Commentaire composé sur Alain Fournier, Le Grand Meaulnes, l'épilogue

Commentaire composé sur Alain Fournier, Le Grand Meaulnes, L'épilogue

Texte

L'homme fit jouer doucement, sans bruit, le loquet de la porte. Mais je l'avais refermée, aussitôt sorti. Il fit de même à l'entrée de la cuisine. Puis, hésitant un instant, il tourna vers moi, éclairée par le demi-jour, sa figure inquiète. Et c'est alors seulement que je reconnus le grand Meaulnes.

    Un long moment je restai là, effrayé, désespéré, repris soudain par toute la douleur qu'avait réveillée son retour. Il avait disparu derrière la maison, en avait fait le tour, et il revenait, hésitant.

    Alors je m'avançai vers lui, et sans rien dire, je l'embrassai en sanglotant. Tout de suite, il comprit :

    "Ah ! dit-il d'une voix brève, elle est morte, n'est-ce pas ?"

    Et il resta là, debout, sourd, immobile et terrible. Je le pris par le bras et doucement je l'entraînai vers la maison. Il faisait jour maintenant. Tout de suite, pour que le plus dur fût accompli, je lui fis monter l'escalier qui menait vers la chambre de la morte. Sitôt entré ; il tomba à deux genoux devant le lit et, longtemps, resta la tête enfouie dans ses deux bras.

    Il se releva enfin, les yeux égarés, titubant, ne sachant où il était. Et, toujours le guidant par le bras, j'ouvris la porte qui faisait communiquer cette chambre avec celle de la petite fille. Elle s'était éveillée toute seule - pendant que sa nourrice était en bas - et, délibérément, s'était assise dans son berceau. On voyait tout juste sa tête étonnée, tournée vers nous.

    "Voici ta fille", dis-je.

    Il eut un sursaut et me regarda.

    Puis il la saisit et l'enleva dans ses bras. Il ne put pas bien la voir d'abord, parce qu'il pleurait. Alors, pour détourner un peu ce grand attendrissement et ce flot de larmes, tout en la tenant très serrée contre lui, assise sur son bras droit, il tourna vers moi sa tête baissée et me dit :

    "Je les ai ramenés, les deux autres... Tu iras les voir dans leur maison".

    Et en effet, au début de la matinée, lorsque je m'en allai, tout pensif et presque heureux vers la maison de Frantz, qu'Yvonne de Galais m'avait jadis montrée déserte, j'aperçus de loin une manière de jeune ménagère en collerette, qui balayait le pas de sa porte, objet de curiosité et d'enthousiasme pour plusieurs petits vachers endimanchés qui s'en allaient à la messe...

    Cependant la petite fille commençait à s'ennuyer d'être serrée ainsi, et comme Augustin, la tête penchée de côté pour cacher et arrêter ses larmes continuait à ne pas la regarder, elle lui flanqua une grande tape de sa petite main sur sa bouche barbue et mouillée.

    Cette fois le père leva bien haut sa fille, la fit sauter au bout de ses bras et la regarda avec une espèce de rire. Satisfaite, elle battit des mains...

    Je m'étais légèrement reculé pour mieux les voir. Un peu déçu et pourtant émerveillé, je comprenais que la petite fille avait enfin trouvé là le compagnon qu'elle attendait obscurément. La seule joie que m'eût laissée le grand Meaulnes, je sentais bien qu'il était revenu pour me la prendre. Et déjà je l'imaginais, la nuit, enveloppant sa fille dans un manteau, et partant avec elle pour de nouvelles aventures. 

Alain-Fournier - Le Grand Meaulnes - L'épilogue

Photo by Picsea on Unsplash
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I) Un dénouement qui se lie à l’incipit

-Au début du roman les deux pers. se rencontrent ici ils se retrouvent

-L'arrivée de Meaulnes = ici son départ est annoncé par François je savais 

-leur amitié n'a pas changé = “je l’embrassai” = témoigne d’une amitié forte

-De  plus comme dans l’incipit nous sommes un dimanche = “vachers endimanchés” Cependant nous ne sommes pas au même mois = ici septembre alors que l’incipit se déroule en novembre

-incipit = crépuscule du soir, ici c’est le crépuscule du matin “éclaire par le demi jour”= comme dans l’incipit = manque de lumière 

-Le grand garçon de 17 ans est maintenant devenu “l’homme” = le temps qui à passé 

-F. est devenu le gardien de la mémoire des sablonnières= il s’est occupé de la fille de Meaulnes pendant 1 an, contrairement à l’incipit c’est lui qui a le rôle d’actant, c’est lui qui l’ammène vers la chambre de mort de sa femme et vers sa fille “l’entrainai”

-contrairement à l’incipit qui ouvre le roman dans la joie et l’insouciance, cet excipit est marqué par la douleur/la souffrance

-la douleur de François qui est réveillée

-La douleur de Meaulnes qui apprend de la mort de sa femme = crise de larmes, hyperbole “flots de larmes”, “pleurait” + François qui sanglote mention de larmes plus discrètes = “la tête enfouis dans ses bras”

-Douleur de Meaulnes qui s’exprime au-delà des larmes = gestes + comportement “il resta là, debout, sourd, immobile et terrible” + “tomba à deux genoux” = témoigne de sa douleur 

-Crise de larmes qui dure longtemps = jusqu’à leur arrivée dans la chambre de la petite

-douleur 

 

II) Un dénouement en demi teinte

Le salut par l’enfance

Meaulnes a perdu sa femme mais il a trouvé sa fille 

elle semble avoir un caractère indépendant comme son père = “s’est assise délibérément” + “éveillée toute seule”= elle décide de ses mouvements 

malgré le fait qu’elle ne connaisse pas Meaulnes, elle ne pleure pas, 

le contact est établi “regarda”

De plus elle provoque un sursaut et une espèce de rire chez Meaulnes ce qui lui permet de mettre de côté sa souffrance

comme la première rencontre avec Yvonne, Meaulnes et sa fille semblent se reconnaître au lieu de se rencontrer pour la première fois

Frantz et Valentine réunis

Meaulnes annonce qu’il les as ramenés les deux autres = il ne les nommes pas = sa souffrance oblige à les mettre en second plan 

-De plus l'idée de dette payée rend cette information moins importante

- François confirmera cela “en effet” mais il n’ira pas les saluer il notera cependant un détail “vachers endimanchés”

Le départ de Meaulnes et sa fille

François annonce leur départ “je savais qu’il était venu pour me la prendre” = polysémie du mot = sortir du berceau mais aussi ravir à François qui s’est attaché à elle.

 

III) La naissance d’un écrivain

-François perd son role d’actant = il ne participe pas aux retrouvailles de Frantz et Valentine, il note un détail

-il montre qu’il se met clairement en retrait “je m'étais légèrement reculé”

-Beaucoup de qualités d'écrivain lui sont attribuées = “imaginer”, “noter”, “comprendre” , “voir”

- De plus il imagine le départ de Meaulnes avec sa fille = avec une cape dans la nuit = éléments romanesques + nouvelles aventures = il imagine la suite du roman.

 

Conclusion : Le grand Meaulnes est une oeuvre plurielle qui est à la fois un roman de formation réaliste, étrange voir même surnaturel. Le narrateur se retrouve seul et il imagine le roman que nous avons entre les mains.  

 

Ouverture…

 

Commentaire rédigé

Durant L'épilogue du livre “Le Grand Meaulnes”, nous retrouvons le thème du bonheur impossible. En effet, ce thème est caractérisé par le bonheur banal et dégradé de Frantz et Valentine : « les deux autres », « de loin », « une manière de jeune ménagère », « objet », il y a comme une prise de distance avec ce bonheur dit “dégrade”. De plus, les activités banales telles que le balayage, renforcent l'idée que leur bonheur est simple, donc ennuyeux aux yeux d’Augustin qui se comporte comme un enfant dans un corps d’homme. 

Nous retrouvons une autre forme de bonheur à travers le personnage de l’enfant, un autre bonheur mais fugace. En effet, le bonheur de l’enfance est quelque chose d'éphémère et ancré dans le moment présent. On le voit lorsque la petite fille recherche un contact physique en lui donnant une tape: “Tête étonnée”, “tourner vers nous”, “lui flanquer une grande tape”,  “de sa petite main”. Ensuite, le fait d’incorporer des adjectifs tels que “grand” et “petit” nous donne une sensation d’attendrissement. De plus, la petite fille fait comme par d’un savoir intuitif puisque : «la petite fille avait enfin trouvé là le compagnon qu'elle attendait obscurément », chose normale puisque c’est son vrai père. 

Enfin, l’amour absolu rêvé par Augustin et Yvonne leur est refusé puisque il est émotionnellement impossible pour Meaulnes d'entrer dans cette maison. Il se montre hésitant et inquiet comme le montre les nombreuses virgules ainsi que les adverbes : “lentement”, “doucement” et “aussitôt” ainsi que les longues phrases. Meaulnes subit la situation et n’agit pas « je le pris », « lui fis... ». Le registre est pathétique pour signifier la souffrance qui correspond à la fin de l'adolescence et à la confrontation avec la morts de celle qu’il aime. 

Par la suite, le thème de la difficulté du Grand Meaulnes à entrer dans l'âge adulte est caractérisé par la souffrance ressentie lors du passage du rêve à la réalité. En effet, le chapitre 1 est synonyme de rencontre qui va donc donner de l’espoir au Grand Meaulnes alors que l'épilogue aura comme thème principal la séparation, synonyme de désespoir : “La seule joie que m'eût laissée le grand Meaulnes, je sentais bien qu'il était revenu pour me la prendre.” De plus, Meaulnes reprend sa fille et disparaît plus tard avec elle laissant François, qui l’a élevée seul pendant plusieurs mois et s’est donc attaché à cet enfant, seul donnant l’impression qu’il fuit le bonheur. 

Enfin, nous observons que la difficulté à grandir dont Meaulnes nous fait part est en fait synonyme de fuite pour ce personnage. En effet, la fuite de Meaulnes est clairement visible dans cet épilogue puisqu’il fait passer ses rêves avant tout. Au chapitre 1, l’épisode commence le soir, ce qui symbolise un rêve qui peut commencer alors que l’épilogue est lui raconté au matin signifiant donc que le rêve se termine pour Meaulnes. 

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