Analyse de "Las où est maintenant ce mépris de fortune ?" de Du Bellay
I) Un poème élégiaque
“Las, où est maintenant ce mépris de Fortune ?”: “Las” est isolé à gauche pour être mis en valeur. C’est un poème élégiaque où le poète regrette le temps où il se sentait invincible car son inspiration était ininterrompue : “Où est ce cœur vainqueur de toute adversité ?” Les deux questions rhétoriques font de ce quatrain un monologue délibératif dans lequel le poète essaye de comprendre pourquoi il a perdu son inspiration.
Les rimes embrassées symbolisent le désir du poète d’être réconforté et de se réconcilier avec sa muse au sens mythologique du terme.
“Où sont ces doux plaisirs qu'au soir sous la nuit brune
Les Muses me donnaient, alors qu'en liberté
Dessus le vert tapis d'un rivage écarté
Je les menais danser aux rayons de la Lune ?”: Le double enjambement mime la rapidité de la danse. L’allitération en [r] souligne les regrets du poète qui se sent comme un amoureux délaissé par sa muse.
Dans les quatrains, le poète regrette son bonheur passé et dans les tercets il déplore son triste présent.
“Maintenant la Fortune est maîtresse de moi,
Et mon cœur, qui soulait être maître de soi,
Est serf de mille maux et regrets qui m'ennuient.”: Le poète doit se rendre à l’évidence qu’il n’est plus maître de son destin car il n’est maître de son inspiration et qu’en tant que poète il n’existe que lorsqu’il écrit des vers. C’est la raison pour laquelle il sombre dans une profonde dépression (“l’ennui”). Il est devenu l’esclave (le “serf”) de ses regrets car il s’embourbe dans des émotions négatives qui le coupent de plus en plus de son inspiration (“Et les Muses de moi, comme étranges, s'enfuient.”), car ici “étranges” signifie étrangères, comme si les Muses l’avaient oublié et qu’elles ne le connaissaient plus.
II) La conception de la poésie
“Cet honnête désir de l'immortalité,
Et cette honnête flamme au peuple non commune ?” : Le thème de la poésie éternelle qui fait accéder le poète à l’immortalité est commun à tous les poètes de la Pléiade. Le poète dévoile ici son orgueil puisqu’il se sent supérieur au commun des mortels mais avec la répétition de l’adjectif “honnête” il insiste sur la légitimité de sa volonté d’exceller en poésie.
“Où sont ces doux plaisirs qu'au soir sous la nuit brune
Les Muses me donnaient, alors qu'en liberté
Dessus le vert tapis d'un rivage écarté
Je les menais danser aux rayons de la Lune ?”: On voit que Du Bellay a une grande admiration pour l’Antiquité car c’est un poète de la Pléiade. Les thèmes antiques présents dans ce quatrain sont la danse, les Muses et la Lune (personnifiée avec une majuscule), donc ce poème se présente comme païen.
“De la postérité je n'ai plus de souci,” : Ce vers nous montre que les poètes de la Pléiade se soucient beaucoup de leur postérité puisqu’ils veulent absolument rester dans les mémoires car c’est un moyen d’accéder à l’immortalité.
“Cette divine ardeur, je ne l'ai plus aussi,”: D’habitude, le poète travaillait dur avec l’aide des muses qui lui donnaient son inspiration. Mais la perte de cette dernière a entraîné une
démotivation qui l’écarte de son oeuvre.
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