Commentaire sur la fable de La Fontaine Les femmes et le secret

Commentaire sur la fable de La Fontaine Les femmes et le secret

I) La mise en scène théâtrale dans la fable

 Le mari est rusé, son piège est efficace et bien mené grâce à la finesse de son argumentation et à la mise en scène. De plus, c’est une parodie de tragédie car la femme est prise au piège. Parodie de farce car la femme est ridiculisée, l’histoire inventée est rocambolesque, le mari est fourbe et violent. La Fontaine montre la cruauté du mari, la crainte vient du fait qu’elle a déjà dû se faire battre : “car vous me feriez battre”. La Fontaine fait des octosyllabes pour montrer la rapidité de l’action accentuée par l’enjambement, enchaînement des actions avec le changement de jour. Tout va très vite dans la divulgation du secret : “Mais ce serment s’évanouit Avec les ombres de la nuit.”  Le terme qu’emploie la femme pour désigner son histoire est péjoratif. En effet, “le cas” nous donne la sensation que le personnage de l’histoire est inconnu or il s’agit de son mari : “Ma commère, dit-elle, un cas est arrivé ” On remarque la théâtralité de la scène, on passe de la tragédie à l’histoire rocambolesque qui nous fait penser à une farce : “Mon mari vient de pondre un œuf gros comme quatre.” On remarque aussi une supplication tragique envers sa confidente qui est renforcée par l’enjambement qui montre son empressement : “Au nom de Dieu gardez-vous bien D’aller publier ce mystère.” La Fontaine créer une parodie de tragédie où l’on trouve souvent le verbe brûler de : “L’autre grille déjà de conter la nouvelle”.

 

 II) Le portrait des femmes dans la fable

 La Fontaine explique que les femmes ne sont pas capables de tenir un secret dans la durée. Le terme “pèse” renvoie au poids du secret qu’elle n’arrive pas à tenir et qu’elle finit par lâcher à une tierce personne ce qui va donc briser le secret et donne une image faible de la femme : “Rien ne pèse tant qu’un secret Le porter loin est difficile aux Dames” Même quand l’homme est en tord il ramène le défaut à la femme. En effet il caractérise de femmes les hommes qui ne tiennent pas leur langue, de ce fait ne pas tenir un secret devient une particularité de la femme selon La Fontaine. Cela montre alors la misogynie de La Fontaine qui est récurrente dans ses fables : “Et je sais même sur ce fait Bon nombre d’hommes qui sont femmes.” La femme est naïve de croire le mari tellement l’histoire est impensable à cause de son côté contre nature. La Fontaine montre la naïveté de la femme dans la répétition du piège tendu par le mari, il a beau la piéger à chaque fois elle tombera toujours dans le piège : “La femme neuve sur ce cas, Ainsi que sur mainte autre affaire,”Elle ne tient pas en place, n’a qu’une seule envie c’est de le divulguer et d’en faire profiter ses amis. De plus, le fait qu’elle n’attende même pas le jour montre qu’elle a attendu toute la nuit pour le dire en lien avec vers précédent, cela traduit alors de son impatience et de son incapacité à tenir un secret :  “L’épouse indiscrète et peu fine, Sort du lit quand le jour fut à peine levé” La Fontaine utilise un verbe à la tournure infinitive précipite encore plus l’action : “Et de courir chez sa voisine.” Elle emploie un terme affectif, les deux personnages sont complices. Elles doivent surement se faire des confidences :  “Ma commère”. Une fois l’histoire racontée, elle regrette et appréhende les conséquences liées à cette révélation. Cette crainte est mise en exergue par la césure à l’hémistiche qui met en valeur le surtout : “N’en dites rien surtout,” La femme transforme les propos de son mari dès son premier récit avec une exagération : “Mon mari vient de pondre un œuf gros comme quatre.” La Fontaine montre la cruauté de l’amie envers la femme, elle lui ment en sachant qu’elle ne tiendra jamais le secret. De plus, elle atténue son mensonge en finissant par la rassurer cela montre toute l’ironie de ses propos : “– Vous moquez-vous ? dit l’autre : Ah ! vous ne savez guère Quelle je suis. Allez, ne craignez rien.” Son amie ne tient plus en place, elle boue intérieurement, elle n’attend qu’une chose le raconter. C’est un sentiment qui est plus fort qu’elle : “L’autre grille déjà de conter la nouvelle :” De plus, son amie en rajoute, il y a une surenchère continuelle de l’histoire de l’oeuf. C’est une manière pour le personnage qui colporte la rumeur de se distinguer et d’être plus intéressant qu’un ou une autre : “Elle va la répandre en plus de dix endroits. Au lieu d’un œuf elle en dit trois.” Il remet en question la confiance, le secret ne peut exister si la confiance n’est pas là :  “Précaution peu nécessaire, Car ce n’était plus un secret.”

 

    III) La fable est un jeu

Le mari met sa femme à l’épreuve en sachant que le bavardage est son point faible. De plus on apprend plus loin dans le texte que le mari bat sa femme : “Pour éprouver la sienne un mari s’écria”. Il se livre donc à un jeu pervers car on a le sentiment que ce jeu a pour but de battre sa femme. Cependant le jeu du mari a aussi une visée morale ce qui atténue son côté fourbe sachant que c’est un personnage fictif : “N’en dites rien surtout, car vous me feriez battre.”A travers cette histoire, on perçoit un comique de situation. En effet La Fontaine se joue de ses personnages, ce sont ses marionnettes. Le simulacre d’accouchement du mari est grotesque. Pour commencer un homme ne peut accoucher. De plus, lorsque le mari fait semblant de souffrir le martyre, il se moque de sa femme. En effet se moquer de la douleur subie par la femme lors de l’accouchement en la parodiant avec un oeuf est misogyne. Pour finir l’histoire est insolite.  Il faut noter la cruauté du mari qui a l’air de se jouer régulièrement de la femme, on la remarque grâce à l’emploi de “mainte”. La place de ces deux vers dans la fable est importante, en effet si La Fontaine les avait placés à un autre endroit dans le texte l’interprétation aurait été différente. On peut donc se demander si le mari n’est pas le seul à jouer des tours à la femme : “La femme neuve sur ce cas, Ainsi que sur mainte autre affaire,”. Tout d’abord dans cette fable, l’alexandrin n’est pas choisi au hasard, en effet c’est le vers propre à la tragédie. Cependant ici, La Fontaine l’utilise de manière parodique. En effet cela donne de l’importance et dramatise son histoire sur le pondeur. De plus, l’alexandrin est toujours suivi d’un octosyllabe dans la fable. Ce changement brutal de rythme nous donne la sensation d’une chute précipitée ce qui donne du rythme dans la fable et l’histoire qui est racontée. De plus les rimes employés ont une signification particulière. En premier lieu, il utilise des rimes croisées, cela noue l’intrigue de l’histoire, entremêle les récits. De plus cela crée de la tension dans l’histoire. Cette tension crée un effet d’attente, ce rythme intrigue le lecteur. En deuxième lieu, des rimes plates sont utilisées après les rimes croisées. Ces rimes ont pour but de ralentir le rythme, elles donnent une sensation de fluidité. Elles permettent de faire avancer l’histoire. Pour finir il y a les rimes embrassées, leur disposition ABBA nous donne un sentiment de sérénité. En effet on a l’impression d’être entouré ce qui crée une sensation de confort. Il change constamment l'appellation de son histoire, La Fontaine joue avec les mots pour donner de l’importance à l’histoire : “ce mystère.” De plus, La Fontaine se joue de ses personnages, il les ridiculise. On aurait envie de remplacer pondeur par farceur : “La femme du pondeur s’en retourne chez elle.” La Fontaine joue avec les chiffres, il en donne encore plus pour accentuer de plus en plus le ridicule de l’histoire : “Elle va la répandre en plus de dix endroits. Au lieu d’un œuf elle en dit trois.” De plus, il se moque des personnes qui donnent de l’importance au secret en critiquant leurs actions grotesques :  “et raconte à l’oreille le fait, Précaution peu nécessaire, Car ce n’était plus un secret.” Il ne fait qu’augmenter le nombre et montre que cela ne s’arrête jamais car il aurait pu continuer encore longtemps : “Comme le nombre d’œufs, grâce à la renommée, De bouche en bouche allait croissant, Avant la fin de la journée Ils se montaient à plus d’un cent.”

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