Analyse de L'éducation sentimentale de Flaubert

Analyse de L'éducation sentimentale de Flaubert

Analyse de l'incipit, chapitre 1

Chapitre 1 

De «Le 15 septembre 1840, vers six heures du matin» à «et son large pantalon blanc tombait sur d’étranges bottes rouges, en cuir de Russie, rehaussées de dessins bleus»

 

I) Une histoire inscrite dans le réel

Tout d’abord, nous pouvons voir que c’est une histoire inscrite dans le réel car le personnage de Frédéric par en voyage sur un bateau à vapeur, “le tapage s’absorbait dans le bruissement de la vapeur, qui, s’échappant par des plaques de tôle, enveloppait tout d’une nuée blanchâtre, tandis que la cloche, à l’avant, tintait sans discontinuer.” De plus, ce personnage, qui est tout juste bachelier part en voyage tout seul, ce qui montre la façon dont on éduquait les jeunes hommes au XIXème siècle. Puis, la description s’attarde sur les vêtements du dernier personnage, ce qui nous informe sur son rang social, car au XIXème siècle, il fallait montrer son argent pour revendiquer ses honneurs dûs à la réussite. 

Dans le deuxième paragraphe, nous pouvons voir que l’auteur utilise beaucoup de virgules et de points-virgules, ce qui rend l’effet d'être sur le navire avec le personnage et de faire partie de ce tumulte, “Des gens arrivaient hors d’haleine ; des barriques, des câbles, des corbeilles de linge gênaient la circulation ; les matelots ne répondaient à personne ; on se heurtait”. 

Le passage consacré à la description de la rivière reproduit par le jeu des sonorités le bruit de l’eau, notamment grâce aux allitérations en [s] et en [r], “On rencontrait des trains de bois qui se mettaient à onduler sous le remous des vagues, ou bien, dans un bateau sans voiles, un homme assis pêchait ; puis les brumes errantes se fondirent, le soleil parut, la colline qui suivait à droite le cours de la Seine peu à peu s’abaissa, et il en surgit une autre, plus proche, sur la rive opposée.”

Le narrateur utilise le passé simple pour ramener le personnage et le lecteur à la réalité par des actions soudaines, “et il en surgit une autre”. 

 

II) Le portrait du personnage principal

Le personnage de Frédéric Moreau est un jeune homme de 18 ans. On sait que cet homme appartient à la bourgeoisie car il revient d’un voyage au Havre, puis repart pour Nogent, et au XIXe siècle, cela fait loin. On sait aussi que Frédéric espère prendre l'héritage de son oncle (“l’avait envoyé au Havre voir un oncle, dont elle espérait, pour lui, l’héritage”). 

Grâce au discours indirect libre, nous avons accès aux pensées de Frédéric, et donc nous pouvons dire que c’est un jeune homme rêveur et romantique, qui pense à son futur qu’il espère passionnant, “Frédéric pensait à la chambre qu’il occuperait là-bas, au plan d’un drame, à des sujets de tableaux, à des passions futures.” 

 

III) Le narrateur et son personnage

La description du personnage de Frédéric se fait du plus neutre au plus intime. D’abord, il est présenté comme un étranger : “Un jeune homme de dix-huit ans”.  Ensuite, le narrateur nous dévoile son identité sociale : “M. Frédéric Moreau, nouvellement reçu bachelier”. Puis, le narrateur nous fait petit à petit accéder aux pensées du personnage qui devient un ami, “Frédéric pensait à la chambre qu’il occuperait là-bas, au plan d’un drame, à des sujets de tableaux, à des passions futures”. Le narrateur fait ceci pour rendre le lecteur curieux, et pour que ce dernier s'intéresse au personnage, comme à un ami. 

Le narrateur décrit son personnage comme étant un romantique, alors que lui-même est un réaliste, on peut donc comprendre une certaine ironie à l'égard du jeune Frédéric : “Il trouvait que le bonheur mérité par l’excellence de son âme tardait à venir. Il se déclama des vers mélancoliques”. Cela nous montre que Frédéric a une très haute opinion de lui et qu’il est porté vers la mélancolie comme les romantiques. 

 

Ainsi, on devine qu’il s’agit de l’incipit d’un roman d’apprentissage car le narrateur nous présente la cadre de son histoire et son personnage principal, puis il intéresse le lecteur à son personnage de jeune homme, ce qui donne envie de continuer de lire pour suivre l'évolution de ce personnage. 

Analyse de la 1ère rencontre, chapitre 1

Dans ce passage de "L'Éducation sentimentale" de Flaubert, la rencontre entre Frédéric et Mme Arnoux est décrite de manière fantasmée, avec une attention particulière aux détails qui rappelle la technique impressionniste.

  1. I) Une rencontre fantasmée

    • Fascination intense de Frédéric: Frédéric est immédiatement captivé par Mme Arnoux, au point qu'elle lui semble presque irréelle, une "apparition". Son éblouissement et sa fixation sur elle indiquent une fascination qui va au-delà de la simple attraction physique.
    • Idéalisation de Mme Arnoux: Frédéric idéalise Mme Arnoux, voyant en elle une perfection presque surnaturelle. Il est absorbé par ses moindres détails, la couleur de sa peau, la finesse de ses doigts, etc. Cette idéalisation est renforcée par son désir de tout savoir sur elle, indiquant un amour qui va au-delà du physique.
    • Fantasmes et projections: Frédéric laisse libre cours à son imagination, se projetant dans la vie de Mme Arnoux et fantasmant sur des détails comme son panier à ouvrage. Il s'immerge dans un monde de conjectures et de désirs, illustrant une profondeur émotionnelle qui transcende la simple attirance.
  2. II) Description impressionniste de Mme Arnoux

    • Portrait minutieux: Mme Arnoux est décrite avec une attention méticuleuse aux détails, rappelant la technique des peintres impressionnistes. La description de son apparence, de ses vêtements et de son environnement est riche et visuelle.
    • Attention aux couleurs et à la lumière: La lumière joue un rôle crucial dans la description, mettant en valeur la beauté de Mme Arnoux et créant une atmosphère presque magique autour d'elle.
    • Utilisation de la perspective: La description varie les perspectives, montrant Mme Arnoux sous différents angles, ce qui enrichit le portrait et lui donne une dimension plus complète.

En conclusion, ce passage illustre la rencontre entre Frédéric et Mme Arnoux comme un moment marquant, teinté de fascination romantique et d'idéalisation, et décrit avec une précision et une attention aux détails qui rappellent les techniques de l'impressionnisme en peinture. Frédéric est profondément touché par cette rencontre, ce qui annonce l'importance qu'aura Mme Arnoux dans son parcours sentimental.

 

Analyse du chapitre 5, Louise

De «En moins d'un an, il s'était fait dans la jeune fille une transformation extraordinaire qui étonnait Frédéric.» à «Et elle frémissait, avec des mouvements d'une câlinerie sensuelle. »

 

C'est une scène de séduction très sensuelle. Le couple fait preuve d'une certaine puérilité, en se livrant à des jeux enfantins. Louise est timide c'est qui lui donne encore plus de charme aux yeux de Frédéric qui est troublé et fait des ricochets pour cacher son embarras. Le ridicule et l'exagération des rêves qu'ils évoquent montre à quel point Flaubert se moque du romantisme qu'il tourne en ridicule : « elle n’aurait eu peur de rien, ni des tempêtes, ni des lions ». La phrase :  « Ça doit être si doux de se rouler là-dedans, à son aise, de se sentir caressé partout. » est à double sens et montre la grande sensualité de la jeune fille. La « minute de silence » observée par Frédéric montre l'ironie du narrateur qui se moque gentiment de son personnage immédiatement tombé sous le charme de Louise. Le cadre bucolique et la chaleur participent à créer ce climat de sensualité. Les sensations agréables et les parfums nombreux mettent tous leurs sens en éveil. Les phrases : « Le soleil frappait la cascade ; les blocs verdâtres du petit mur où l'eau coulait apparaissaient comme sous une gaze d'argent se déroulant toujours. Une longue barre d'écume rejaillissait au pied en cadence. Cela formait ensuite des bouillonnements, des tourbillons, mille courants opposés, et qui finissaient par se confondre en une seule nappe limpide. » font une description de l’acte sexuel à peine voilée.

Analyse de La révolution manquée, 2ème partie, chapitre 6

Dans ce passage de "L'Éducation sentimentale" de Flaubert, Frédéric, en pleine période révolutionnaire de 1848, se détourne des grands événements historiques pour se concentrer sur ses désirs personnels, illustrant ainsi son statut d'anti-héros.

  1. I) Frédéric, un anti-héros

    • Passivité face à l'Histoire: Alors que la révolution de 1848 éclate, marquant un moment historique crucial, Frédéric reste un spectateur passif. Loin d'être impliqué, il observe les événements comme un simple divertissement.
    • Échecs amoureux: Frédéric se venge de ses frustrations amoureuses avec Rosanette, une substitut de son amour non partagé pour Mme Arnoux. Cela montre son incapacité à établir une relation sincère et profonde, se contentant de relations superficielles et de convenance.
    • Manque de volonté et d'idéal: Frédéric est dépeint comme un personnage indécis et flottant, sans réelle ambition ou objectif. Son attitude face aux femmes et aux événements historiques le présente comme un anti-héros, manquant de la détermination et de la clarté morale traditionnellement associées aux héros de roman.
  2. II) Une révolution manquée

    • Contexte historique réel: La révolution de 1848 est un cadre réaliste dans le roman, reflétant les changements politiques et sociaux de l'époque. Elle représente un moment de transition et de bouleversement, mais Frédéric reste à l'écart de cette transformation.
    • Détachement et incompréhension: Frédéric ne comprend ni ne s'engage dans la révolution. Son détachement souligne son incapacité à saisir l'importance des événements qui se déroulent autour de lui. Il perçoit la révolution comme un spectacle plutôt qu'un moment décisif.

Conclusion: Le chapitre met en lumière la nature d'anti-héros de Frédéric, qui rate à la fois le rendez-vous amoureux avec Mme Arnoux et le rendez-vous historique avec la révolution de 1848. "L'Éducation sentimentale", à travers le personnage de Frédéric, se révèle comme un anti-roman, où Flaubert déconstruit à la fois le concept du héros et l'idée romanesque. Frédéric est une incarnation masculine de Madame Bovary, vivant davantage dans ses rêves et ses désirs qu'en réalité, soulignant ainsi le pessimisme de Flaubert vis-à-vis de la société et de l'individu.

Analyse du dîner avec Rosannette, 3ème partie, chapitre 1

De «Ce soir-là, ils dînèrent dans une auberge, au bord de la Seine.» à «Ils se croyaient presque au milieu d'un voyage, en Italie, dans leur lune de miel.»

 

Flaubert rend cette scène de tête-à-tête amoureux très originale par l’utilisation du discours indirect libre qui en fait une scène extrêmement érotique. En effet nous percevons Rosanette à travers les yeux de Frédérique : il contemple le visage et le corps séduisant de sa maîtresse en insistant sur « ses lèvres retroussées », « ses épaules », « ses mains »…  ce spectacle le plonge en plein fantasme, et le poulet apparaît comme une femme allongée sur le dos, les membres écartés pour mieux recevoir l’étreinte de son amant : « On leur servit un poulet avec les quatre membres étendus », ici Flaubert explore les fantasmes du personnage de Frédéric qui nous emmène à la limite de la pornographie, « les anguilles » étant bien évidemment une allusion phallique renforcée par « le pain trop dur ». Le narrateur conclut encore par une formule à double sens : « Tout cela augmentait le plaisir, l’illusion .»

Analyse de La révolution carnavalesque, 3ème partie, chapitre 1

Dans cette troisième partie du chapitre analysé, l'écrivain dépeint un tableau vivant et complexe des événements révolutionnaires, oscillant entre grandeur épique et critique acerbe de la déchéance morale.

I) La dimension épique du peuple

La scène décrite par Flaubert est imprégnée d'une dimension épique. L'utilisation du champ lexical de la guerre, notamment à travers des expressions telles que "en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules", confère au récit une tonalité héroïque. Cette image de la foule en révolte, avec la gradation des objets détruits, allant des meubles aux objets d'art, illustre un élan frénétique, presque mythique, de libération. La citation "Alors, une joie frénétique éclata, comme si, à la place du trône, un avenir de bonheur illimité avait paru" suggère un moment de catharsis, où le peuple croit toucher à un avenir radieux, libéré des chaînes du despotisme. Cette dimension épique est renforcée par la description de l'effervescence physique et émotionnelle des révolutionnaires, dont les poitrines haletaient sous l'effet d'une chaleur suffocante, évoquant un combat épique pour la liberté.

II) Flaubert critique les révolutionnaires qui se comportent comme des animaux

Cependant, cette grandeur est tempérée par une critique incisive de Flaubert envers les révolutionnaires. Il les dépeint comme déshumanisés, comparés à un "fleuve refoulé par une marée d'équinoxe", une masse indifférenciée et brutale. Leur comportement est assimilé à celui des animaux, comme le montre la métaphore du "long mugissement". Cette vision est renforcée par des remarques ironiques telles que "Les héros ne sentent pas bon !" ou encore la description du prolétaire hilare et stupide, assis sur le trône, qui dénigre l'idée même d'une souveraineté populaire digne et éclairée. Le narrateur ne manque pas d'ironie en décrivant les actes de vandalisme et de violence, illustrant une révolution dévoyée en une farce tragique.

III) Une révolution aux allures de carnaval

Enfin, Flaubert illustre le renversement des valeurs sociales et morales, transformant la révolution en un carnaval grotesque. La scène où la "canaille" se pare ironiquement de dentelles et de cachemires symbolise ce bouleversement des normes établies. Le carnaval atteint son apogée dans des actes de débauche et de profanation, comme illustré par la fille publique en statue de la Liberté. Cette image finale, "immobile, les yeux grands ouverts, effrayante", sert de métaphore puissante pour la révolution elle-même : une promesse de liberté devenue grotesque et terrifiante dans sa réalisation.

Dans son ensemble, Flaubert offre une vision complexe de la révolution, oscillant entre admiration pour l'élan libérateur du peuple et une critique sévère de sa dérive morale et de sa tendance à la déshumanisation. La tension entre ces deux pôles confère à son œuvre une profondeur tragique, reflétant les paradoxes et les tumultes de l'histoire humaine.

Analyse de la scène d'adieu, 3ème partie, chapitre 6

De «Quand ils rentrèrent, Mme Arnoux ôta son chapeau» à «La voiture disparut. Et ce fut tout.»

 

I) Des clichés romantiques mis à mal

Le début du texte reprend la première rencontre entre Julien et Madame Arnoux sur un mode déceptif : « Ce fut comme une apparition » devient « Quand ils rentrèrent, Mme Arnoux ôta son chapeau. La lampe, posée sur une console, éclaira ses cheveux blancs. Ce fut comme un heurt en pleine poitrine. » La réaction de Frédéric est très cruelle envers Madame Arnoux : « Pour lui cacher cette déception, il se posa par terre à ses genoux, et, prenant ses mains, se mit à lui dire des tendresses. » Le jeune homme est hypocrite envers cette femme qui l’aime plus que tout au monde. On voit que son amour fondé sur la beauté et l’attirance physique n’a pas résisté au temps, il était trop superficiel. Les deux personnages ont des attitudes très différentes car Madame Arnoux est sincère, contrairement à Frédéric, son amour profond a résisté à toutes les épreuves : « Elle le contemplait, tout émerveillée ». Le narrateur omniscient pose un regard critique sur la scène, présentant Madame Arnoux de façon pathétique : « Elle y restait, la taille en arrière, la bouche entrouverte, les yeux levés. Tout à coup, elle le repoussa avec un air de désespoir ».

 

II) Les désillusions de l’amour

Les préoccupations de Frédéric ont pris un tour très trivial : « Cependant, il sentait quelque chose d'inexprimable, une répulsion, et comme l'effroi d'un inceste. Une autre crainte l'arrêta, celle d'en avoir dégoût plus tard. D'ailleurs, quel embarras ce serait ! – et tout à la fois par prudence et pour ne pas dégrader son idéal, il tourna sur ses talons et se mit à faire une cigarette. » L’utilisation du discours indirect libre dans ce passage montre à quel point le personnage de Frédéric est froid et calculateur. Madame Arnoux se méprend sur les sentiments de Frédéric car elle est aveuglée par son amour et veut se raccrocher à son bonheur en tentant d’y croire à tout prix. Les allusions à l’heure fonctionnent comme un compte à rebours : « Enfin, l'aiguille ayant dépassé les vingt-cinq minutes, elle prit son chapeau par les brides, lentement. » La dernière phrase très courte scelle la séparation des personnages de façon brutale : « Et ce fut tout », comme un coup de poignard dans le coeur de Madame Arnoux.

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