Analyse de A la musique de Rimbaud

Analyse de A la musique de Rimbaud

Dans « à la musique », Rimbaud s’attaque à sa ville natale qu’il considère comme étant « supérieurement idiote » comme il l’écrit dans une lettre. Rimbaud caricature ses modèles puis, à partir de la septième strophe s’oppose à eux. Le jeune poète fait ici une peinture satirique et féroce de la bourgeoisie de province. Et avec cette satire de la bourgeoisie, Rimbaud participe à un exercice de style à la mode, popularisée dans l’art par le caricaturiste Daumier.

 

I) Une scène de genre

1) Un lieu et un moment précis 

De nombreux indicateurs de lieu et de moment : « place de la gare à Charleville », « les jeudis soirs », c’est une habitude qui fait référence à la vie quotidienne.

 

2) Des personnages bien caractérisés

Les personnages sont catégorisés par leur classe sociale, la bourgeoisie.

Les personnages sont désignés par par leur métiers : « rentiers », « bureaux », « épiciers retraités »,  «pioupiou » ; par leur attitude : « voyous », « gandin » ; par leurs accessoires : « canne à pomme », « lorgnons », « breloques à chiffres » ; par leur silhouette, les gros sont les riches bourgeois.

À partir du vers 21 les personnages décrits sont d’une classe sociale inférieure, différente des bourgeois. Avec la rime « pioupiou », « voyou », le poète s’associe davantage à eux qu’aux bourgeois.

Plus le poème progresse plus on s'éloigne des bourgeois et on se rapproche de personnages plus libres finissant par le poète lui même.

 

II) Une satire de la bourgeoisie de province 

La critique commence dès le 1er quatrain avec les adjectifs dépréciatifs « mesquines »,  « taillée », « correct » deviennent péjoratifs avec l’adjectif « étriqués » c’est de cette manière très péjorative que le poète décrit sa ville natale.

 

1) Des physiques repoussants 

Tout comme le cadre, la critique des personnages se manifeste très vite « poussif », le signe distinctif des bourgeois c’est l’embonpoint.

Au vers 10 l’adjectif « gros » mentionné deux fois fait redondance avec l’adjectif « bouffi », et une allitération en [B] « gros bureaux bouffis » très peu gracieuse à l’oreille comme l’embonpoint l’est pour l’œil.

Les personnages sont décrits avec une dimension caricaturale, le verbe « traîner » est employé pour montrer la difficulté avec laquelle les bourgeois marchent.

Le mot « cornacs », guides des dames, montre que les « grosses dames » ont besoin d’aide pour marcher. De plus la parure des dames est moquée « aires de réclames », jugées trop racoleuses.

Dans le 5ème quatrain un autre personnage est caractérisé par l’embonpoint. La description dépréciative accentue son opulence « bedaine flamande », « Épatant », « rondeur de ses reins ». L’ allitération en [r] est désagréable comme ce personnage. De plus il est seul sur « son banc » car il prend toute la place. 

Le rejet du verbe « déborde » du vers 19 sur le vers 20 montre que le bourgeois lui même déborde du banc.

 

2) Des esprits étroits 

Dans ce décor étriqué chaque personnage joue un rôle.

Les rentiers au vers 9, soulignent les fausses notes.

Le bourgeois seul sur son banc au vers 20, se met en avant.

Les discours des épicier retraités : le poète joue sur une polysémie du mot « somme » avec «argent » ce qui montre leur goût pour l’argent. De plus c’est accentué par les signes extérieurs de richesse des bourgeois, hormis leur embonpoint qui est en lui même symbole de richesse :« canne à pomme », « breloques ».

Le rapport entre les bourgeois et la musique est surprenant, leur seule divertissement est un orchestre militaire, une musique peu appréciable. De plus ils n’écoutent pas vraiment ils « soulignent tous les couacs » au vers 9, attitude de connaisseur qui souligne les fausses notes.

Dernière moquerie envers la musique : les « voyous », sont « rendus amoureux par le chant des trombones » vers 21-22 ce qui est difficile à croire.

 

III) Le portrait du poète 

1) un être à part, à l’écart des bourgeois

A la différence des bourgeois, le poète est isolé dans les trois dernières strophes.

Il y a une rupture à partir du septième quatrain, le poète est mis en avant : « moi » isolé par une « , » et le « je » omniprésent dans les trois dernières strophes.

Le portrait du poète est construit par opposition à celui des bourgeois puisque les bourgeois sont décrits comme étant immobiles et lents à la différence du poète et des jeunes filles : « alertes », « tournent ». Les Bourgeois sont sérieux et bien habillés tandis que le poète est « débraillé comme un étudiant ». Les bourgeois sont laids et gros:  « grosses dames » « traînent » à la différence de la beauté érotisée des « alertes fillettes ». Le chaleur qui étrangle les bourgeois est mise en parallèle avec la fièvre sensuelle du poète « brûlé ». A la caricature féroce des bourgeois s’oppose la tendresse du poète pour les jeunes filles

 

2) Un poète voyou et provocateur

Le poète est un être différent en tout point des bourgeois caricaturaux, il fait l’éloge de la sensualité et de la légèreté.

On remarque les qualités propres à la jeunesse que le poète met souvent en avant comme dans « Roman ».

La sensualité : à la fin du poème, on remarque une scène de séduction érotisée, avec la rime « alertes fillettes », « leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes » au vers 28, qui laissent le poète « regarder » dans un mouvement descendant suggéré par l'enjambement « sous le corsage » « le dos divin » vers 31-32,  jusqu’en « bas » avec les « … » ce qui suggère très fortement la sensualité.L’ivresse amoureuse: rime « fièvre » et « lèvres ». Les sens du poète sont ainsi mis en éveil : vue, toucher, ouïe et goût. 

La légèreté : avec le mouvement, et le champ lexical de la légèreté. 

 

Conclusion : 

Dans «  À la musique » , Rimbaud fait une satire cruelle de la bourgeoisie de Charleville et il esquisse son portrait, celui d’un adolescent irrévérencieux et sensuel. Il exploite également à sa façon l’antagonisme qui régnait entre les artistes et les bourgeois à son époque. Cette détestation de la médiocrité bourgeoise apparaît déjà chez le graveur Daumier et chez Verlaine dans son poème « Monsieur Prud'homme ».

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