Germinal de Zola analyse par chapitre

Germinal de Zola analyse par chapitre

Incipit De «Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles» à «la respiration grosse et longue d'un échappement de vapeur, qu'on ne voyait point.»

I) Un incipit naturaliste

 

“un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves.”, “ à deux kilomètres de Montsou” : L’annonce de lieux, d’une distance et de matériaux précis amplifie le côté naturaliste de l’incipit.

“L'homme était parti de Marchiennes vers deux heures” : La phrase courte a pour but de donner une information claire. Ce qui est le cas avec l’indication spatio-temporelle précise “ de Marchiennes vers deux heures” typique du naturalisme.

“Il marchait d'un pas allongé, grelottant sous le coton aminci de sa veste et de son pantalon de velours.” : Zola réussit à nous émouvoir à travers ce registre pathétique. Le lecteur ressent de la peine pour le personnage qui n’a pas de quoi se payer des vêtements appropriés pour l’hiver. Sa veste d’une part est faite de coton ce qui n’est pas adapté pour l’hiver et d’autre part le coton en est aminci, on comprend alors que c’est une veste vieille et usée. De plus, il ressent maintenant une douleure physique, “le froid lui gelait les doigts à l’en faire saigner”, “tantôt d'un coude, tantôt de l'autre, pour glisser au fond de ses poches les deux mains à la fois, des mains gourdes que les lanières du vent d’est faisaient saigner.” Zola insiste sur le champ lexical de la douleur : “il ne put résister au besoin douloureux de se chauffer un instant les mains.”

“Un petit paquet, noué dans un mouchoir à carreaux, le gênait beaucoup” : Ce petit détail suscite la curiosité du lecteur.

“Une seule idée occupait sa tête vide d'ouvrier sans travail et sans gîte, l'espoir que le froid serait moins vif après le lever du jour.” : On comprend qu’à cet instant la seule chose qui le préoccupe est le froid, c’est bien pour cela que sa tête est vide mais d’autre part il n’a pas eu la chance de recevoir une éducation durant son enfance. 

“Un chemin creux s'enfonçait. Tout disparut. L'homme avait à droite une palissade, quelque mur de grosses planches fermant une voie ferrée ; tandis qu'un talus d'herbe s'élevait à gauche, surmonté de pignons confus, d'une vision de village aux toitures basses et uniformes. Il fit environ deux cents pas.” : L’annonce de lieux, d’une distance et de matériaux précis amplifie le côté naturaliste de l’incipit.

 

II) Un incipit angoissant

 

“Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d'une obscurité et d'une épaisseur d'encre” : Zola instaure une atmosphère sombre et angoissante en utilisant les mots “nuit” “obscurité” et “encre”. Cette phrase poétique est surprenante au début de la description naturaliste. 

Le narrateur continue à construire ce monde ténébreux avec des indications inquiétantes. Lorsqu’il marche sur “le sol noir” entouré par un “immense horizon” où il est confronté à des “rafales larges comme une mer”. De part l’utilisation de ces termes Zola essaye de nous faire ressentir de l’empathie pour ce personnage dès le début du roman.

“rafales larges comme sur une mer, glacées d'avoir balayé des lieues de marais” ; “le pavé se déroulait avec la rectitude d'une jetée, au milieu de l'embrun aveuglant des ténèbres” : Cette métaphore filée de la mer symbolise que ce personnage mène une vie extrêmement difficile, car il en viendrait même à se noyer dans “l’embrun aveuglant des ténèbres”. Ainsi, dès le début du roman on a l’impression que le personnage va mourir. Cette phrase longue est entrecoupée par des virgules ce qui lui donne un rythme ample comme la mer. 

“il aperçut des feux rouges, trois brasiers brûlant au plein air, et comme suspendus. D'abord, il hésita, pris de crainte” : Zola donne de la mine une image infernale avec la couleur rouge, le champ lexical de la chaleur et le champ lexical de la peur.

“ les feux reparurent près de lui, sans qu'il comprit davantage comment ils brûlaient si haut dans le ciel mort, pareils à des lunes fumeuses.” : Les brasiers sont “haut dans le ciel mort” comme si ils lévitaient. Ce phénomène terrifiant et le vocabulaire terne “ciel mort” et “lunes fumeuses” rappelle ce côté fantastique.

“C'était une masse lourde, un tas écrasé de constructions” ; “de rares lueurs sortaient des fenêtres encrassées, cinq ou six lanternes tristes étaient pendues dehors, à des charpentes dont les bois noircis alignaient vaguement des profils de tréteaux gigantesques” : A cause de cette description obscure et inquiétante, le lecteur se sent opprimé par cette mine imposante qui ressemble à un monstre.

“d'où se dressait la silhouette d'une cheminée d'usine” ; “et, de cette apparition fantastique, noyée de nuit et de fumée, une seule voix montait, la respiration grosse et longue d'un échappement de vapeur, qu'on ne voyait point.” Zola, grâce à la personnification, donne vie à la mine. La vue et l’ouïe sont sollicités “la silhouette” , “une seule voix qui montait, la respiration grosse et longue d’un échappement”. Malgré ces détails, cette mine reste terrifiante. On parle d’une “silhouette”, “noyée de nuit et de fumée” et “d'un échappement de vapeur, qu'on ne voyait point.” Ceci reste très vague, le lecteur reste perplexe face à ce monstre mystérieux. 

Première partie chapitre 3. De « Fichtre ! » à « comme un phare »

INTRODUCTION

Zola dans son siècle : Zola, naturaliste. :comportements humains dépendent de l’hérédité et de l’influence du milieu. Hypothèse mise à l’épreuve dans des romans naturalistes : le cycle des Rougon Macquart, 20 tomes. L’histoire d’une famille qui est poursuivie de tares telles que l’alcoolisme ou l’adultère. Germinal dans l’œuvre de Zola : Germinal, publié en 1885. Retrace la dure vie des mineurs dans le Nord de la France. Ce titre est en soi un programme, car il rappelle le mois de mars du calendrier révolutionnaire, avec sa promesse d’une renaissance, voire d’une révolution, avec ses hommes prêts à sortir de la terre, de la mine... L’extrait dans l’œuvre : au chapitre 3, Étienne Lantier vient de se faire embaucher comme herscheur dans une mine du nord de la France. Il s’apprête à entamer sa première descente dans le puits :

plongée dans un milieu hostile.

Problématique : Comment Zola alterne-t-il registre réaliste et registre fantastique pour suggérer la difficulté du travail des mineurs ?

 

I.Découverte fantastique du puits :

Hommes et femmes sur le même pied d’égalité.

Discours direct : effet de réel.

« fichtre » : interjection, expression connotée socialement.

Exprime l’étonnement. Étienne est muet, aux aguets.

Découvre le lieu pour la première fois.

Focalisation interne : scène du point de vue d’Étienne « se

croyait », « émotion désagréable le serrait à la gorge ».

Champ lexical de l’ouïe.

Vocabulaire réaliste : sur un environnement réaliste se greffe une perception fantastique de l’environnement.

Étienne est submergé et semble dépassé : les signaux sont contradictoires et rendent l’environnement étrange : oxymores « coup sourds », « beuglement étouffé ».

Personnification : l’animalisation du puits commence : monstre, dragon ?

Superlatif absolu « très froid » : environnement extrême.

Comportement hostile des collègues. Tous sur un même pied d’égalité : anciens comme nouveaux mineurs : sous-entend une absence de reconnaissance de l’expertise et

de la qualité du travail « blessé de ne pas avoir été consulté ». Dénonciation de conditions de travail déplorables.

Sympathie de Catherine qui soutient Étienne. Pas de régime particulier, elle descend comme les hommes au fond du puits.

 

II.Un milieu social défavorisé

Champ lexical technique : Paradoxe entre l’expertise du mineur et l’absence de reconnaissance de son savoir, de son expérience.

Interjection + points de suspension : litote : drame des accidents et de morts. Évocation pudique du tabou et de la crainte ultime.

Déterminisme récurrent chez Zola : soumission résignée des ouvriers qui n’osent pas ou plus manifester leur mécontentement : « sans se permettre de trop hausser la voix », emploi du pronom réfléchi « se » indique que l’ouvrier se censure lui-même. Crainte de perdre son emploi et de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Un ouvrier est remplaçable, main d'œuvre peu coûteuse, donc misérabilisme de la condition.

Phrase exclamative avec inversion sujet-verbe « est-il permis » constat pathétique : personne ne s’intéresse à leurs conditions de travail.

Peur des sanctions : impératif, phrase exclamative : le travail interrompt la discussion car seul le travail est important

Expérience qui parle : « vieux mineur »

« Faut bien que » ellipse du sujet : imitation du langage ouvrier, fatalité qui est une prison au quotidien « embarque avec ton monde » : indifférenciation des mineurs, effet de masse. Le porion ne donne plus un conseil mais un ordre, la hiérarchie réapparaît et les ouvriers ne sont plus des camarades mais des mineurs.

 

III.Réalisme documentaire

À nouveau précision du vocabulaire, presque didactique comme précédemment. Zola a mené des enquêtes sur le terrain pour avoir une connaissance précise du milieu ouvrier, des conditions de travail des mineurs. À sa mort, des cohortes de mineurs sont descendus du nord de la France pour lui rendre un dernier hommage, ils l’ont acclamé en lançant des « Germinal ».

Reprise de la métaphore filée du monstre « se glissèrent ».

Réduction des ouvriers à l’état de masse anonyme :

- emploi du pronom indéfini « on »,

- infinitif « se tasser »,

- troupeau de bêtes bonnes pour l’abattoir : « bétail »

- actions machinales et répétitives (« devaient » obligation)

Point de vue subjectif d’Étienne comme englouti par la masse « il n’entendit pas » ; inconfort.

Description extrêmement précise et réaliste des sensations d’Étienne lors de sa première descente. Laisse supposer que Zola a expérimenté lui-même la descente et retranscrit son expérience par le truchement du personnage :

- question rhétorique, dialogue interne : inquiétude, ne pas savoir à quoi s’attendre est anxiogène.

- « enfin » : soulagement provisoirement- hyperboles

« tout », « les objets »

- longue durée de la descente retranscrite par la durée de lecture de la description : « dura », emploi du participe présent « franchissant », adjectif verbal « tournoyante », « n’ayant plus »

Opposition « jour » , « noir de la fosse ».

Privation de repères sensoriels « étourdi », « n’ayant plus la perception nette de ses sensations », « fuite tournoyante », « dans le noir de la fosse » : comme digéré par le monstre du Voreux.

Opposition frappante entre l’expérience vécue par Étienne et la placidité « paisiblement» de Maheu, rompu à l’exercice, familier de cette descente qui ne lui fait plus le même effet.

Opposition Étienne vs la masse « tous » vs « lui »

Précision spatiale : « filait droit » précision du vocabulaire MAIS confusion du point de vue interne d’Étienne « se demandait s’il descendait ou s’il montait », « peur »,

« catastrophe ».

Naturalisme dans l’association du réalisme à la métaphore filée fantastique de la bête « trépidations », « dansement », « filait ».

« du reste » : marque l’abandon d’Étienne. Comme le reste

du groupe, il se résigne. Il a été dévoré par la machine :

anéantissement.

Perte totale de repères sensoriels « ne pouvait distinguer », « collait sa face », « mal ».

Opposition du pluriel « les lampes » + « tassement des corps et des pieds » au singulier adjectif « seule » en rejet en début de phrase, isolé par la virgule + « la lampe » = les

ouvriers de font plus qu’un.

Comparaison « comme un phare » annonciateur du rôle émancipateur futur d’Étienne.

 

CONCLUSION : réalisme dépassé par l’imaginaire zolien, vision monstrueuse de la mine, et la visée symbolique du Voreux qui peut être assimilé au Capitalisme dévorateur. Critique de la condition ouvrière et du système capitaliste. OUVERTURE.

Première partie chapitre 4. L’enfer de la fosse. De «C'était Maheu qui souffrait le plus» à «sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources.»

Tout d’abord on observe le champ lexical de la mort dès les premières lignes : “mortel”.  La température est également élevée “jusqu'à 35 degrés”, et la lumière de la lampe, bien que nécessaire pour y voir dans l’obscurité complète dans laquelle il est plongé, aggrave son malaise : “et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang”. Le personnage souffre du manque d'air : “l’air ne circulait pas, l'étouffement”. Cette description nous laisse comprendre que le personnage est sous terre, ainsi la mine est comparée à l’enfer. Le mot “supplice” renforce l’idée de l’enfer car il donne l’impression que Maheu est là pour expier une faute alors qu’il n’est que la victime d’un système qui torture et écrase les ouvriers. De plus Maheu se contorsionne dans de mauvaises positions, il souffre mais il continue son travail forcé tel un bagnard. Il est placé dans une position de forçat à frapper la roche de manière répétitive et régulière : “il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches”. Ensuite Zola, à travers une comparaison entre les mineurs et les pucerons, dénonce la façon aveugle dont la société industrielle broie les mineurs. Les ouvriers sont comparés à des machines car personne ne parle, ils sont complètement privés de leur humanité. De plus dans la mine l’évocation des bruits ajoute un effet angoissant et contribuent à renforcer l’évocation de l’enfer : “Les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un écho”. 

Pour Zola les mineurs sont totalement oubliés par le reste de la société et abandonnés par Dieu, la lumière du soleil comme la lumière divine ne parviennent pas jusqu'à eux, ils sont dans les “ténèbres”. La seule lumière perçu sont des points rougeâtres comme des yeux de monstres dans la nuit, mais cela laisse également imaginer les feux de l’enfer. De plus les mineurs apparaissent tels des fantômes, pour donner l’impression qu'il sont déjà morts car ils n’ont pas de vie, ils sont comme des bagnards condamnés à perpétuité. Les ouvriers n’apparaissent pas entiers, on voit un bras une jambe… Zola nous fait comprendre qu’ils ne sont pas des êtres à part entière. La respiration des mineurs fait penser au râle de mourants : “il n'y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue, sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources.”

Zola condamne la société par rapport aux mineurs. Pour lui ils sont prisonniers dans la mine, sans aucune lueur d’espoir. Ils sont abandonnés par le reste du monde. Zola les voit déjà morts, et en enfer. 

Cinquième partie chapitre 5 La révolte des ouvriers. De «Les femmes avaient paru» à «Un grand cri s'éleva, domina la Marseillaise :" Du pain! du pain! du pain ! "»

“montrant la peau nue, des nudités de femelles lasses d'enfanter des meurt-de-faim” : les ouvrières sont vues par les riches comme des animaux.

 

“Quelques-unes tenaient leur petit entre les bras, le soulevaient, l'agitaient, ainsi qu'un drapeau de deuil et de vengeance.” : les enfants deviennent des armes pour les mères qui n’ont aucun moyen de se défendre. Elles espèrent susciter la pitié des riches en brandissant la souffrance de leurs enfants.

 

“D'autres, plus jeunes, avec des gorges gonflées de guerrières, brandissaient des bâtons ; tandis que les vieilles, affreuses, hurlaient si fort, que les cordes de leurs cous décharnés semblaient se rompre.” : champ lexical de la guerre.

 

“Et les hommes déboulèrent ensuite, deux mille furieux, des galibots, des haveurs, des raccommodeurs, une masse compacte qui roulait d'un seul bloc, serrée, confondue, au point qu'on ne distinguait ni les culottes déteintes, ni les tricots de laine en loque, effacés dans la même uniformité terreuse.” : l’énumération, figure d’accumulation, souligne le nombre impressionnant des ouvriers et leur pauvreté.

 

“Les yeux brûlaient, on voyait seulement les trous des bouches noires, chantant la Marseillaise, dont les strophes se perdaient en un mugissement confus, accompagné par le claquement des sabots sur la terre dure.” : les hommes sont ici animalisés “mugissement”, “sabots” ce qui les rend encore plus effrayants car la violence des animaux n’a pas de limite.

 

“Au-dessus des têtes, parmi le hérissement des barres de fer, une hache passa, portée toute droite ; et cette hache unique, qui était comme l'étendard de la bande, avait, dans le ciel clair, le profil aigu d'un couperet de guillotine.” : la hache symbolise toute la violence dont les ouvriers sont capables. Ils n’ont pas de drapeau car socialement leur voix ne compte pas donc la violence est la seule solution pour se faire entendre.

 

“"Quels visages atroces !" balbutia Madame Hennebeau.

Négrel dit entre ses dents : "Le diable m'emporte si j'en reconnais un seul ! D'où sortent-ils donc, ces bandits-là ?"” : champ lexical de la peur. Les ouvriers sont diabolisés par les riches alors que ce sont eux qui sont responsables de l’état misérable dans lequel ils sont ; et donc ils ont eux-mêmes provoqué cette révolte en étranglant toujours plus les ouvriers.

 

“Et, en effet, la colère, la faim, ces deux mois de souffrance et cette débandade enragée au travers des fosses, avaient allongé en mâchoires de bêtes fauves les faces placides des houilleurs de Montsou.” : renforce l’animalisation des ouvriers. 

 

“A ce moment, le soleil se couchait, les derniers rayons d'une pourpre sombre ensanglantaient la plaine. Alors, la route sembla charrier du sang, les femmes, les hommes continuaient à galoper, saignants comme des bouchers en pleine tuerie.” : c’est un passage poétique, il y a une poésie de l’horreur. La métaphore du soleil et du sang est prophétique puisque la répression des ouvriers sera particulièrement sanglante. Les ouvriers sont ici comparés à des bouchers mais au final ce seront eux les bêtes massacrées.

 

“" Oh ! superbe !" dirent à demi-voix Lucie et Jeanne, remuées dans leur goût d'artistes par cette belle horreur.” : ces personnages ne mesurent pas l’ampleur de l’événement qui est sur le point de se dérouler mais ils perçoivent la poésie de l’horreur.

 

“Elles s'effrayaient pourtant, elles reculèrent près de Madame Hennebeau, qui s'était appuyée sur une auge. L'idée qu'il suffisait d'un regard entre les planches de cette porte disjointe, pour qu'on les massacrât, la peur les glaçait. Négrel se sentait blêmir, lui aussi, très brave d'ordinaire, saisi là d'une épouvante supérieure à sa volonté, une de ces épouvante qui souffle de l'inconnu. Dans le foin, Cécile ne bougeait plus. Et les autres, malgré leur désir de détourner les yeux, ne le pouvaient pas, regardaient quand même.” : le champ lexical de l’épouvante succède à celui de la peur, on peut y voir une gradation.

 

“C'était la vision rouge de la révolution qui les emporterait tous, fatalement, par une soirée sanglante de cette fin de siècle. Oui, un soir, le peuple lâché, débridé, galoperait ainsi sur les chemins ; et il ruissellerait du sang des bourgeois, il promènerait des têtes, il sèmerait l'or des coffres éventrés. Les femmes hurleraient, les hommes auraient ces mâchoires de loups, ouvertes pour mordre, Oui, ce seraient les mêmes guenilles, le même tonnerre de gros sabots, la même cohue effroyable, de peau sale, d'haleine empestée, balayant le vieux monde, sous leur poussée débordante de barbares. Des incendies flamberaient, on ne laisserait pas debout une pierre des villes, on retournerait à la vie sauvage dans les bois, après la grande ripaille, où les pauvres, en une nuit, videraient les caves des riches. Il n'y aurait plus rien, plus un sou des fortunes, plus un titre des situations acquises, jusqu'au jour où une nouvelle terre repousserait peut-être. Oui, c'étaient ces choses qui passaient sur la route, comme une force de la nature, et ils en recevaient le vent terrible au visage. Un grand cri s'éleva, domina la Marseillaise :

"Du pain ! du pain ! du pain !"” : l’emploi du conditionnel est prophétique. Zola dresse ici un tableau effrayant de la révolution où les hommes se transforment en bêtes fauves enragées. C’est une scène d’apocalypse où l’ancien monde serait détruit à cause de ses injustices sociales. Cela montre qu’on ne peut éternellement asservir une partie de la population. Les plus faibles, même s’ils sont réduits au silence, finissent par se révolter.

 

Septième partie chapitre 3. La fin du Voreux. De «Pendant une heure, le Voreux resta ainsi» à «le Voreux venait de couler à l'abîme»

I. Une mise en scène dramatique

a) La description de l’horreur

Le passage devient de plus en plus dramatique, la scène de plus en plus dangereuse. Zola utilise des métaphores pour décrire l’horreur de la scène d’une façon très impressive :  “au milieu de la pluie des briques”, “une cage était restée pendue, un bout de câble arraché flottait”, “puis, il y avait une bouillie de berlines, de dalles de fonte, d'échelles.” Zola utilise de l’ironie pour renforcer l’horreur de la scène : “Le mouvement des terrains devait être terminé, on aurait la chance de sauver la machine et le reste des bâtiments”. Ici M Hennebeau et d’autres hommes pensent peut-être avoir la “chance” de récupérer la machine et les bâtiments ce qui est est très ironique car des centaines d’ouvriers viennent juste de mourir à cause de celle-ci, alors que l'attention du lecteur est focalisé sur le bien être de la machine. Vers la fin du texte la machine représente l’horreur qu’ont vécue les mineurs: “elle marcha, elle détendit sa bielle, son genou de géante, comme pour se lever ; mais elle expirait, broyée, engloutie.” Ce passage est très émouvant car cela montre l’homme qui essaye de s’agripper à la vie  mais qui finit “englouti” dans l'obscurité de la mine mais aussi de la mort.

 

b) Le côté théâtral 

Les termes utilisés pour la mise en scène de cet accident font penser à un spectacle, ce qui est choquant car on s’extasie devant la machine alors que des mineurs sont en train de mourir : “On ne criait plus, le cercle élargi des spectateurs regardait.” Les ouvriers sont impatients et angoisses de savoir s'ils pourront sauver la machine ou non: “l'espérance redoublait l'angoisse” dans le dernier paragraphe Zola représente une scène de bataille dans laquelle les matériaux se font massacrer : “Le bâtiment des chaudières creva ensuite, disparut.”, “Puis, ce fut la tourelle carrée où râlait la pompe d'épuisement, qui tomba sur la face, ainsi qu'un homme fauché par un boulet.”: Ce passage montre que l’homme n’a pas d’importance par rapport à la machine ce qui symbolise le fait que pour Zola, certains hommes ne donnent de l’importance qu’à ce qui est matériel et sans vie comme l’argent.

 

c) Le vocabulaire technique 

Zola crée une scène réaliste grâce à tout le vocabulaire technique utilisé pour la description, ce qui est caractéristique de l’écriture naturaliste. Ainsi le lecteur croit vivre la scène :  “Sous les poutres en tas du criblage, on distinguait les culbuteurs fracassés, les trémies crevées et tordues” La précision des détails renforce le caractère réaliste de ce passage et montre la passion de Zola pour la technique industrielle.

 

II. Une scène épique et fantastique

a) Un combat épique

Zola introduit le passage avec le champ lexical de la guerre pour décrire l’explosion d’une machine : “Pendant une heure, le Voreux resta ainsi, entamé, comme bombardé par une armée de barbares.”, “  M. Hennebeau, au bout de cette heure de répit, sentit l'espoir renaître.” “Et, brusquement, comme les ingénieurs s'avançaient avec prudence, une suprême convulsion du sol les mit en fuite”ce passage laisse penser que le “combat” entre les ingénieurs et la machine recommence, les combats sont cette fois menés par l’artillerie et par des explosions : “Des détonations souterraines éclataient, toute une artillerie monstrueuse canonnant le gouffre.” La prochaine phrase laisse penser que la situation est dramatique pour ceux qui sont contre la machine car :”A la surface, les dernières constructions se culbutaient, s'écrasaient.” Cela montre qu’il n’y à plus d’espoirs car les bâtiments symbolisent les soldats du camps opposé à la machine.

 

b) La personnification de la machine

La machine est personnifiée, ce qui lui donne un caractère humain :  “Et, au fond de sa chambre éventrée, on apercevait la machine, assise carrément sur son massif de maçonnerie”.

“Puis, ce fut la tourelle carrée où râlait la pompe d'épuisement, qui tomba sur la face” La machine représente les mineurs qui luttent contre la mort : “Et l'on vit alors une effrayante chose, on vit la machine, disloquée sur son massif, les membres écartelés, lutter contre la mort”

 

c) La métamorphose fantastique

Au fur et à mesure que la machine se détruit, celle-ci est décrite comme une créature fantastique qui devient de plus en plus monstrueuse :  “l'énorme bielle, repliée en l'air, ressemblait au puissant genou d'un géant, couché et tranquille dans sa force.” La fin du texte est marquée par la mort symbolique du monstre qui est la machine : “C'était fini, la bête mauvaise, accroupie dans ce creux, gorgée de chair humaine, ne soufflait plus de son haleine grosse et longue. Tout entier, le Voreux venait de couler à l'abîme.” Cela marque la fin de la lutte pour la vie de la machine mais surtout des mineurs qui ont étés massacrés par la société. Ce texte prend alors une dimension mythologique car la mine broie les ouvriers comme les monstres des tragédies antiques.

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