Lecture analytique de Rousseau, Les Confessions, livre IV, la description de Paris

Lecture analytique de Rousseau, Les Confessions, livre IV, la description de Paris

Texte

Combien l'abord de Paris démentit l'idée que j'en avais! La décoration extérieure que j'avais vue à Turin, la beauté des rues, la symétrie et l'alignement des maisons me faisaient chercher, à Paris, autre chose encore. Je m'étais figuré une ville aussi belle que grande, de l'aspect le plus imposant, où l'on ne voyait que de superbes rues, des palais de marbre et d'or. En entrant par le faubourg Saint-Marceau, je ne vis que de petites rues sales et puantes, de vilaines maisons noires, l'air de la malpropreté, de la pauvreté, des mendiants, des charretiers, des ravaudeuses, des crieuses de tisane et de vieux chapeaux. Tout cela me frappa d'abord à tel point, que tout ce que j'ai vu depuis à Paris de magnificence réelle n'a pu détruire cette première impression, et qu'il m'en est resté toujours un secret dégoût pour l'habitation de cette capitale. Je puis dire que tout le temps que j'y ai vécu dans la suite ne fut employé qu'à y chercher des ressources pour me mettre en état d'en vivre éloigné. Tel est le fruit d'une imagination trop active, qui exagère par-dessus l'exagération des hommes, et voit toujours plus que ce qu'on lui dit. On m'avait tant vanté Paris, que je me l'étais figuré comme l'ancienne Babylone, dont je trouverais peut-être autant à rabattre, si je l'avais vue, du portrait que je m'en suis fait. La même chose m'arriva à l'Opéra, où je me pressai d'aller le lendemain de mon arrivée; la même chose m'arriva dans la suite à Versailles; dans la suite encore en voyant la mer; et la même chose m'arrivera toujours en voyant des spectacles qu'on m'aura trop annoncés: car il est impossible aux hommes et difficile à la nature elle-même de passer en richesse mon imagination.

 

 

Rousseau, Les Confessions, livre IV

 

Lecture analytique

Dans ce texte l'imagination de Rousseau se heurte à une réalité décevante. L’expérience ce jour ici un rôle essentiel avec le verbe voir qui revient dans le texte avec l’insistance. L'imagination de Rousseau se nourrit de sa visite de Turin et aussi les récits qu'il a lus sur la Ville de Paris. Or la réalité est toujours décevante par rapport à l'imagination qui est sans limite. On se satisfait de ce que l'on voit à condition de ne pas l'avoir imaginé auparavant. Rousseau donne ici une vision très péjorative de la Ville de Paris, avec des antithèses très marquées. Tous les sens sont convoqués pour dévaloriser la ville. Le désordre y règne en maître avec la pauvreté et les mauvaises odeurs. Le dégoût de Jean-Jacques Rousseau pour Paris se transforme en haine dans ce texte autobiographique écrit bien longtemps après les événements qu'il relate. Rousseau apparait ici comme un homme sensible, plus attentif a ces sensations qu'à la réalité qui l'entoure. Les machinations apparaît donc comme consolatrice puisqu'elle permet de vivre ailleurs. Elle est aussi indispensable puisqu'elle permet au-delà du monde de sensible créer un monde de nouveau selon son cœur.


Écrire commentaire

Commentaires: 0