Commentaire composé sur la fable de La Fontaine Les animaux malades de la peste
1. Une fable qui rappelle les récits mythologiques et la tragédie grecque
Mythe d’Oedipe : la maladie est une fatalité liée aux péchés et aux fautes: celles de Louis XIV et de ses courtisans. La peste est présente car c’est une création divine pour punir les hommes. V1 2 3.
Achéron v5 : fleuve de l’enfer Grec : il l’utilise pour décrire le nombre de morts causés par la peste.
Les animaux font la guerre à la peste v6: ils luttent contre le destin : aspect de la tragédie Grecque. Animaux luttent contre les Dieux.
Tous les animaux sont frappés par le destin mais tous ne meurent pas v7. Tous les français souffrent de la mauvaise gestion de Louis XIV.
Les animaux ont accepté le destin : ils sont prêts à mourir : On n’en voyait point d’occupés A chercher le soutien d’une mourante vie. Ils n’ont plus goût à la vie v8-14 : Nul mets n’excitait leur envie. Sans envie tout le cercle naturel est déréglé : les prédateurs ne chassent plus … Tous ont abandonné la vie, conscients du destin présent sur leurs épaules.
Le Lion : Louis XIV revient sur cette idée de châtiment divin : la Peste.
Idée du bouc-émissaire, il faut qu’un coupable soit trouvé et se sacrifie pour le bien de toute la communauté. Les animaux, voulant trouver un coupable, se sont rués sur le plus honnête et bon d’entre eux : l’Ane. Ce dernier a une attitude chrétienne : il avoue tous ses péchés de manière objective. L’Ane devient donc le bouc-émissaire. L’Ane, en bon chrétien accepte la sentence et ne se défend pas, persuadé qu’il est le plus coupable.
Le rythme des phrases du Lion est lent : il n’a pas peur et tout le monde se tait pour l’écouter. En revanche, lors de l’accusation de l’Ane, les phrases sont beaucoup plus rapides : nombreux enjambements v56 57 58: tous les animaux se jettent sur lui.
L’alternance récit / discours renforce la théâtralité de la fable. Les tirets introduisent les paroles des animaux. Accentue encore l’aspect tragique de la fable qui se rapproche d’une tragédie grecque.
2. La critique de la justice et du pouvoir
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom) v 4: ironie : la peste est Louis XIV mais il ne veut pas le nommer de peur de la censure.
Lion : symbole du pouvoir : roi des animaux, v15 c’est lui qui réunit le conseil et entame la discussion. “Mes chers amis,” v15 hypocrisie : fait comme si tous les animaux étaient au même rang. En réalité, il est largement supérieur à tous ses sujets : la loi du plus fort. Le Lion demande ensuite à chacun de se confier et d’exprimer sans gêne tous ses péchés v 22 23. Il commence pour donner l’exemple: il a tué de nombreux moutons et même le berger v 25-29. La Fontaine isole “Le Berger” au vers 29 pour accentuer l’importance de l’acte du Lion : et montre ainsi l’aspect tragique de la scène. V30 : “Je me dévouerai donc, s’il le faut” laisse entendre qu’il ne se dévouera pas : il est hypocrite et cherche à se donner une bonne image auprès de la cour.
Il incite ensuite tous les animaux à se repentir comme il l’a fait.
Le Renard, prend la parole et défend le roi, il le soutient et va même jusqu’à dire que le roi fait honneur aux animaux qu’il mange v38. Il accuse le Berger encore une fois pour défendre le roi. Le Renard qui symbolise les courtisans, est aussi fourbe que le roi, il le flatte pour ne pas avoir à se sacrifier. Il est malin mais peu honnête et ne pense qu’à lui même. Allusion au Renard du roman Renart : La Fontaine s’inspire de l’antiquité et aussi ici du Moyen Age.
Tous les animaux puissants : Tigre, Ours… ont commis les plus terrible péchés. Cependant on n’ose approfondir car ils sont puissants et l’on a peur de leur représailles. Ces puissants sont même décrits comme de petits saints : v48. La Fontaine fait de l’ironie ; il accentue la situation pour la rendre cocasse: tous les puissants ne sont en rien des saints, ce sont des tueurs.
L’Ane en vient à parler : il se repent d’avoir mangé de l’herbe qui ne lui appartenait pas : il avoue son péché de manière objective et honnête même si le péché est tout petit. Crime insignifiant en comparaison des autres animaux. Cependant, ces derniers cherchent un coupable. Ils vont donc le désigner comme criminel et le Loup, décide que l’Ane est le plus coupable et qu’il faut le pendre.
L’Ane a dit la vérité, il est tué pour sa franchise. La Fontaine le traite d’Ane pour avoir dit la vérité dans une situation aussi délicate. L’animal peu futé mais honnête aurait dû savoir qu’il fallait mentir pour sauver sa peau.
V61 ; Le vers est raccourci : que 8 syllabes : pour accentuer la tragédie : vers moins noble que l’alexandrin. Colle avec le contenu du vers : “ la mort” l’Ane est mort ou va mourir, c’est certain.
La morale est explicite et très courageuse : point de vue directement visible ; il emploie le mot cour : peut être facilement ramené à la cour de Louis XIV. Il prend des risques en dénonçant le système judiciaire de la monarchie.
Etude linéaire
Introduction : Amorce Les Fables de La Fontaine font partie du patrimoine littéraire français, voire mondial. Regroupées dans trois recueils entre 1668 et 1694, pour un total de 243 fables. Elles mettent généralement en scène des animaux anthropomorphes et contiennent, presque systématiquement, une morale. Jean De La Fontaine est donc ce qu’on peut appeler un, moraliste. Grâce à son utilisation de l’argumentation indirecte (majoritairement des fables), il véhicule des idées par le biais de la fiction, afin de contourner la censure et de séduire le lecteur tout en développant son esprit critique. Ainsi, il réalise une satire de la cour et analyse de manière générale, universelle et atemporelle, le comportement des hommes (leurs qualités et leurs défaut).
Reprise du sujet Dans “Les animaux malades de la Peste”, première fable du livre VII, l’auteur met en scène l’hypocrisie du roi et de ses courtisans. Il dénonce plus précisément les rapports de pouvoir qui profitent aux forts et dont souffrent les plus faibles.
Problématique : “ Comment Jean de La Fontaine dénonce-t-il l'hypocrisie du pouvoir ? “
Plan Nous analyserons d’abord la situation initiale qui présente la peste de manière épique. Puis nous verrons comment Le Roi présente cette même maladie de manière hypocrite. Ensuite nous montrerons que cette hypocrisie se retrouve dans la réponse des autres animaux. Enfin nous terminerons par montrer la position de faiblesse de l'âne qui donne lieu à la morale.
1) Le narrateur présente la Peste de manière épique. (1- 14)
Le narrateur adopte d’emblée un ton solennel. L’heure est grave car un fléau, la Peste, ravage le monde des animaux.
Dès les premiers vers, l’auteur dramatise la situation. Par la répétition du mot “mal”, il annonce une catastrophe. La Peste est périphrasée. La gravité est mise en évidence de plusieurs manières : d’une part, grâce à̀ la personnification du mal (v.4 à v.6 « faisait la guerre ») ; d’autre part, par l’utilisation de la majuscule au mot « Peste » qui confère une dimension allégorique à la fable (la Peste est le symbole d’un châtiment divin qui met à̀ mal les animaux, représentant l’espèce humaine).
Le lecteur est plongé dans une atmosphère tragique : le narrateur met en évidence le pouvoir de la peste et suscite chez le lecteur terreur et pitié́, comme dans la tragédie antique. Il utilise d’abord une périphrase pour nommer cette maladie (v.1 à v.3) : « un mal qui répand le terreur » périphrase qui est sans doute un moyen de reculer devant l’horreur du nom, comme si le narrateur en avait peur lui-même. Cette terreur est d’ailleurs renforcée par la parenthèse qui invite à la discrétion tant le mal est terrible. Articles indéfinis « un » -- peur de nommer ce mal. 2 relatives provoquent un effet d’attente/peur (mettre en relation avec Hadrien qui n’ose pas dire le nom de sa maladie avant quelques ligne).
Le mot « mal » peut être vu comme une périphrase du mot “malin”, Le malin qui dans la religion monothéiste est l’incarnation du mal, le diable. La référence à Dieu est explicite, avec le nom propre “Ciel” et « Mal » et avec l’idée du châtiment divin dans le vers “Inventa pour punir les crimes de la terre”.
Les rimes riches des deux premiers vers "fureur" et “terreur” nous montre la peur de ce mal. Peur qui est omniprésente. EUR= tonnerre de Zeus – châtiment suprême.
Au vers quatre, le mal est enfin nommé, c’est la Peste. La préposition entre parenthèses nous montre que prononcer son nom crée le mal. L’allitération en “p” insiste sur le nom “Peste” et sur la peur qu’elle fait naître.
A la ligne suivante Jean de la Fontaine décrit cette peste comme “Capable d’enrichir en un jour l’Achéron”. Ici les termes “enrichir” et “Achéron” renvoient à la mythologie grecque. Le verbe “enrichir” fait référence au dieu des Enfers et des souterrains, Hadès qui possède mille richesses enfouies sous terre. L’Achéron est un des cinq fleuves des Enfers. Connu pour être une des entrées infernales, les morts doivent le traverser, sur la barque de Charon, afin d’accéder aux Enfers. Par métonymie, ce fleuve représente la mort. Par ces références, l’auteur nous montre que la Peste est mortelle et tue un bon nombre d’animaux. – réf hyperbolique
Cette idée est ensuite accentuée par le chiasme au vers 7. “Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés”.
V8 oxymore mourante-vie – mort vivant
Du vers 9 à 14, l’écrivain nous montre que la Peste fait plus que tuer, elle enlève l’envie de vivre. Cela commence aux vers 8 et 9 " On n’en voyait point d'occupés à chercher le soutien d’une mourante vie”. Les animaux se laissent mourir, ils n’essaient plus de vivre. Cette absence de raison de vivre est ensuite accentuée par les cinq prochains vers qui montrent que les animaux n’ont plus aucun plaisir « Nul mets n'excitait », « Ni Loups ni Renards », « Plus d'amour, partant plus de joie. ». Les animaux n’ont plus envie de manger et d’aimer.
Allusion à une autre de ses fables : le loup et l’agneau v.11-12 « Ni loups, ni renards » -- annonce la fin tragique + Les deux pigeons « les tourterelles se fuyaient ».
En outre, La Fontaine prépare la suite de son récit, en établissant déjà le rapport entre les animaux : les prédateurs d'un côté (Loups et Renards), les proies (« innocente » !) de l'autre (les tourterelles, symboles de l'amour). Ils sont cependant dans la même situation, puisque chacun est privé d'amour, de proie, de joie. Négation v7-11—manque, privation 7 verbes avec négation « ne pas » « nul » « ni » « ni » « plus » « plus »
Conclusion : Incipit n’a rien d’une fable animalière. Nous sommes plutôt dans l’épopée ou la tragédie antique.
2) Le Roi et son hypocrisie (14 à 33)
Le fabuliste, qui est aussi un moraliste, porte un regard critique sur la cour et dresse un portrait critique du roi et de ses courtisans.
La prise de parole des personnages n’est pas distribuée au hasard. Il convient donc logiquement que ce soit le lion, personnification du roi, qui s’exprime en premier (Lion = symbole d’autorité́, animal féroce. Les autres animaux le craignent.).
Face à une telle situation, le roi tient “conseil” et par un discours hypocrite présente la situation. Tout d’abord, il faut savoir qu’étant sous une monarchie à droit divin, le Roi est représentant et lieutenant de Dieu sur terre. Il possède une fonction sacralisée. Il est donc le seul à parler de cette maladie, de cette punition divine.
Le Roi commence d'abord son discours par une autocritique. Il se met sur le même plan que les autres animaux, en les appelant ses « amis ». Cela dit, il y a déjà une trace de son hypocrisie : tout le monde est conscient que les animaux sont soumis à son bon vouloir. Apostrophe amicale – solennité du conseil. – discours majestueux, digne
Cela est évident lorsqu'il utilise le mode impératif, qui vient signifier un ordre “Que le plus coupable de nous, se sacrifie aux traits du céleste courroux”. Le roi à une conception très biblique de la Peste, il a l’image d’un Dieu vengeur qui demanderait réparation des fautes par le sacrifice d’un coupable. Par ces mots, il ordonne donc la désignation d'un bouc-émissaire, d’un sacrifié pour dieu. Réf mythologique
Pour trouver cet animal, il ordonne à tout le monde d’avouer leur tort et leur méfait sans mentir. C’est le sens des vers 23-24 " Voyons sans indulgence/l'état de notre conscience''. – bouc émissaire même si lui-même n’est pas sur du résultat « peut-être »
Il donne l'exemple, en commençant lui-même son autocritique. Il semble montrer du courage et de l'honnêteté : il avoue ses crimes, s'accuse du péché de gloutonnerie. “Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons/J'ai dévoré force moutons.” Pour convaincre de sa transparence, il fait même l'aveu d'avoir tué le berger. Le rejet du nom “berger” nous montre qu’il ne fait pas la différence entre animaux et humains, il se croit au-dessus d’eux. GRAVITE
Comment un roi, qui ne peut être accusé car il est le plus puissant des animaux, peut-il exiger l’équité́ ? Les dés sont pipés d’avance. Pour se sauver, les autres n’ont plus qu’à̀ le flatter. C’est ce qu’ils s’apprêtent à̀ faire. = La stratégie discursive du lion permet donc au moraliste de faire une satire d’un roi corrompu par l’exercice du pouvoir.
Son hypocrisie est avérée par la conclusion de ce discours qui pourrait faire croire à son sacrifice. L'utilisation du futur de l'indicatif, avec « Je me dévouerai donc » devrait annoncer avec certitude sa fin, mais celle-ci est tout de suite annulée par l'utilisation des deux formules : « s'il le faut » et « mais ». Cela invite - ou plutôt : ordonne - aux courtisans de le sauver par l'aveu de leurs propres fautes. Il le dit d'ailleurs explicitement aux vers 31 à 33, il faut que chacun “s’accuse” pour que la justice la plus équitable soit faite.
Conclusion : L’hypocrisie est omniprésente, il se montre courageux et prêt à se sacrifier pour les autres alors qu’il sait très bien que tuer le roi est un affront à la religion, à dieu. Il sait très bien que personne ne va le tuer par peur de représailles divines. L’immunité royale le protège.
3) L’hypocrisie dans la réponse des autres animaux (35 à 44)
Vient ensuite le renard, symbole de la ruse et de la flatterie. Sa stratégie est simple et très lisible pour le lecteur : il dédramatise les crimes du roi lion et en fait même paradoxalement l’éloge en allant jusqu’à̀ soutenir que sa majesté́ le lion a accompli de grands bienfaits « en croquant » (v.38) de pauvres victimes (cf. langage hyperbolique « beaucoup d’honneur » (v.38), accablement du pauvre berger, « digne de tous les maux » (v.40) = satire des courtisans, de la vile flatterie.
En réponse au roi, Le Renard, fidèle à son allégorie, plutôt que de procéder à son autocritique, le flatte. Il détourne la conversation de lui-même, ainsi on ne saura jamais ses nombreux méfaits.
Pour commencer, il le sert par des formules élogieuses : « Sire », « bon Roi », « Seigneur ». Le renard joue sur la corde sensible du roi, son sentiment de supériorité, sa vanité, son orgueil royal.
Au vers 35, ce qui était sujet au blâme provoque l’éloge, la cruauté du lion se transforme en “scrupules” et “délicatesses”. Les méfaits du roi ne sont plus des péchés. Le renard le dit explicitement aux vers 36-37 “Eh bien, manger moutons, canailles, sotte espèce, Est-ce un péché ? non.” Ici, il suggère que le roi n’a rien fait de mal, et qu’il est innocent. Il va plus loin en transformant les fautes du roi en "honneurs''. Les crimes sont devenus normaux, voire nécessaires. (Comparaison Rousseau).
Formules obséquieuses « Sire » « Roi » « Seigneur » + superlatives « trop x2 »
Le renard va aussi dénigrer les victimes du lion en les traitants de “sottes espèces” et de “canailles”. Notons que la rime “espèces avec délicatesse” marque la différence entre le simple bétail et la personne royale. Concernant le “berger”, le renard fait preuve, comme à son habitude, d’une ruse sans faille. Des vers 39 à 42, il présente le berger, et donc les humains, comme quelqu’un qui croit être le roi des animaux. Ils se font un “chimérique empire”, une domination imaginaire, fausse. Le lion devait donc le punir et lui montrer qui était le vrai roi. Là encore, le roi n’a commis aucun péché. Par ce discours, La Fontaine critique une vision inégalitaire de la société : les moutons et le berger, incarnation du bas-peuple, ont mérité leur sort.
La flatterie du renard produit l’effet attendu. Le narrateur revient en scène. L’infinitif “flatteurs d’applaudir” vient marquer la rapidité avec laquelle la cour s’empresse de confirmer les dires du renard. C’est l'incarnation de la cour du roi soumise à sa volonté, sans libre arbitre. Les autres animaux s'empressent de faire la même chose, ils feignent de se confesser pour mieux se disculper.
Dans les vers 44 à 48, le narrateur a résumé́ le contenu du discours des autres animaux. L’ironie, perceptible dans le GN « de petits saints » (v.48), met en lumière la flatterie des animaux courtisans. Tous sont coupables mais font en sorte de passer pour innocents.
En quatre vers les autres courtisans se sont exprimés, chacun défendant les autres. Les vers 44 à 48, nous montrent la lâcheté de la cour et de la justice qui n’ose pas “approfondir” les méfaits les plus horribles, comme il le dit lui-même, les “moins pardonnables offenses”. En effet ces crimes sont commis par les animaux avec le plus de voir, le “tigre” “l’ours”. Il y a donc une peur des représailles. La justice repose sur un rapport de forces.
Travestissement des faits souligné par l’antithèse « Les moins pardonnables offenses » / « de petits saints » v.48
4) La confession de l'âne, sa position de faiblesse qui mène à la morale 49-64
C’est au tour de l’âne de se confesser. C’est le premier animal cité qui n’est pas prédateur. En outre, il prend le discours du roi très au sérieux et n’a pas compris l’hypocrisie autour de lui. Il va donc confesser tous ses aveux avec humilité et franchise. Notons d’ailleurs que ce qui ouvre le dialogue de l’âne est similaire à celui du roi. “Le roi tient conseil, et dit” “L’âne vient à son tour, et dit’. L’âne cherche à imiter le roi.
- Le dénouement de la fable montre clairement le fonctionnement de la cour : l’aveu de l’âne, symbole de la naïveté́ voire de la bêtise, bouc émissaire et victime expiatoire idéale, aux vers 51 à 53, est évidemment mineur si on le compare à̀ celui du roi, « une peccadille »
Lors de son aveu, il n’oublie rien. Les circonstances : l’âne se trouve près d’un “pré de moine” et “quelques diables”, ces circonstances sont malheureusement aggravantes, puisque le méfait touche le clergé ; un ordre très important. Les mobiles, “la faim”, et “l’herbe tendre”. Ainsi que la matière de la faute, il n’a brouté qu'un peu d'herbe “la largeur de sa langue” pour être exacte. Sa faute est une peccadille. Les faits avoués sont sans gravité, brouter de l’herbe pour un herbivore est normal. De plus, il n’a fait de mal à personne et les faits se sont passés qu’une seule fois. C’est le sens du verbe “j’ai souvenance”. D’autre part, l’herbe repoussera.
Ici l'âne manque de prudence, en voulant être honnête comme le roi, il aggrave son cas. Il est tombé dans le piège. Il n'y a pas de place pour la vertu dans cette cour.
L’aveu de l’âne provoque la vindicte des autres animaux.
Comme après le discours du renard, la réaction des autres animaux ne fait pas tarder. Ils se jettent sur l’animal, le désignent coupable de ce qui se passe et veulent le sacrifier. C’est le sens de “on cria haro sur le baudet” au vers 56 et de “dévouer” au vers 57.
C’est le loup qui donne ce jugement. Il se veut procureur, son pelage noir évoque la robe noire des juges et des avocats. Le champ lexical du juge avec “harangue”, "prouva" et “fut jugé” est d’ailleurs présent. – dénoncer la justice
L’archétype du prédateur se lance dans un réquisitoire brutal. Il commence par l’insulter et le traite de tous les noms. Comme nous le montre l’énumération en rythme ternaire aux vers 57-59 “ce maudit animal, ce pelé, ce galeux”. Cela nous montre aussi sa haine et son mépris pour les faibles. Le loup a jugé la peccadille de l’âne comme l'origine de tous les malheurs, de tous leurs “maux”.
La sentence du loup et son discours sont très vites repris en chœur par les autres animaux. Le discours indirect libre au vers 60, “Manger l’herbe d’autrui ! Quel crime abominable ! “ nous montre cette rapidité avec laquelle les mauvaises paroles du loup se propagent. + narrateur-moraliste de condamner tout en faisant preuve de prudence : qui parle ? Les courtisans ? Le moraliste ? À la cour, seuls les puissants peuvent espérer l’impunité́.
De plus le sacrifice présent quelques vers auparavant s’est transformer en simple peine de mort. Le verbe “expier” évoque une punition humaine consécutive à un crime – mis en valeur par la diérèse Placé également en position de rejet, il met en évidence l’injustice qui frappe ce pauvre âne qui n’a péché́ que par excès de naïveté́ et d’innocence.
Avec l'antithèse « peccadille », qui veut signifier un rien, et « cas pendable », c'est-à-dire un coupable digne de pendaison, La Fontaine souligne l'illusion de la sentence. La rapidité de la chute, la décision de la mort et cette dernière qui se fait qui tient en deux vers, évoque la violence avec laquelle l'âne est traité.
Chute rapide v.60-61 – brutalité de la sentence/exécution. Mise en valeur par le hiatus inhérent à la diérèse expier. – passage alexandrin à octosyllabe
Mort de l’âne
Tout cela amène à la morale courte (2 vers). “Selon que vous soyez puissant ou misérable, Les jugements de Cours vous rendront blanc ou noir.” Les deux antithèses “puissant/misérables” et “blanc/noir” ainsi que le parallélisme “vous soyez puissant ou misérables/vous rendront blanc ou noir” montre que la formule est percutante. Jean de La Fontaine dénonce l’arbitraire de la justice qui n’a pour but que de conserver et maintenir l’ordre social établi. Il dénonce aussi l’inégalité des positions dans une société de classe. + comparaison obsèques de la lionne et contes de Perrault
Conclusion : Dans cette fable, La Fontaine dénonce des dysfonctionnements politiques et sociaux. En fin connaisseur de la Cour, l’auteur met en avant l'hypocrisie et l'injustice de cette Cour + abus de pouvoir. La fable se déroule comme une parodie d’un procès. C’est l’âne, le plus faible et le moins coupable, qui est condamné à mort. La Fontaine ironise aussi sur le fonctionnement des puissants qui font semblant d’être parfait, sans péchés pour plaire au roi et pour se donner bonne conscience. Pour autant, le fabuliste pointe également du doigt, à travers le personnage de l'âne, la naïveté des petits, qui se laissent berner par le discours du Roi, et qui veulent entrer dans une Cour dont ils ne connaissent pas les règles.
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