Commentaire composé sur Micromegas de Voltaire, chapitres 6 et 7

Commentaire composé sur Micromegas de Voltaire, chapitres 6 et 7

En quoi cet extrait est-il révélateur du conte philosophique ? 

 

Axe 1: La structure de l’extrait

 

La structure de l’extrait montre qu’il est composé d’une alternance de discours, qui correspond au dialogue avec les Terriens, et de passages narratifs, articulés par des connecteurs logiques temporels nombreux: “alors” (l.448), “peu à peu” (l.465), “à ce discours” (l.472), “aussitôt” (l.515), “enfin” (l.527). Cela donne au récit de la vivacité et rend compte de l’enchaînement des actions, des paroles et des réactions. Les personnages présents dans l’extrait sont Micromégas d’une part, accompagné du Saturnien, peu actif ici, et de “philosophes” (l.531). Les hommes font l’objet d’une bonne partie de la conversation comme le montrent les nombreux termes utilisés pour les désigner: “l’homme” (l.462), “un assemblage de fous, de méchants et de malheureux” (l.476), “cent mille fous de notre espèce” (l.480), “cent mille autres animaux” (l.481), “si chétifs animaux” (l.485), “ces animaux qui s’égorgent mutuellement” (l.492), “un certain homme” (l.489), “ces barbares sédentaires” (l.503), “l’homme pour lequel ils s’égorgent” (l.494), “cette fourmilière d’assassins ridicules” (l.498), “ces misérables” (l.500), “un million d’hommes” (l.505), “la petite race humaine” (l.507). On note une insistance sur leur nombre, sur leur inhumanité, sur leur faiblesse et leur travers qui font d’eux des êtres méprisables. Dans ce passage, les verbes de parole sont nombreux et variés: “prononça” (l.448), “répondit” (l.456), “conta” (l.458), “parlait” (l.463), “dit” (l.477), “demanda” (l.484), “s’écria” (l.495). Ils insistent sur la volonté d’échange et évoquent parfois des émotions. Voltaire utilise en majorité le discours direct (l.448 à 455 puis 467 à 472), qui correspond à deux tirades de Micromégas et ensuite, aux lignes 478 à 494, correspond à deux passages assez longs où le philosophe se fait le porte-parole des idées de Voltaire. A partir de la ligne 495 jusqu’à la ligne 522, un vrai dialogue s’installe avec des successions de répliques entrecoupées de courts récits. Plus la conversation avance, plus l’échange d’idées se fait. Ces dialogues sont donc là pour montrer la communication entre les voyageurs et les philosophes.

 

Axe 2: Les sentiments de Micromégas

 

Les sentiments de Micromégas s’expriment par de nombreuses tournures exclamatives et des apostrophes qui prennent témoin Dieu et les hommes: “ô Dieu” (l.450), “ô atomes intelligents” (l.468). Ces apostrophes traduisent sa surprise et son désarroi. Micromégas est déstabilisé: il remet en question ses certitudes comme le montre l’emploi du modalisateur “sans doute” (l.468 et 472). Il ressent de l’horreur devant les comportements humains qu’il exprime physiquement: “frémit” (l.484), et moralement: “indignation” (l.495) et “ému de pitié” (l.506). Micromégas n’utilise pas le terme “homme”, ce qui témoigne de l’ignorance de l’existence de cette espèce pour le Sirien. Il utilise donc les périphrases à valeur ironique pour les désigner comme “des substances qui paraissent si méprisables” (l.450), “atomes intelligents” (l.467), “si chétifs animaux” (l.485), “assassins ridicules” (l.498), “la petite race humaine” (l.507), “ces atomes pensants” (l.516). Les sens opposés des différentes périphrases antithétiques montrent les contrastes qui caractérisent l’homme, à la fois être pensant et intelligent, et être méprisable. Micromégas décrit les hommes avec sévérité. Il utilise des hyperboles pour appuyer sa colère envers eux: “cet excès de rage forcenée” (l.496), “assassins ridicules” (l.498). Il en déduit que la race humaine devrait être détruite ce qui lui est facile à faire: “Il me prend envie...ridicules” (l.496-498). Micromégas apparaît ici comme un philosophe dans la mesure où il se montre curieux des Terriens et prêt à remettre en question ses préjugés (l.448-449). Il reconnaît sans hésitation l’intelligence des hommes à partir du moment où ceux-ci lui en ont donné la preuve (l.528 à 530). Il en est aussi naïf comme le montre ses réactions impulsives, son enthousiasme parfois démesuré, sa foi excessive en l’homme: “je n’ai vu nulle part… doute” (l.471-472).

 

Axe 3: Les critiques de Voltaire

 

Voltaire utilise l’ironie pour caricaturer les hommes et en particulier l’exagération: “un assemblage de fous, de méchants, et de malheureux” (l.476), “cent milliers de fous” (l.480). Il emploie aussi l’adverbe d’intensité “si” (l.451 et 485). Ces exagérations servent à critiquer l’orgueil et l’assurance des hommes qui croient en leur supériorité. Voltaire montre l’absurdité du comportement humain à travers l’évocation de la guerre. Les conflits se réduisent à une opposition non pas de chefs mais de couvre-chefs (ironie): “chapeaux” (l.481) contre “turbans” (l.482), ce qui lui permet de critiquer l’intolérance. Les raisons avancées semblent ridicules par rapport au massacre qu’elles entraînent : une lutte pour un “tas de boue” (l.486). La critique principale porte donc sur les hommes. Voltaire va utiliser l’humour pour le ridiculiser. Ainsi, il va employer des procédés de réduction. La terre se réduit à “un tas de boue” (l.486), “une fourmilière” (l.497), “les hommes sont des atomes” (l.516), les décisions politiques sont prises à la légère: “ordonnent...hommes” (l.504-505), les philosophes s’occupent de tâches infimes “nous disséquons des mouches” (l.511-512). En plus de les ridiculiser, Voltaire veut surtout remettre les hommes à leur place au regard de l’univers: ils sont fort en peu de choses et feraient bien d’en avoir conscience. La guerre est dénoncée car elle fait de nombreuses victimes pour rien, comme nous le prouve les hyperboles: “cent mille autres animaux” (l.481), “ces millions d’hommes qui se font égorger” (l.487), “le massacre d’un million d’hommes” (l.505). La religion n’est pas oubliée dans la critique de Voltaire car elle cautionne la guerre (“ensuite en font remercier Dieu” à la ligne 506) au lieu de prêcher l’amour. On a donc une vision pessimiste de l’homme: ils sont avides de combats, intolérants, incapables de se gérer: “quand même… tous” (l.501-502). Seuls les scientifiques et les philosophes échappent à cette condamnation mais nul ne reconnaît leurs mérites (“un petit nombre d’habitants fort peu considérés” (l.474-475) et ils semblent divisés sur certains sujets (l.530 à 532). 

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