L'homme sauvage existe-t-il ?
L’homme sauvage est un désir de retour à la nature qui est bien la nostalgie des citadins. Pour Marx le mythe de la robinsonnade c’est un homme qui est autosuffisant et qui peut vivre dans la simplicité du monde animal et être heureux comme ça. C’est un mythe moderne des sociétés industrielles car n’oublions pas que l’homme de la préhistoire avait besoin des autres pour survivre.
Les sciences humaines vont à l’encontre de cette représentation de l’homme sauvage qui pourrait être autosuffisant et trouver en lui-même le plan de sa conduite. Un « enfant sauvage » n’est pas comme nous le dit le mythe un enfant qui serait élevé par des animaux, c’est souvent un enfant séquestré ou délaissé, et ce que montre le psychologue Lucien Malson dans Les enfants sauvages c’est qu’à la naissance l’enfant est un « candidat à l’humanité » et qu’il a besoin d’un milieu humain parlant et désirant pour se développer. Comme le dit Kant, on ne devient homme que par l’éducation, à la différence de l’animal qui est directement adapté à la nature par ses instincts. Contrairement au mythe de Robinson Crusoé, « L’homme ne laisse jamais libre cours à ses besoins » dit Georges Bataille dans l’Erotisme. Ce qui caractérise l’homme c’est une double négativité : d’une part la négation de la nature extérieure par le travail, d’autre part la négation de sa propre nature par l’éducation. L’homme est une anti-nature qui fait qu’il ne peut pas vivre heureux et se sentir exister en satisfaisant simplement ses besoins vitaux. La solitude entraîne la désagrégation de la conscience humaine et la folie. Donc l’homme sauvage existe comme rêve d’un citadin qui voudrait échapper à sa condition.
On imagine souvent l’homme sauvage parce qu’on s’interroge sur nos origines. Nous n’avons aucune certitude sur nos origines. Rousseau dans Le Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes dit qu’ « il est impossible d’imaginer le premier homme, on ne peut penser que l’homme de l’homme ». Et l’état de nature est une hypothèse méthodologique qui montre qu’on ne peut définir l’homme en dehors de la société et le sens de l’état de nature c’est une société où n’existe pas l’inégalité. Le « bon sauvage » est celui qui n’est pas méchant parce qu’il n’en n’a pas besoin. Parce que pour Rousseau l’inégalité est la mère de tous les vices. L’homme sauvage dans ce sens n’existe pas. Le comportement de l’homme change selon les circonstances historiques et sociales. Etre barbare c’est un comportement d’homme civilisé.
On appellerait sauvage tout homme qui n’appartiendrait pas à notre civilisation, l’homme sauvage est le produit du préjugé ethnocentrique : on rejette hors de la nature tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit. Les préjugés nous donnent une fausse représentation des hommes.
Enfin être sauvage peut avoir un autre sens : celui qui ne maîtrise pas ses pulsions sadiques : soit le psychotique (folie destructrice), soit un comportement immoral. Le sauvage c’est chacun de nous. L’homme n’a pas une nature sauvage ou civilisée. Etre courageux ce n’est pas ne pas avoir peur, c’est maîtriser sa peur. Comme dit Sartre : « On est ce que l’on fait ». Etre un homme généreux ce n’est pas ne pas être égoïste, c’est arriver à satisfaire son égo en satisfaisant les autres. Il n’y a que l’homme qui est inhumain.
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