Commentaire composé sur Victor Hugo, Les Châtiments, Nox - I, Du vers 23 à la fin

Commentaire composé sur Victor Hugo, Les Châtiments, Nox - I, Du vers 23 à la fin

Texte

Vous, bourgeois, regardez, vil troupeau, vil limon,

Comme un glaive rougi qu'agite un noir démon,

Le coup d'État qui sort flamboyant de la forge !

Les tribuns pour le droit luttent : qu'on les égorge.

Routiers, condottieri. vendus, prostitués,

Frappez ! tuez Baudin ! tuez Dussoubs ! tuez !

Que fait hors des maisons ce peuple ? Qu'il s'en aille.

Soldats, mitraillez-moi toute cette canaille !

Feu ! feu ! Tu voteras ensuite, ô peuple roi !

Sabrez le droit, sabrez l'honneur, sabrez la loi !

Que sur les boulevards le sang coule en rivières !

Du vin plein les bidons ! des morts plein les civières !

Qui veut de l'eau-de-vie ? En ce temps pluvieux

Il faut boire. Soldats, fusillez-moi ce vieux.

Tuez-moi cet enfant. Qu'est-ce que cette femme ?

C'est la mère ? tuez. 

Que tout ce peuple infâme

Tremble, et que les pavés rougissent ses talons !

Ce Paris odieux bouge et résiste. Allons !

Qu'il sente le mépris, sombre et plein de vengeance,

Que nous, la force, avons pour lui, l'intelligence !

L'étranger respecta Paris : soyons nouveaux !

Traînons-le dans la boue aux crins de nos chevaux !

Qu'il meure ! qu'on le broie et l'écrase et l'efface !

Noirs canons, crachez-lui vos boulets à la face !

Victor Hugo -  Les Châtiments

Commentaire composé

Problématique : Comment Victor Hugo dénonce-t-il dans ce poème romantique la violence physique de Napoléon III à travers la violence verbale ?

 

Ce poème liminaire des Châtiments est construit comme  un drame romantique. On peut le voir grâce à l’art de la mise en scène qui permet au lecteur de de visualiser la scène.

Victor Hugo se positionne en dramaturge dans ce poème. Napoléon III apparaît comme un démon tout droit sorti de l’enfer : “Vous, bourgeois, regardez, vil troupeau, vil limon, comme un glaive rougi qu'agite un noir démon, le coup d'État qui sort flamboyant de la forge !” On peut ici relever une allitération en [v]. Les soldats, ses complices, massacrent le peuple représentant la république : “Que sur les boulevards le sang coule en rivières !”. Ensuite, les canons sont personnifiés, et présentés comme des monstres prêts à dévorer le peuple  : “Noirs canons, crachez-lui vos boulets à la face !”.

C’est un monologue fictif brutal et choquant. Le narrateur a recours aux  sentiments pour persuader : “Les tribuns pour le droit luttent [...] Routiers, condottieri. vendus, prostitués.”, “Que fait hors des maisons ce peuple ? Qu'il s'en aille.” et “Ce Paris odieux bouge et résiste qu'il sente le mépris, sombre et plein de vengeance,”

Napoléon III ne l’aurait certainement  pas formulé ainsi, il aurait utilisé des formules politiques contrairement au poète.

Ce poème est romantique. En effet, on voit une argumentation fondée sur l’art de persuader en faisant appel aux émotions du lecteur : “Du vin plein les bidons ! des morts plein les civières !” et “Qui veut de l'eau-de-vie ? En ce temps pluvieux il faut boire”. Enfin, et il contient de nombreuses figures d'exagération qui appuient sur l’horreur et l’inhumanité de la situation injuste qu’il dénonce.

Ce poème de Victor Hugo est un pamphlet, c’est-à-dire un texte court et violent attaquant une institution ou un personnage connu, qui est ici Napoléon III.

A cette fin, le poète utilise la violence verbale pour combattre la violence physique. Notamment, on peut relever de nombreux verbes percutants à l’impératif et au subjonctif appartenant au même champs lexical : “égorge”, “frappez”, “tuez”, “mitraillez”, “fusillez”, “broie”, “écrase” etc.

Dans ce poème argumentatif, nous assistons à une parodie de Napoléon III et de ses pensées : “Soldats, mitraillez-moi toute cette canaille ! Soldats, fusillez-moi ce vieux.”, “Tuez-moi cet enfant.” et “C'est la mère ? tuez.” qui est  ridiculisé par ses excès. L’empereur est présenté comme un tyran : “Frappez ! tuez Baudin ! tuez Dussoubs ! tuez !”, “Feu ! feu ! Tu voteras ensuite, ô peuple roi !”. L’auteur utilise de nombreuses personnifications et allitérations en [r] qui rendent le texte encore plus brutal et lourd : “Sabrez le droit, sabrez l'honneur, sabrez la loi !”.

Enfin, Hugo nous forme le portrait d’un despote, un empereur qui n’aime pas son peuple : Napoléon III. A la différence de Napoléon Ier qui a été exilé pour avoir voulu étendre la grandeur de la France, Hugo fait parodiquement dire à son neveu qu’il va s’en démarquer en assassinant le peuple ; cette volonté de se démarquer est soulignée par la césure à l'hémistiche : “L'étranger respecta Paris : soyons nouveaux !”. En prêtant parodiquement sa voix à Napoléon III, Hugo s’anime pour mieux faire la haine de Napoléon III envers le peuple qu’il estime indigne de vivre et à qui il veut infliger une mort déshonorante :  “Traînons-le dans la boue aux crins de nos chevaux !” et “Que tout ce peuple infâme tremble, et que les pavés rougissent ses talons !”


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