Analyse de Harmonie du soir de Baudelaire
Poème
Harmonie du soir
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal - Spleen et Idéal
Commentaire composé
Comment Baudelaire, utilise-t-il la forme fixe du pantoum pour exprimer son spleen ?
I) La musique du texte
1. La forme fixe du pantoum
Ce poème est pantoum, les vers 2 et 4 de la première strophe sont repris aux vers 1 et 3 de la strophe suivante et ainsi de suite jusqu’à la fin. Cela créé une ressemblance avec le refrain d’une chanson, donnant un aspect musical au poème. Cette forme a été utilisée par les poète du Parnasse, dont Baudelaire assume la filiation.
2. Les sonorités
On retrouve plusieurs allitérations en [s], dans le poème. Cela montre un aspect ténébreux à l’oeuvre, puisque le son en [s] évoque la souffrance.
“Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;” : Il évoque la musique et l’associe avec les parfums dans une synesthésie.
“Valse mélancolique et langoureux vertige !” : Le poème est construit sur le thème de la boucle, qui est transcrit dans ce vers par l’allusion à la valse, une danse où les partenaires tournent en rond. Le vertige vient naturellement lorsqu’on tourne trop sur soi-même. Le poète tourne sans cesse le souvenir de la femme perdue dans son esprit jusqu’à en être ivre.
“Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ;” : Le violon est traditionnellement un instrument triste . L’emploi du verbe “frémir” avec le verbe “vibrer” contribuent à l’évocation musicale. L’allitération en [k] suggère une difficulté.
“Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.” : L’allitération en [s] souligne la souffrance du poète qui semble sur le point de se suicider.
II) Le spleen
1. L’opposition entre l’ombre et la lumière
“Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.” : L’oxymore entre triste et beau montre que le spleen du poète est si profond que tout dans le monde lui semble triste, même la beauté.
“Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !” : La fragilité du poète lui fait redouter l’ennui qui mène au désespoir et à la mort.
“Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.” : Le soleil représente le poète qui devrait éclairer les gens ordinaires. Mais à cause de son Spleen, il choisit de se suicider en s’ouvrant les veines, ainsi son sang va se figer. La métaphore du sang qui se fige représente aussi la volonté des intellectuels décadents de ne pas avoir de descendance.
“Du passé lumineux recueille tout vestige !” : Le passé est lumineux, donc on en déduit que le futur est envisagé de manière sombre. Cependant, cela devrait être le contraire ce qui montre le désespoir du poète qui n’arrive pas à voir un avenir prometteur.
2. Un poème mystique
“Voici venir les temps où vibrant sur sa tige Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;” : Le poète malheureux cherche Dieu, mais il n’arrive pas à ressentir sa présence vaporeuse.
“Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.” : Le ciel devient pour le poète le lieu sacré où aura lieu une messe dans laquelle il cherche une consolation.
“Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !” : Le souvenir de la femme qu’il aime est comparé au Saint-Sacrement. Baudelaire commet donc ici un blasphème pour montrer l’intensité de sa passion pour cette femme qui prend la place de Dieu dans le coeur du poète. C’est la raison pour laquelle il n’arrive pas à surmonter son spleen.
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