Analyse de La Peste d'Albert Camus

Analyse de La Peste d'Albert Camus

Analyse de l'Incipit, De «Le matin du 16 avril» à «nous recommencerons»

Le roman commence comme une chronique (« Le matin du 16 avril », « le lendemain 17 avril à huit heures »). Dès la première phrase, il y a « un rat mort », comme un élément perturbateur (« la pensée lui vint que ce n’était pas sa place »). Le concierge reste dans une attitude de déni, comme lors de la montée du nazisme (« il n’y avait pas de rats dans la maison », pour le concierge, elle constituait un scandale »). Le « gros rat à la figure incertaine et au pelage mouillé », « la bête », est une figure du diable. Le « sang » annonce la mort de la population à venir, comme les paroles prophétiques du « vieil asthmatique » : « Ils sortent […] c’est la faim » avec un jeu de mots : c’est la fin. La femme de Rieux apparaît comme déjà morte sur son lit puis dans le wagon-lit (qui fait penser aux wagons qui se dirigeaient vers les camps de la mort. Elle apparaît à Rieux comme un souvenir alors même qu’elle est encore là avec la personnification du sourire : « Le sourire l’accompagna jusqu’à la porte ». Les détritus sont « laissés au bord du trottoir » comme le seront les corps des trop nombreux morts au plus fort de l’épidémie, on peut donc y voir une prolepse. Les dernières paroles échangées par le couple Rieux (« Nous recommencerons ») laissent deviner qu’ils ne se reverront jamais.

Analyse de La révélation de la peste, 1re partie, 4e section, de « C’était le temps, sans doute... » à « ...Mais il semble bien que ce soit la peste. »

I) L’évocation réaliste de la peste

Les symptômes de la peste sont évoqués de façon très réaliste car Camus s’était longuement documenté sur le sujet avant de commencer la rédaction de son roman. Le narrateur insiste avec force détails sur la fièvre, les bubons, les vomissements, les maux de tête et les ganglions aux aines. Le ton adopté par le narrateur est très neutre, comme le serait celui d’un véritable médecin, pour entretenir l’illusion de l’objectivité. La progression de la narration est calquée sur celle de la maladie. Le narrateur se concentre d’abord sur la description de cas isolés pour rapidement évoquer le nombre croissant de malades. Ainsi glisse-t-on du passé simple à l’imparfait itératif (« déversaient des flots de malades »). On remarque une gradation dans l’évocation de la contagion qui devient une véritable épidémie, à la fois dans la ville d’Oran et dans l’esprit des deux médecins.

 

II) La dramatisation du récit

Le mot « peste » n’est utilisé qu’à la toute fin de la discussion des deux médecins pour désigner la maladie, comme si ce mot leur brûlait les lèvres, d’où la répétition du verbe savoir. Dans la Bible c’est le fait de nommer une chose qui l’appelle à l’existence, ainsi on dirait que les deux médecins ont peur de donner plus de puissance au fléau en l’appelant par son nom : la peste. Cette évocation tardive ménage également un effet de suspens qui grandit au fur et à mesure que l’enquête du docteur Rieux progresse, avec un effet de ralentissement au moment où le nom du fléau va être prononcé. L’annonce du nom « peste » est également dramatisé par la mise en place d’une atmosphère angoissante : « tout poissait aux mains », l’oxymore « éclat terne ».

Analyse de Une interminable défaite, De “Quand je suis entré dans ce métier” à “Une interminable défaite”

I) La lutte entre la vie et la mort, une image de la condition humaine

“Et puis il a fallu voir mourir.”: Cette phrase a un double sens, à la fois la maladie et la guerre au sens métaphorique.

“Savez-vous qu’il y a des gens qui refusent de mourir ? Avez-vous jamais entendu une femme crier : « Jamais ! » au moment de mourir ?” : Les malades luttent contre la maladie même si elle est incurable. 

“J’étais jeune et mon dégoût croyait s’adresser à l’ordre même du monde.” : rejet de l’idée même de la mort parce que c’est contre l’ordre des choses d’être confronté à la mort lorsqu’on est jeune. Pour autant, en vieillissant, l’homme ne se prépare pas davantage à la mort : “Simplement, je ne suis toujours pas habitué à voir mourir.”

“mais puisque l’ordre de monde est réglé par la mort, peut-être vaut-il mieux pour Dieu qu’on ne croie pas en lui et qu’on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers le ciel où il se tait.” : Dans un monde sous le joug d’une épidémie ou d’une tyrannie, l’homme a tendance à douter de l’existence de Dieu et à croire qu’il doit lutter avec ses propres forces.

“Mais vos victoires seront toujours provisoires, voilà tout.” : Au bout du compte, il n’y aura ni gagnant ni perdant, puisque le cycle de la vie passe obligatoirement par la mort : c’est un éternel recommencement, “Une interminable défaite”. Camus nous donne ici une vision très pessimiste de la condition humaine.

 

II) Le docteur Rieux, une figure de résistant

“Quand je suis entré dans ce métier, je l’ai fait abstraitement, en quelque sorte, parce que j’en avais besoin, parce que c’était une situation comme les autres, une de celles que les jeunes gens se proposent.” : Le résistant, au départ, est un homme ordinaire. Il ne se révèle extraordinaire qu’à cause des circonstances : “Et puis il a fallu voir mourir.”  “Moi, oui. Et je me suis aperçu alors que je ne pouvais pas m’y habituer.”

“Savez-vous qu’il y a des gens qui refusent de mourir ? Avez-vous jamais entendu une femme crier : « Jamais ! » au moment de mourir ?” : D’un point de vue moral, on refuse que nos idées humanistes meurent donc on entre en résistance contre l’oppression.

“J’étais jeune et mon dégoût croyait s’adresser à l’ordre même du monde.” : Le jeune homme qu’il était croyait pouvoir sauver le monde, et s’est aperçu ensuite qu’il ne pourrait pas “Depuis, je suis devenu plus modeste.”

“mais puisque l’ordre de monde est réglé par la mort, peut-être vaut-il mieux pour Dieu qu’on ne croie pas en lui et qu’on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers le ciel où il se tait.” : Camus pense que puisqu’on ne peut pas compter sur Dieu pour sauver l’humanité, heureusement qu’il y a des hommes qui s’engagent dans la résistance. 

“Mais vos victoires seront toujours provisoires, voilà tout.” : Le résistant faisant face à plus fort que lui, il ne se bat que pour lutter, même si ses chances de victoire sont minimes, “Ce n’est pas une raison pour cesser de lutter”.

Analyse de Au coeur de l’épidémie, Début de la 3e partie, de « Ainsi, à longueur de semaine,... » à « ...l’appel morne et sans passion de la peste ».

I) Un moment dramatique

La première partie de cet extrait marque une pose dans le récit puisque le narrateur fait ici un bilan des ravages causés par la peste à Oran. La deuxième partie est consacrée à la description objective de l’épidémie qui est ici à son paroxysme.

II) L’évocation du fléau

La peste prend dans ce passage des allures d’apocalypse, c’est-à-dire de révélation au sens biblique du terme. Il faut souligner l’importance du vent qui « s’engouffre dans les rues avec toute sa violence » et symbolise de manière allégorique l’aspect diabolique du fléau que rien ne peut arrêter : «  le vent seul y poussait des plaintes continues ». Cette description du fléau évoque les malédictions de l’Ancien Testament et s’apparente à une fatalité tragique, le fatum des tragédies antiques.

 

II) La fin de l’humanité

L’humanité semble vouée à disparaître : « des promeneurs devenus plus rares », « courbés en avant », « les rues étaient désertes », « ville déserte ». Face à la mort, tous les hommes se retrouvent sur un même pied d’égalité : « leur tour était venu ». Tous les quartiers de la ville sont dévastés, les riches comme les pauvres. Les hommes ont perdu tout lien et toute identité sociale : « pressés de rentrer chez eux », « un mouchoir ou la main sur la bouche », « brouille les cartes ». L’histoire collective prend le pas sur les destins particuliers. L’amour lui-même est vaincu puisque les amants sont séparés.

Analyse du prêche du Père Paneloux, De «Paneloux tendit ici ses deux bras courts dans la direction du parvis» à «mais aussi un verbe qui apaise»

I- La peste

A- L’ange du mal

- Pronom personnel « elle » → il désigne la peste comme si c’était un personnage à part entière.

- Allégorie « elle entre chez vous » ; « s’assis dans votre chambre » → c’est une allégorie du mal qui se présente sous forme de créature monstrueuse, sanguinaire et impitoyable. Elle est partout est peut tuer n’importe qui à n’importe quel moment.

- Complément circonstanciel de manière « au hasard » → la peste frappe tout le monde même les non prêcheurs. Elle est injuste.

 

B- Une punition divine

- Connecteur logique « c’est pourquoi » → c’est la marque de foi des hommes. Leur indifférence envers Dieu et le manque de piété (dévotion, ferveur) est la cause de la peste.

- Hyperbole oxymorique « dévorante tendresse » + personnification → présente Dieu comme très puissant. Une puissance qui est aussi à craindre.

- Métaphore du chemin « montre la voie » ; « chemin crépusculaire » ; « cheminement nous guide »

→ La peste est à la fois un châtiment divin pour punir l’homme de son manque de foi mais aussi une forme révélatrice de la véritable nature de l’homme.

 

II- Un discours argumentatif

A- La critique violente des pêcheurs

- Accumulation « comme l’ont […] maudit » → référence à des personnages bibliques qui sont meurtriers et pêcheurs. Ce sont des exemples qui font autorité pour être incontestable. Volonté de convaincre l’auditoire.

- Référence historique « Chrétiens d’Abyssinie » → il prend exemple sur des faits réels afin de mieux convaincre son auditoire que l’histoire se répète.

- Champ lexical du langage corporel + intonation « corps agité » ; « avec force » ; « ton accusateur » ; « tremblement » + impératif → cela montre la violence des propos du père Paneloux qui frôle le fanatisme.

 

B- La volonté d’apaiser les consciences

- Champ lexical de la miséricorde → Paneloux se veut rassurant, il affirme que les chrétiens seront récompensés, que ce n’est pas seulement une punition.

- Répétition « vous » → il s’adresse directement aux fidèles.

- Oxymore bien/mal + châtie/apaise → l’opposition souligne la possibilité d’espérer car le mal contient toujours une part de rédemption il essaie de les apaiser.

- Marqueur d’opposition « mais » → souligne la volonté du prêtre de relancer l’espoir.

Analyse de La mort de l’innocent, 4e partie, 3e section, de « Le docteur serrait avec force la barre du lit... » à « Ah ! celui-là, au moins, était innocent, vous le savez bien !».

I) L’horreur de la scène

La mort de l’enfant est mise en scène de façon dramatique et pathétique. Les personnages principaux entourent le lit du petit mourant. L’enfant mène un combat désespéré contre la mort, marqué par trois temps forts : « qui se raidit brusquement […] se détendit peu à peu », « se pliait à nouveau […] se détendit un peu », «  l’atteignit à nouveau pour la troisième fois […] une pose de crucifié ». La gradation souligne la souffrance du petit corps qui lutte davantage que les adultes et qui du coup souffre plus longtemps. L’enfant perd progressivement ses forces et semble même rapetisser. Réduit au stade de squelette (« carcasse », « jambes osseuses »), l’enfant garde « des restes de larmes sur son visage ». Cette agonie est un véritable supplice, à la fois pour le petit malade, pour les personnages qui sont à son chevet (Rieux « serrait avec force la barre du lit »), et pour le lecteur. Le suspens accentue l’horreur de la mort qui est évoquée plusieurs fois pendant l’agonie de l’enfant : « avaient déjà vu mourir des enfants », « le repos ressemblait déjà à la mort ».

 

II) La lutte du bien contre le mal

L’enfant semble à la fois dévoré de l’intérieur (« mordu à l’estomac ») et plongé au coeur d’un cataclysme, comme l’Europe dévastée par la guerre dans les années quarante. La métaphore filée de la tempête (« vent furieux », « souffles répétés », « bourrasque », « l’abandonner [...] sur une grève humide et empoisonnée ») laisse bientôt la place à une métaphore de l’incendie (« flot brûlant », « épouvante de la flamme », « le brûlait », « paupières enflammées », « fondu »). 

 

III) L’enfant, une figure du Christ

L’enfant vit une véritable passion christique dans ce passage qui décrit « l’agonie d’un innocent ». On le voit d’abord à ses attitudes (« écartant lentement les bras et les jambes »), mais aussi à sa nudité et à sa maigreur (« jambes osseuses »). Il n’est jamais désigné par son nom car il incarne l’innocence : Rieux dit à Paneloux : « Ah ! celui-là, au moins, était innocent, vous le savez bien ! » Le mot « scandale », qui apparaît plusieurs fois dans ce passage, doit être compris dans son acception métaphysique : « une pose de crucifié grotesque ».

Analyse de L’état de siège, De « On pouvait cependant avoir d’autres sujets d’inquiétude par suite des difficultés du ravitaillement » à « les murs de ciment séparaient deux univers plus étrangers l’un à l’autre que s’ils avaient été dans des planètes différentes. »

I. Une ville assiégée

1. Le marché noir

“On pouvait cependant avoir d’autres sujets d’inquiétude par suite des difficultés du ravitaillement qui croissaient avec le temps. La spéculation s’en était mêlée et on offrait à des prix fabuleux des denrées de première nécessité qui manquaient sur le marché ordinaire. Les familles pauvres se trouvaient ainsi dans une situation très pénible, tandis que les familles riches ne manquaient à peu près de rien”: De par la difficulté du ravitaillement, il y a beaucoup de marché noir, ce qui favorise les riches car ceux-ci ont les moyens de s’acheter les denrées vendues très chères et donc, inaccessibles pour les pauvres.

“Les pauvres qui souffraient ainsi de la faim, pensaient, avec plus de nostalgie encore, aux villes et aux campagnes voisines, où la vie était libre et où le pain n’était pas cher.” : La ville d’Oran se retrouve en état de siège, complètement isolée,  et manque donc de vivres.

 

2. Le contrôle de l’information

“Les journaux, naturellement, obéissaient à la consigne d’optimisme à tout prix qu’ils avaient reçue. A les lire, ce qui caractérisait la situation, c’était « l’exemple émouvant de calme et de sang-froid » que donnait la population”: Les journaux sont encouragés à faire de la propagande, quitte à relayer de fausses informations.

“« Du pain ou de l’air. » Cette formule ironique donnait le signal de certaines manifestations vite réprimées”: Toute liberté d’expression a été supprimée, ce qui est caractéristique des régimes totalitaires.

 

II. Une métaphore de l’occupation nazie pendant la Seconde Guerre Mondiale

1. La ségrégation

“Les pauvres qui souffraient ainsi de la faim, pensaient, avec plus de nostalgie encore, aux villes et aux campagnes voisines, où la vie était libre et où le pain n’était pas cher.” : Les pauvres se retrouvent en difficulté, contrairement aux riches, la population est donc séparée en deux catégories de personnes.

“Puisqu’on ne pouvait les nourrir suffisamment, ils avaient le sentiment, d’ailleurs peu raisonnable, qu’on aurait dû leur permettre de partir”: Ils essayent de s’enfuir pour échapper à ces conditions de vie. 

“Si bien qu’un mot d’ordre avait fini par courir qu’on lisait, parfois sur les murs, ou qui était crié, d’autres fois, sur le passage du préfet : « Du pain ou de l’air. » Cette formule ironique donnait le signal de certaines manifestations vite réprimées, mais dont le caractère de gravité n’échappait à personne”: Le narrateur décrit l’organisation de la résistance, avec des messages d’espoir et de rébellion diffusés clandestinement.

“Ils savaient ainsi que la vie dont ils étaient exclus continuait à quelques mètres d’eux” : Ils sont conscients qu’il sont victimes d’une ségrégation et que d’autres personnes sont libres pendant qu’eux sont enfermés. 

 

2. Les camps de concentration

“Tarrou rapporte, en effet, dans ses carnets, le récit d’une visite qu’il fit avec Rambert au camp installé sur le stade municipal.” : Le narrateur fait référence ici au camp de quarantaine qui représente les camps de concentration de la seconde guerre mondiale.

“Le stade est situé presque aux portes de la ville, et donne d’un côté sur la rue où passent les tramways”: Les tramways qui transportent les cadavres de pestiférés jusqu’aux fours crématoires ne manquent pas d’évoquer les convois de déportés vers les camps de la mort nazis.

“Il est entouré ordinairement de hauts murs de ciment et il avait suffi de placer des sentinelles aux quatre portes d’entrée pour rendre l’évasion difficile. De même, les murs empêchaient les gens de l’extérieur d’importuner de leur curiosité les malheureux qui étaient placés en quarantaine. En revanche, ceux-ci, à longueur de journée, entendaient, sans les voir, les tramways qui passaient, et devinaient, à la rumeur plus grande que ces derniers traînaient avec eux, les heures de rentrée et de sortie des bureaux. Ils savaient ainsi que la vie dont ils étaient exclus continuait à quelques mètres d’eux, et que les murs de ciment séparaient deux univers plus étrangers l’un à l’autre que s’ils avaient été dans des planètes différentes. 

“les murs de ciment séparaient deux univers plus étrangers l’un à l’autre que s’ils avaient été dans des planètes différentes.” : Cette phrase est une double métaphore, à la fois des camps de la mort et de la France occupée, “coupée en deux”.

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I. Une ville en état de guerre

Le narrateur montre les difficultés de ravitaillement en faisant une opposition entre les familles pauvres et les familles riches.  Pendant l’opposition il y a de la spéculation ; on remarque l’hyperbole “prix fabuleux” et l’antithèse avec “le marché ordinaire”. Le narrateur donne aussi une impression que la situation est interminable et insoluble car il utilise de manière importante l’imparfait pour montrer des actions longues. Il montre aussi l’individualisme exacerbé et il le rend ordinaire : “jeu normal des égoïsmes”.

Le narrateur dénonce la censure des journaux : “consignes d’optimisme à tout prix” pour mettre en lien la peste avec une guerre. Il explique la propagande sous forme d’ironie : “exemple émouvant de calme et de sang-froid” car il montre l’émotion qui est absente dans la description et souligne aussi qu’il y a plus de résignation que de calme. Il explique également que la peste crée une perte des repères normaux : “le sentiment, d’ailleurs peu raisonnable”. 

Le narrateur prend étonnamment de la distance en parlant de lui à la troisième personne : “Il se trouve que le narrateur, appelé ailleurs, ne les a pas connus. Et c’est pourquoi il ne peut citer ici que le témoignage de Tarrou”. En prenant de la distance, le narrateur utilise une stratégie littéraire qui consiste à s’appuyer sur un témoignage d’un personnage de l’histoire pour rendre les faits évoqués plus vraisemblables. Il utilise de l’ironie pour montrer sa prise de position et il utilise aussi des modalisateurs d’opinion : “naturellement”, “ A les lire”, “n’échappait à personne”, “on pouvait avoir”, “d'ailleurs peu raisonnable”, ...

 

II. Une métaphore de l’occupation nazie pendant la Seconde Guerre Mondiale

Le narrateur montre la disparition de l’égalité, excepté devant la mort, en répétant “égalité” dans le premier paragraphe. Il fait aussi une antithèse entre “l’impartialité efficace” et “le jeu normal des égoïsmes” ce qui crée de l’ambiguïté de la maladie qui a comme conséquence le contraire de ce à quoi on pourrait s’attendre. Albert Camus montre la répression de toute révolte : “Du pain ou de l’air” pour étouffer de toute contestation, vite réprimées.  

Le narrateur représente l’enfermement dû à la peste en utilisant le champ lexical de la prison : “sentinelle”, “haut murs de ciment”, “quarantaine”, “exclus”, “portes d’entrée”, “évasion difficile”, “renfermée sur elle-même”. Il évoque aussi des rumeurs comme celles pendant la guerre à propos des camps de concentration : “camps d’isolement”. En faisant référence au rumeurs de la guerre, il montre ce que les prisonniers entendent les bruits venant de l’extérieur mais il montre aussi le fait que personne ne les écoute. Quand le narrateur parle de la ville en quarantaine, il utilise une métaphore pour parler du peuple juif qui était persécuté par le régime nazi. En effet, les juifs étaient coupés des réalités du monde extérieur et des informations objectives. Ils étaient victimes de la propagande, de la terreur et de l’injustice.

La discussion sur la peine de mort, 4e partie, 6e section, de « Je n’ai pourtant gardé de cette journée... » à « ...le plus abject des assassinats. »

I) Le récit du souvenir 

 

Dans le premier paragraphe Tarrou raconte comment à l’âge de dix-sept ans il a été fasciné par un condamné à mort au cours d’un procès auquel son père l’avait convié. Le deuxième paragraphe est focalisé sur les émotions éprouvées par Tarrou adolescent. Le dernier paragraphe est centré sur le père de Tarrou, magistrat (« robe rouge »). Le souvenir de cette journée a amené Tarrou à se révolter à la fois contre son père et contre la peine de mort, il s’agit donc d’une expérience décisive qui a changé le cours de sa vie (« à partir de ce jour » est répété deux fois). C’est le point de départ de l’engagement de Tarrou contre « tout ce qui, de près ou de loin, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, fait mourir ou justifie qu’on fasse mourir » et qu’il appelle métaphoriquement « la peste ».

 

II) Un discours rhétorique

 

Le récit de Tarrou prend la forme d’un long discours destiné à convaincre Rieux (et le lecteur) de l’aberration de la peine de mort. L’accusé est présenté comme une victime fragile inspirant la pitié (« ce malheureux »), un animal traqué (« hibou effarouché »). A l’inverse, le père de Tarrou est présenté comme un homme insensible (« ni bonhomme ni affectueux ») dont les paroles sèment la mort : « sa bouche grouillait de phrases […] comme des serpents ». On ne sait pas quel crime a commis l’accusé « effrayé par ce qu’il avait fait et ce qu’on allait lui faire ». La condamnation à mort apparaît donc pire que le crime commis.

 

III) Un réquisitoire contre la peine de mort

 

Tarrou cherche à démontrer qu’une condamnation à mort est un crime qui ne peut en aucun cas être considéré comme juste. Pour lui les magistrats sont des monstres qui ne se rendent pas compte de l’horreur de la sentence prononcée sous forme d’euphémisme : « Cette tête doit tomber ». Tarrou apparaît clairement dans ce passage comme le porte-parole de Camus qui développera ses idées dans ses Réflexions sur la guillotine (1957).

Analyse du bain de mer, De « Elle sifflait doucement au pied des grands blocs de la jetée » à «  et qu’il fallait maintenant recommencer »

I) Le bonheur dans la nature

a) Une nature refuge

Personnification « les eaux se gonflaient et redescendaient lentement » → elle apparait comme un élément protecteur, apaisant, elle présente la mer comme un mère.

Répétition de « tiède » → montre une chaleur douce.

Adverbe « doucement » ; « régulièrement » ; « longuement » → ils sont dans un environnement très apaisant.

 

b) L’harmonie avec la nature

Champ lexical de la nature → il est très riche, nature apaisante. Cela montre le cadre évasif où se trouvent les personnages.

Comparaison « épaisse comme du velours » ; « souple et lisse comme une bête» → la mer représente le rythme de la vie.

Champ lexical du rythme → la cadence des vagues est en communication avec les hommes.

 

II) Le bonheur dans l’amitié

a) Une entente silencieuse

COD « Ils avaient le même cœur » → ils ne forment plus qu’un, ils éprouvent les mêmes sentiments au même moment, ils sont en fusion.

Complément circonstanciel de moyen, répétition « sans avoir », sans rien dire » → montre que les hommes sont en harmonie, ils se comprennent naturellement. 

L’usage des virgules qui encadre « il devina » → souligne leur symbiose.

 

b) Deux personnages similaires

Répétition de « ami » → le lien est fort entre les deux hommes.

Pronoms personnels pluriels « ils précipitèrent » ; « ils rentrèrent » ; « ils s’aperçurent » → ils sont tous les deux les sujets de l’action, ils font tout concomitamment.

Répétition de « même » : « même rythme » ; « même cadence » →la complicité qui lie les deux hommes va au-delà des mots. 

Conclusion : Ce passage est positif et malgré les morts et la séparation définitive, il annonce une fin pleine d’avenir et de bonheur.

Ouverture : mort de Tarou, cette parenthèse de bonheur étaient indispensable puisque Tarou  donnera sa vie pour la peste, il aura connu ce bonheur là avant de mourir, Rieux, le narrateur, se retrouvera seul sans sa femme ni son ami.

Analyse de L’excipit, 5e partie, dernière section, de « Du port obscur montèrent les premières fusées... » à « ...et les enverrait mourir dans une cité heureuse ».

I) Une méditation poétique

Le personnage de Rieux est ici présenté comme un sage. Il se tient à l’écart de la foule qu’il surplombe depuis la terrasse du vieil asthmatique, ce qui le situe au-dessus des gens ordinaires. Il ne participe pas aux festivités parce qu’il sait que la paix n’est que provisoire puisque la peste demeure tapie dans l’ombre, capable de faire surface après des dizaines d’années de sommeil.

Ce passage s’apparente à de la prose poétique, ce qui place Rieux dans son rôle d’écrivain puisqu’il endosse enfin ouvertement le rôle de narrateur de ce récit. Les phrases sont longues et le rythme très travaillé.

 

II) Une morale humaniste

Dans ce passage, le docteur Rieux revient sur l’expérience qu’il vient de vivre, ce qui le porte à méditer sur la condition humaine et la lutte éternelle entre le bien et le mal. Rieux n’a pas foi en Dieu mais il a foi en l’Homme et son récit a clairement une visée morale. Pour lui, l’important est de résister face à l’adversité et de rester du côté du bien coûte que coûte, ce dont il juge l’Homme capable.

 

III) La dimension mythique de la peste

La peste est dans ce récit un symbole du mal en général, qu’il s’agisse de maladie, d’idéologie fasciste, ou de guerre. Cet excipit retrace clairement les jours de liesse qui ont suivi la libération de la France en 1945. Tout le roman doit donc se lire comme « la lutte de la résistance européenne contre le nazisme » (Camus). 

La dernière phrase du roman plane comme une prophétie inquiétante puisque le bacille de la peste est présenté comme un démon prêt à ressurgir des entrailles de la terre au moment où on l’aura tout à fait oublié, la lutte entre le bien et le mal n’étant jamais terminée.

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