Commentaire composé sur François Mauriac, Thérèse Desqueyroux, La chambre

Commentaire composé sur François Mauriac, Thérèse Desqueyroux, La chambre

De "En ces jours les plus courts de l'année" à "Un soleil froid entre par la fenêtre ouverte."

 

I) Échapper à la réalité

 

Dès le début du texte, le narrateur commence en parlant des conditions extérieures : “En ces jours les plus courts de l'année, la pluie épaisse unifie le temps, confond les heures ; un crépuscule rejoint l'autre dans le silence immuable”. Cependant on se rend rapidement compte que ce paysage est le reflet des états d’âme du personnage de Thérèse. Il en est de même à la fin du texte, puisque le narrateur nous ramène à la réalité avec “Un soleil froid entre par la fenêtre ouverte”. Mais ces phrases sont à nouveau une image du coeur de Thérèse, mélancolique (“la pluie épaisse”) et glacé (“soleil froid”). De plus, les autres personnages la détestent parce qu’elle a essayé d’empoisonner leur maître, comme nous montrent les mots: “garce”, “feignantasse”, “Un vrai parc à cochons”. Cela est aussi lié à sa dégradation physique, elle ne prend plus soin de son corps: “ses doigts et ses ongles jaunes”, “ses jambes squelettiques” donc “ses pieds lui paraissent énormes”. Elle se dégrade de plus en plus, c’est un suicide lent et passif. Ce qui la tourmente le plus est d’être aux oubliettes puisque son mari l’a condamnée à rester enfermée seule dans sa chambre pour le reste de sa vie. 

Ses tourments l’obligent donc à rêver. Mais est-ce de la rêverie ou un délire ?

 

II) Rêverie ou délire ?

 

On remarque que le narrateur s’efface progressivement pour nous laisser entrer dans l’imaginaire du personnage et partager les rêves de Thérèse: “La pensée de Thérèse se détachait du corps inconnu qu'elle avait suscité pour sa joie, elle se lassait de son bonheur, éprouvait la satiété de l'imaginaire plaisir inventait une autre évasion”. Ses rêves sont souvent des fantasmes, des choses qu’elle rêverait d’accomplir: “On s'agenouillait autour de son grabat. Un enfant d'Argelouse (un de ceux qui fuyaient à son approche) était apporté mourant dans la chambre de Thérèse ; elle posait sur lui sa main toute jaunie de nicotine, et il se relevait guéri.”. Le fait qu’elle veuille guérir l’enfant telle une sainte a une symbolique. Cela montre qu’elle rêverait d’être pardonnée pour sa tentative de meurtre sur son mari. Elle revient à la réalité en rêvant de choses plus réalistes, moins délirantes et qui sont le reflet de son désir de mener sa propre vie en étant libre d’aimer (symbolique de l’eau) puisque c’est une sensation d’étouffement qui est à l’origine de sa tentative de meurtre : “Elle inventait d'autres rêves plus humbles : elle arrangeait une maison au bord de la mer, voyait en esprit le jardin, la terrasse, disposait les pièces, choisissait un à un chaque meuble, cherchait la place pour ceux qu'elle possédait à Saint-Clair, se disputait avec elle-même pour le choix des étoffes. Puis le décor se défaisait, devenait moins précis, et il ne restait qu'une charmille, un banc devant la mer. Thérèse, assise, reposait sa tête contre une épaule, se levait à l'appel de la cloche pour le repas, entrait dans la charmille noire et quelqu'un marchait à ses côtés qui soudain l'entourait des deux bras, l'attirait”. Ainsi, son obsession de l’amour se mêle à la réflexion sur le temps qui passe: “Un baiser, songe-t-elle, doit arrêter le temps ; elle imagine qu'il existe dans l'amour des secondes infinies. Elle l'imagine ; elle ne le saura jamais. Elle voit la maison blanche encore, le puits ; une pompe grince ; des héliotropes arrosés parfument la cour ; le dîner sera un repos avant ce bonheur du soir et de la nuit qu'il doit être impossible de regarder en face, tant il dépasse la puissance, de notre coeur : ainsi l'amour dont Thérèse a été plus sevrée qu'aucune créature, elle en est possédée, pénétrée”. L’emploi du présent de l’indicatif nous plonge encore plus dans les rêves et les fantasmes de Thérèse.

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