande à Stanislas de l’écouter, alors qu’il n’a rien dit d’important jusque là. La réponse de Ubu montre également que son discours n’a aucun sens, puisqu’il vient d’arriver. On remarque ainsi l'incapacité à communiquer de Ubu ce qui deviendra un thème récurrent dans les pièces absurdes.

“Allons, messeigneurs les salopins de finance, voiturez ici le voiturin à phynances” : Ubu fait des répétitions comiques au niveau des sonorités. De plus, il insulte également ses propres adjoints, montrant qu’il se fiche de ces personnes et ne s'intéresse qu’à l’argent.

“j'ai changé le gouvernement et j'ai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement” : Le plan de Ubu ne fait aucun sens puisque, comme les paysans ont déjà payé, ils ne peuvent pas payer une seconde somme d’argent. Le fait de les tuer ne va pas l’enrichir également puisqu’ils ne pourront plus rien produire.

“ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête !” : Ubu souhaite faire quelque chose qui est impossible, un humain ne peut pas rentrer dans une poche. “Supplice” évoque la torture, mais décollation est un mot inventé, qui remplace décapitation. 

À travers l’injustice et l’absurdité de Ubu, Jarry exprime ainsi une image négative et inquiétante du roi. Ubu est ainsi un roi tyrannique, prêt à tout pour obtenir de l’argent, même s’il doit utiliser la violence pour y parvenir. En cela, Jarry ouvre la voie au théâtre de l’absurde. On peut par exemple citer En Attendant Godot de Samuel Beckett qui met en scène des personnages qui n’arrivent pas à communiquer.

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Commentaire rédigé

Nous débuterons par le portrait d’un roi ridicule puis nous verrons ensuite son aspect effrayant et tyrannique.

Nous pouvons remarquer que Jarry s’appuie sur le comique de mot dans sa pièce pour tourner au ridicule son personnage.

Le roi est discrédité dès les première paroles car il est décrit par son peuple comme : “un affreux sagouin et sa famille est abominable.”

Jarry décide d’inventer plusieurs mots pour accentuer la sottise apparente de son personnage : il jure très souvent “Comegidouille”.

On peut aussi relever de nombreuses erreurs dans la calligraphie qui montrent le manque de sens des échanges du roi : “oneilles” “merdre” “ji”.

Nous pouvons relever la gradation  “de te dire, t'ordonner et te signifier” qui permet de montrer le besoin d’exister du roi, d’intimer le respect à ses sujets mais qui n’est là, en réalité, que pour le discréditer.

On peut aussi retrouver l’élan tyrannique du roi qui s’emporte face à ses sujets qui lui font face. Il ne tolère donc aucune opposition et menace : “ou ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête !”. On a à nouveau un comique de mot avec “décollation” qui implique en réalité “décapitation”.

Les paysans font preuve de zèle face à leur roi, Jarry décide d’ajouter de la ponctuation forte : “Ah, c'est ainsi ! Aux armes !” 

Vive Bougrelas : le nom de leur ancien roi peut inspirer le rire car si on le décompose on obtient “bougre” “là” qui constitue à l’époque une insulte.

Ubu se répète : “voiturez ici le voiturin” ce qui provoque une effet comique et enfin le lecteur peut remarquer l’erreur d’écriture “à phynances” qui achève le ridicule des exigences du roi.

On peut enfin relever le portrait caricatural des “fonctionnaires” du roi : “d'une légion de Grippe-Sous” un nom qui soulève leur avidité.

On peut enfin relever l’opposition entre “messeigneurs” et  “les salopins” : le premier leur donne un titre tandis que Ubu les insulte juste après.

Ubu se montre donc en personnage ridicule, dont ses paroles et parfois ses actions manquent de cohérence et d’aplomb.

Dans un second temps, on peut aussi relever la présence du comique de geste.

Cela commence avec “Une lutte s'engage, la maison est détruite”. Cette didascalie nous permet d’imaginer la parodie du combat qui peut se dérouler pendant la représentation, en accord avec toutes les paroles ridicules que l’on a pu relever.

A nouveau, le roi jure et faire ressentir son besoin de respect “Cornegidouille, je suis le roi peut-être !” : il rappelle son rang comme si ça n’était pas justifié.

On présente pour le roi une tâche dégradante à faire : “Père Ubu viendra les ramasser lui-même” il devra ramasser les corps de personnes qu’il a fait assassiner alors que ce devrait être d’autres personnes qui le font pour lui.

Le roi Ubu tient un discours déstructuré, il veut se faire entendre alors qu’il ne dit rien de sensé : “Mais Votre Excellence n'a encore rien dit.”

Il soutient ensuite l’importance apparente de ses paroles “Comment, je parle depuis une heure.” et déforme la réalité pour la monopoliser et donc prendre le pouvoir sur les autres protagonistes.

En effet, le personnage de théâtre existe essentiellement par la parole donc ce flux ininterrompu du personnage d’Ubu roi montre sa peur de ne pas exister : “Cornegidouille, je suis le roi peut-être !”

Nous pouvons ensuite présenter l’aspect tyrannique et effrayant de ce personnage.

En premier lieu, la prise de pouvoir se fait par la violence.

En effet, Ubu est présenté comme un tyran qui a  pris le pouvoir par élimination de ses opposants : “le roi est mort”, “le Père Ubu s'est emparé du trône”.

Cette idée est renforcée avec la continuité des massacres perpétrés dans la caste des hommes de pouvoir : “emporter les corps de plus de trois cents nobles

et de cinq cents magistrats qu'on a tués”

Le roi n’hésitera pas à continuer de massacrer ses sujets : il le montre avec sa menace envers les paysans : “ou ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête !”

“Une lutte s'engage, la maison est détruite” ainsi que “La porte est défoncée, Ubu pénètre suivi d'une légion” montre les excès de violence de ce roi, il n’était pas nécessaire de raser une maison pour percevoir les impôts de ses habitants. 

Malgré les plaintes,  “Monsieur Ubu, de grâce”, il reste insensible : “Je m'en fiche.” Il incarne la figure du tyran puisque pour assouvir ses ambitions, il est prêt à saigner son peuple à blanc et enfin : “je tuerai tout le monde et je m'en irai.”

Ubu montre son avidité à travers cette scène, dès sa prise de pouvoir, après l’éradication de ses opposants, Ubu décide de “doubler les impôts”.

Les paysans sont révoltés car ils ont “déjà payé” leurs impôts mais Ubu en demande encore plus. Il annonce clairement l’augmentation qu’il va faire : “paierait deux fois tous les impôts” et montre que cela pourra encore augmenter “trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement.” Cette réplique montre que Ubu ne se contentera pas de ce qu’il peut déjà percevoir, et cela laisse entrevoir que les conditions de vie de ses sujets vont être de moins en moins soutenables.

Le protagoniste montre à nouveau le peu d'éthique qu’il peut avoir “j'aurai vite fait fortune” : son seul but est donc la richesse et non le bien être de son peuple.

Jarry accentue encore cette notion lorsqu’Ubu dit “Je m'en fiche. Payez.”

Acte V, Scène 4 Ce dénouement en est-il vraiment un ?

I) Père Ubu, un personnage ridicule

“Nous devons faire au moins un million de noeuds à l'heure, et ces noeuds ont ceci de bon qu'une fois faits ils ne se défont pas.” : Le personnage du Père Ubu est présenté comme ridicule. En effet, bien que les noeuds sur les cordes étaient utilisés dans la navigation pour mesurer la vitesse, il ne s’agissait en aucun cas de les défaire, la remarque du Père Ubu n’a donc aucun sens.

“Quel triste imbécile.” : Les autres personnages sont conscient que Ubu est idiot.

“Oh! Ah! Dieu! nous voilà chavirés. Mais il va tout de travers, il va tomber, ton bateau.” : Le Père Ubu est un personnage peureux, donc il est inapte à exercer le pouvoir : “Et supposez que le vent vienne à changer de côté: tout le monde irait au fond de l'eau et les poissons nous mangeront.”

“Entendez-vous, monsieur l'Equipage? amenez le grand coq et allez faire un tour dans les pruniers.” : Ubu prend l’équipage pour une seule personne, alors qu’il y  en a certainement des dizaines, et comprend mal ce que le commandant indique.

“ Et moi je me ferai nommer Maître des Finances à Paris.” : L’argent est la seule motivation de Père Ubu qui n’a aucun soucis de ses sujets.

“Mer farouche et inhospitalière qui baigne le pays appelé Germanie, ainsi nommé parce que les habitants de ce pays sont tous cousins germains.” : La Germanie, non seulement ne s’appelait plus comme cela à l’époque, mais la remarque de Ubu est également très enfantine, jouant sur la similitude des deux mots. On voit la flatterie de Mère Ubu: “Voilà ce que j'appelle de l'érudition” .

 

II) La navigation comme métaphore de la politique

“Ah! quelle belle brise.” : Le cadre est mis en scène, les personnages se trouvent sur un bateau. Symboliquement, la mer est un lieu où l’on se perd et où l’on est à la merci des éléments, donc ici on devine que les personnages vont “où le vent les pousse” c’est-à-dire qu’ils sont dans une sorte d’errance.

“Si! Si! Arrivez. Je suis pressé, moi! Arrivez, entendez-vous! C'est ta faute, brute de capitaine, si nous n'arrivons pas. Nous devrions être arrivés. Oh oh, mais je vais commander, moi, alors! Pare à virer! A Dieu vat. Mouillez, virez vent devant, virez vent arrière. Hissez les voiles, serrez les voiles, la barre dessus, la barre dessous, la barre à côté. Vous voyez, ça va très bien. Venez en travers à la lame et alors ce sera parfait.” : Ubu ne comprend pas les termes de navigation, et lorsqu’il essaye de prendre les commandes par la force, similairement au reste de la pièce puisqu’il s’est emparé du trône de Pologne en massacrant tout le monde, il donne des ordres absurdes et contradictoires ce qui prouve qu’il est inapte à toute forme de commandement. Le bateau est donc une métaphore du royaume.

“Entendez-vous, monsieur l'Equipage? amenez le grand coq et allez faire un tour dans les pruniers.” : Ubu fait une remarque de paysan alors qu’il se trouve sur un navire donc cela indique encore qu’il n’est pas à sa place en tant que roi.

 

III) Vers le théâtre de l’absurde

“Nous devons faire au moins un million de noeuds à l'heure, et ces noeuds ont ceci de bon qu'une fois faits ils ne se défont pas.” : Le fait que les noeuds ne se défont pas montre, certes l’incohérence de la scène, mais c’est surtout une représentation du destin qui les entraîne à toute allure, et sans espoir de retour, ce qui est renforcé par l'exagération.

“Sire garçon, apportez-nous à boire.” : Ubu s’installe pour boire au milieu de la manoeuvre, ce qui est complètement inapproprié.

Les indications géographiques, imprécises et contradictoires, donnent l’impression que les personnages sont perdus. Cela rend le dénouement étonnant car il ne donne pas les réponses que l’on attendrait.

“Et maintenant notre noble navire s'élance à toute vitesse sur les sombres lames de la mer du Nord.” : Le registre épique parodie la chanson de geste et rend le passage encore plus absurde.

“Ah ! messieurs ! si beau qu'il soit il ne vaut pas la Pologne. S'il n'y avait pas de Pologne il n'y aurait pas de Polonais !” : La réplique finale de Père Ubu est d’autant plus ridicule qu’il a tué tous les Polonais. Mais surtout ce dénouement ne nous apprend rien, il ne conclut pas l’histoire et laisse le spectateur sur sa faim.

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