Analyse de Le Pain de Francis Ponge dans Le Parti Pris des choses
I) Une vision poétique du pain qui cache une réflexion sur la création poétique
1) Le pain est tantôt valorisé...
“La surface du pain est merveilleuse” : Le poète voit le pain comme un objet magique voire divin.
“feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois” : Le poète évoque la feuille de papier et la poésie qui sont indissociables.
2) ...tantôt dévalorisé
“sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente.” : Le poète montre son aversion pour la mie puisque celle-ci n’est pas exposée à la lumière du four et donc symboliquement c’est une oeuvre qui ne peut venir à maturité puisqu’elle est privée de la lumière divine c’est-à-dire de l’inspiration du poète démiurge dans son oeuvre.
“Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges “ : Francis Ponge évoque la création poétique qui est un travail ingrat.
“Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable…” : Le poète démontre que la poésie embellit le monde et que si le poète perd son inspiration, le monde entier s’effondrera.
“Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.” : Le poète joue avec les mots puisque “brisons-la” peut avoir deux sens: celui de briser le pain ou de cesser la conversation.
II) Une allégorie de la planète Terre
1) La genèse
“Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire” : Le poète décrit la genèse et semble nous amener au big bang. La cuisson du pain évoque l’éruption d’un volcan.
“où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses... “ : Le poète retranscrit la création du monde. La croûte du pain est une allégorie de l’écorce terrestre.
2) Un monde en miniature
“La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne” : Le poème commence tout de suite par une métaphore de la croûte terrestre.
“comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes.” : Le poète compare le pain à des montagnes, ce qui montre que le poète est capable de créer un monde nouveau à partir de presque rien, conformément à l'étymologie du mot poiesis en grec qui signifie création.
“Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux” : Le pain qui cuit dans le four est ensuite comparé à la Terre, qui est exposée au soleil.
III) Synthèse
Le pain est décrit de l’extérieur (la croûte) vers l’intérieur (la mie). La croûte est décrite par son aspect rugueux et la mie par son aspect spongieux. Il y a une franche opposition entre la croûte qui est valorisée « la surface du pain est merveilleuse » et la mie qui est dévalorisée « la mollesse ignoble sous-jacente ». « Mais brisons-la » a un double sens : briser la croûte ou briser la conversation.
Le pain est une allégorie de la création du monde, une genèse. Le poète représente le big-bang « le four stellaire », la formation des montagnes « les Alpes »… Il évoque les volcans et
l’écorce terrestre « une masse amorphe en train d’éructer ». La mie représente le noyau terrestre « tissu pareil à celui des éponges». La dernière phrase est une référence à l’eucharistie qui est
dénigrée par le poète : « Car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation ».
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