Commentaire composé sur la préface des Damnés de la Terre de Sartre

Commentaire composé sur la préface des Damnés de la Terre de Sartre

Commentaire composé

Dans les années 1930, la colonisation française connaît son apogée. Cependant, bien que la colonisation soit propice à la métropole, elle ne l’est pas pour tout le monde ce qui conduit à des écrits dénonciateurs de cette pratique. En 1961, en pleine guerre d’Algérie, Jean-Paul Sartre écrit un texte portant sur l’impact des européens sur les populations indigènes. Ainsi comment Jean-Paul Sartre structure t-il son texte pour donner toute sa force à la violence de ses propos ? Pour répondre à cette problématique, nous étudierons dans un premier temps les différents procédés argumentatifs présents dans ce texte suivi de l’analyse de la polémique que soulève cet extrait.

 

I Les procédés argumentatifs

La désignation des coupables : les lecteurs

“notre”, “Nous écoutions “ : L’auteur utilise la première personne du pluriel qui permet la désignation du lecteur tout en s’incluant.

 

“Nous écoutions sans déplaisir” : L’emploi du verbe “écoutions” présente les européens comme des êtres passifs mais surtout comment des personnes sans coeur qui n’ont pas pris la peine d’agir pour le bien d’autrui.

 

“1961” : Sartre situe le texte à son époque comme pour montrer que les coupables resteront à jamais coupables car on ne peut effacer le passé.

 

“Écoutez” : L’auteur utilise un impératif afin d’interpeller le lecteur mais d’une façon très autoritaire comme pour rappeler la façon dont le lecteur a traité les indigènes.  

 

“les zombies, c'est vous.” : Le texte se finit par un propos violent qui présente les européens méritant d’être devenus des zombies à cause de leurs actes. Par ailleurs, on note que Sartre a utilisé un “vous” exclusif comme pour montrer qu’il n’est pas coupable.

Attirer l’attention du lecteur

“Il n'y a pas si longtemps, la terre comptait deux milliards d'habitants, soit cinq cents millions d'hommes et un milliard cinq cents millions d'indigènes.” : Le texte débute par une phrase introductive très générale qui introduit toute la population mondiale. Ainsi le lecteur ne sait pas sur quoi va porter le texte et est curieux de le savoir, c’est pourquoi il poursuit sa lecture.

 

“D'abord ce fut un émerveillement fier : comment ? Ils causent tout seuls ?” : Sartre utilise des questions rhétoriques pour interpeller le lecteur et surtout pour le faire réfléchir.

 

“Voyez pourtant ce que nous avons fait d'eux !” : Sartre utilise différent types de phrase ce qui induit différents tons de paroles et permet ainsi de garder le lecteur attentionné.

 

“Ce ton est neuf. Qui ose le prendre ? Un Africain, homme du tiers monde, ancien colonisé.” : Sartre    entre phrases courtes et phrases longues, phrases verbes et non verbales il crée ainsi un rythme variant qui garde le lecteur éveillé.

 

“Il ajoute : “ L'Europe a acquis une telle vitesse folle, désordonnée... qu'elle va vers des abîmes dont il vaut mieux s'éloigner. ” “ : L’utilisation du discours indirect permet l’authenticité des propos et donc l’attention des lecteurs.

II Un texte polémique

La violence des propos

“L'élite européenne entreprit de fabriquer un indigénat d'élite ; on sélectionnait des adolescents, on leur marquait sur le front, au fer rouge, les principes de la culture occidentale, on leur fourrait dans la bouche des bâillons sonores, grands mots pâteux qui collaient aux dents ; après un bref séjour en métropole, on les renvoyait chez eux, truqués.” : Sartre présente les indigènes comme des objets. Par ailleurs il montre la violence des actes des européens notamment avec différents objets relatifs à la brutalité tel que le “fer rouge” ou encore “le bâillon”. De plus la succession de verbes : “fabriquer”,”sélectionnait”,”marquait”, “fourrait” ou encore “renvoyait” donne l’impression d’une chaîne de fabrication d’un produit.

 

“Nous ajoutions, tout à fait entre nous, pratiques : et puis laissons les gueuler, ça les soulage ; chien qui aboie ne mord pas.” : La présence du verbe “gueuler” traduit des tensions qui se sont peu à peu transformées en guerre.

 

“ Ne perdons pas de temps en stériles litanies ou en mimétismes nauséabonds. Quittons cette Europe qui n'en finit pas de parler de l'homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde. Voici des siècles... qu'au nom d'une prétendue "aventure spirituelle" elle étouffe la quasi-totalité de l'humanité. ” : Sartre utilise l’identité d’un indigène afin d’avoir plus d’impact sur son lecteur. Le discours de cet indigène étant très violent puisqu’il donne l’impression que l’européen est un tyran notamment avec le mot violent “massacrant “.

 

“Après quelques pas dans la nuit vous verrez des étrangers réunis autour d'un feu, approchez, écoutez : ils discutent du sort qu'ils réservent à vos comptoirs, aux mercenaires qui les défendent.” : Ce texte semble prôner une rébellion des indigènes, une révolte particulièrement violente dont Sartre semble être en accord.

 

“Ils vous verront peut-être, mais ils continueront de parler entre eux, sans même baisser la voix. Cette indifférence frappe au cœur : les pères, créatures de l'ombre, vos créatures, c'étaient des âmes mortes, vous leur dispensiez la lumière, ils ne s'adressaient qu'à vous, et vous ne preniez pas la peine de répondre à ces zombies.” : La violence ne cesse de monter au fils du texte et cette dernière ne s’arrêtera pas tant qu’une inversion des rôles n’aura pas eu lieu.

La culpabilisation

“Les premiers disposaient du Verbe, les autres l'empruntaient. Entre ceux-là et ceux-ci, des roitelets vendus, des féodaux, une fausse bourgeoisie forgée de toutes pièces servaient d'intermédiaires.” : Sartre introduit le fait que ces deux populations sont différentes. C’est sur cet argument et plusieurs autres qu’il va faire culpabiliser le lecteur puisqu’il va démontrer l’obligation pour le peuple indigène à se soumettre au modèle occidental.

 

“Aux colonies la vérité se montrait nue ; les “ métropoles ” la préféraient vêtue ; il fallait que l'indigène les aimât.” : Cette phrase explicite le fait que les indigènes devaient se soumettre aux désirs des européens notamment avec l’utilisation du verbe du devoir “fallait” qui prouve cette idée d’obligation.

 

“Comme des mères, en quelque sorte.” : Les indigènes étaient donc perçus comme des enfants sauvages qu’il fallait éduquer. Ainsi les européens s’attribuent un rôle paternaliste d’où l’emploi du mot maternel “mère” et cherchent à répandre leur model.

 

“Ces mensonges vivants n'avaient plus rien à dire à leurs frères ; ils résonnaient ; de Paris, de Londres, d'Amsterdam nous lancions des mots “ Parthénon !  Fraternité ! ” Et, quelque part en Afrique, en Asie, des lèvres s'ouvraient : “... thénon ! ... nité ! ” C'était l'âge d'or.” : Selon Sartre, l’indigène est devenu un robot et cela à cause des européens. Il utilise aussi l’ironie “C'était l'âge d'or.” car tout dépend du côté duquel on se place, du côté européen, la colonisation a permis l’enrichissement alors que que du côté indigène le résultat est à l’opposé.

 

“Voyez pourtant ce que nous avons fait d'eux !” : Cette phrase exclamative montre l'aberration de l’auteur qui permet aussi de faire culpabiliser ses lecteurs.

 

“Nous ajoutions, tout à fait entre nous, pratiques : et puis laissons les gueuler, ça les soulage ; chien qui aboie ne mord pas.” : La façon dont est présentée les européens montre la violence de ces derniers mais aussi leur égocentrisme puisqu’ils ne se soucient en aucun cas du ressenti des indigènes.

Ainsi ce texte porte à débat puisqu’il expose avec violence les impacts de la colonisation européenne. Sartre cherche à faire culpabiliser les colons mais surtout à les faires réfléchir grâce à différents procédés argumentatifs.

Albert Camus dans La peste présente lui aussi la guerre d’Algérie mais cette fois ci sous un angle plus personnel puisqu’il s’inspire de sa propre histoire pour rédiger ce roman aux allures autobiographiques.


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