En quoi ce poème révèle-t-il un regard désenchanté sur l’existence ? 

 

I) Une réflexion sur le statut d’artiste

a) Une expérience réelle

Tout d’abord, le poète décrit une expérience réelle et basique, que tout le monde peut faire : “Quiconque a regardé le soleil fixement”. Il décrit par la suite, la gêne éprouvée après avoir fait l’expérience : “Croit voir devant ses yeux voler obstinément

Autour de lui, dans l’air, une tache livide.” En effet, regarder le soleil trop longtemps cause pour chaque personne un désagrément : voir une tache noire. Le poète quant à lui, va voir au delà de ce simple point noir et va en faire sa propre interprétation.

 

b) La métaphore du point noir

 Le poète se questionne implicitement sur la création artistique. Selon lui, la gloire d’un artiste n’est qu’éphémère : “Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux : Un point noir est resté dans mon regard avide.” Malgré sa gloire le poète se tourmente, et transmet un sentiment d’angoisse. Au fur et à mesure du poème, la tache noire devient de plus en plus importante, et l’envahit presque : “Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon oeil, Je la vois se poser aussi, la tache noire !” Elle est également mise en valeur au vers 9 par la rupture du rythme : “Je la vois se poser aussi, la tache noire !” La tache noire qui n’était qu’une simple expérience commune devient alors pour le poète un symbole d’angoisse profonde.

 

II) Une vision tragique de la vie

a) La fuite du temps

Le poète évoque, toujours de manière implicite la fuite du temps. Le poète vieillit au fur et à mesure du poème : “Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux,” Il montre la brièveté et l’éphémère des choses et voit sa jeunesse et sa gloire défiler.”Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux : Un point noir est resté dans mon regard avide.” De plus, les vers s’enchaînent rapidement, comme le temps qui passe à toute vitesse. Il en arrive finalement au “deuil” et renvoie à la mort, il montre alors la fuite du temps et la soudaineté de la mort.

 

b) La comparaison entre l’aigle et le poète

A la fin du poème, Gérard de Nerval compare le poète avec un aigle. Il le décrit comme s’il dominait la vie : “Oh ! c’est que l’aigle seul – malheur à nous, malheur ! Contemple impunément le Soleil et la Gloire.” L’aigle est symbole de puissance et de royauté, et compare le poète à un être presque divin, qui surpasse la vie terrestre. L’aigle semble symboliser également l’envol du poète, qui fait référence aux difficultés qu’il rencontre tout au long de sa carrière et de sa vie pour maintenir son inspiration. Même si le poète se compare à l’aigle, être invincible, il possède néanmoins des failles et vivra toujours avec l’angoisse de perdre son inspiration.

 

c) Le désespoir du poète

Au fur et à mesure du poème, le poète se tourmente de plus en plus, la tache qui, au départ paraissait sans danger, s’agrandit et prend un aspect morbide avec “deuil”, qui renvoie à la perte d’inspiration du poète et donc à sa fin : le poète est comme mort s’il n’écrit plus. De plus, la répétition du mot “malheur”, le rythme haché des vers ainsi que la ponctuation expressive renforcent l’idée de désespoir du poète et de ses craintes de perte totale d’inspiration. L’allitération en [r] exprime notamment la souffrance du poète et intensifie son désespoir. 

Ainsi, nous avons pu voir le regard pessimiste du poète sur son existence, avec l’idée qu’il a de sa propre carrière et sa vision tragique de voir la vie. Gérard de Nerval exprime ses craintes de perte d’inspiration au travers de ce poème et voit sa vie défiler sans rien ne pouvoir y faire. Le poète ne vit que pour l’écriture et s’il n’a plus d’inspiration il n’a plus aucune raison d’exister.