Montesquieu, Les lettres persanes, analyse de la lettre 161

Montesquieu, Les lettres persanes, analyse de la lettre 161

Lecture analytique

Montesquieu est un penseur politique, précurseur de la sociologie, philosophe et écrivain français des Lumières du 18ème siècle. Il publie son roman épistolaire Les Lettres Persanes en 1721. Dans cette oeuvre Montesquieu présente le regard que porte un persan sur la France, les français et les européens en général. Comment dans la dernière lettre du roman, Montesquieu présente-t-il le personnage de Roxane comme une héroïne tragique pour mieux souligner le renversement de point de vue sur le personnage d’Usbek ? Nous allons diviser le texte en trois mouvements.

 

Le premier mouvement commence par ‘’oui je t’ai trompé’’ et se termine avec ‘’le plus beau sang du monde’’. Le personnage de Roxane commence sa lettre avec un aveu, lequel commence par une affirmation ‘’Oui, je t'ai trompé’’. Cela révèle de la détermination de la part du personnage, cette révélation montre que Roxanne vient de franchir le point de non-retour, l’idée d’un destin inévitable est un élément principal de la tragédie. Après on trouve une antithèse “j'ai su de ton affreux sérail faire un lieu de délices et de plaisirs’’, le sérail qui normalement est un lieu de plaisir pour l’homme et non de la femme devient un lieu de plaisir pour les femmes. On peut donc constater un renversement de la situation. Le premier paragraphe a un rythme rapide formé par une gradation : “je t'ai trompé ; j'ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta jalousie’’. Le rythme donc s’amplifie pour montrer la frénésie et la satisfaction créé par l’aveu : “faire un lieu de délices et de plaisirs’’. De plus la répétition du pronom “je’’ montre que c’est Roxane qui prend finalement le contrôle, elle assume la responsabilité de ses crimes planifiés par elle seule. La question rhétorique au deuxième paragraphe “le seul homme qui me retenait à la vie n’est plus’’ est une révélation qu’Usbek ne connaissait pas Roxanne. Le renversement de situation devient plus intense puisque le héros principal, Usbek, était présenté comme quelqu’un d’intelligent qui était le maître de son sérail qui connaissait tout ce qui s’y passait, les révélations de Roxanne renversent ce qui était finalement juste une illusion.  L’allitération en [m] “Je meurs mais mon ombre’’ évoque de la peine, le son [m] évoque le baiser. Roxanne choisit d’embrasser la mort car elle ne pourra plus jamais embrasser l’homme qu’elle aimait réellement. La phrase “s’envole bien accompagnée’’ montre qu’elle n’est pas la perdante dans cette situation malgré son suicide puisqu’elle provoque des dégâts supplémentaires à Usbek. Aussi la litote “je viens d’envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges’’ est un élément important de la tragédie qui sert à respecter la règle de bienséance tout en avouant le meurtre des eunuques. Enfin “le plus beau sang du monde’’ est une périphrase utilisée pour évoquer son amant, cette figure de style insiste sur la puissance de son amour pour lui.

 

Le deuxième mouvement commence avec “Comment as-tu pensé’’ et se termine par “dans l’indépendance’’. Ce paragraphe sert de conclusion au roman, à la fin comme on peut le voir au premier mouvement il y a un renversement de la situation. Montesquieu passe de la critique de la société française à la critique de la société persane et à la place accordée aux femmes dans celle-ci pour montrer qu’il a vraiment un regard extérieur puisqu’ il montre ainsi qu’aucune société n’est parfaite Montesquieu choisit Roxane comme son porte-parole, celle qui va porter son message final. On peut le voir par son discours qui est inspiré par le mouvement des Lumières puisque les idées de la liberté et de l’indépendance son évoquées “je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices’’, “j'ai toujours été libre : j'ai réformé tes lois sur celles de la nature ; et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance’’. Le fait que Roxanne prend la parole dans la dernière lettre et s’exprime librement est une critique de l’inégalité des sexes dans la société persane. De cette manière Montesquieu montre que les femmes sont parfaitement capables d’être indépendantes et que cette idée de la société persane et fausse.

 

Le troisième mouvement commence à “Tu devrais me rendre grâces’’ et se termine par “je me meurs.’’ Ici Roxanne est présentée comme une héroïne de tragédie. Les éléments qui évoquent ce fait sont la situation tragique de sa soumission à Usbek et le champ lexical de la tragédie ‘’sacrifice, abaissé, fidèle, douleurs’’. De plus la répétition du mot “cœur” montre qu’elle a une motivation noble. Le fait de cacher son amour pour son amant est ce qui la déshonore d’après elle. Elle révèle que sa vertu était en réalité de la soumission. Cela est une critique de la société persane et de ses valeurs et ce que les Persans considèrent comme vertu. La phrase “tu me croyais trompée, et je te trompais” montre le renversement de la situation, Usbek qui pensait dominer la situation est en réalité berné, ce qui remet en cause la supériorité de l’homme sur la femme revendiquée par les Persans. Avec la phrase “Ce langage, sans doute te paraît nouveau’’ Usbek se trouve choqué par l’opposition directe qu’il reçoit de sa femme pour la première fois, mais c’est aussi la société qui est ouvertement critiquée pour la première fois dans le livre. Roxane prive aussi Usbek de la possibilité de se venger et elle se positionne en héroïne tragique par opposition à lui puisqu’il n’y a rien de courageux ni d’admirable dans son comportement de tyran “Serait-il possible (..) mon courage ?’’. Enfin elle se suicide “Je me meurs’’ par le poison qui est un élément tragique comme dans Phèdre de Racine. Roxane dit “je sens affaiblir jusqu’à ma haine” montrant qu’elle est motivée par une passion : la haine envers Usbek, le seul moyen d’apaiser sa haine est la mort.

 

Pour conclure on peut voir que Roxane est une héroïne tragique motivée par deux passions : l’amour pour son amant, la haine envers Usbek. Sa position sert à renverser le statu quo qui a duré durant toute l’œuvre en montrant que c’est elle qui manipulait Usbek pour se venger et critiquer la société persane. 

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