Commentaire composé sur le poème "La courbe de tes yeux" de Paul Eluard

Commentaire composé sur le poème "La courbe de tes yeux" de Paul Eluard

Etude linéaire

Introduction

 

Paul Éluard, figure majeure du surréalisme, est un poète dont l'œuvre explore profondément les thèmes de l'imaginaire, du rêve et de l'inconscient. Né Eugène Grindel en 1895 à Saint-Denis, il se lie d'amitié avec des artistes tels que Max Ernst et Picasso, influençant et étant influencé par le mouvement surréaliste. Ses recueils tels que "Capitale de la douleur" (1926) et "L'amour, la poésie" (1929) témoignent de son approche novatrice de la poésie. Au cœur de son travail, on trouve une célébration du sentiment d'appartenance à la communauté humaine. "La Courbe de tes yeux", tiré de "Capitale de la douleur", est un poème dédié à Gala, sa muse, rencontrée lors de son séjour en sanatorium. Leur relation complexe se termine en 1929, mais elle reste une source d'inspiration profonde pour le poète. Dans ce poème, Éluard explore l'éblouissement de voir le monde à travers les yeux de l'être aimé.

 

Problématique

 

Ce poème soulève la question suivante : Comment Éluard perçoit-il Gala et comment se manifeste son amour pour elle ? Pour y répondre, nous examinerons l'éloge de la femme aimée, la représentation de Gala en tant qu'être divin, et enfin son rôle de figure providentielle ouvrant sur le monde.

 

I) L’éloge de la femme aimée qui rappelle la présence maternelle

 

Dans "La Courbe de tes yeux", Éluard débute par un blason, célébrant la beauté de Gala à travers le détail de ses yeux. L'utilisation du champ lexical de la rondeur ("rond, auréole, berceau") évoque la douceur maternelle, renforcée par les allitérations en [s]. L'image de l'auréole ajoute une dimension religieuse, faisant de Gala une figure angélique protectrice. Le regard de Gala est présenté comme un berceau nocturne, offrant sécurité et amour, et ses yeux deviennent une allégorie de l'enveloppement maternel. Éluard personnifie ainsi la présence maternelle à travers Gala, une source de vie et d'inspiration pour lui.

 

II) Un être divin

 

Éluard poursuit en représentant Gala comme un être divin, source de lumière et d'inspiration. Les assonances en [è] et le champ lexical de la lumière renforcent cette idée de pureté et de divinité. Les éléments naturels énumérés ("feuilles, mousse, roseaux") sont perçus à travers le regard de Gala, symbolisant sa capacité à illuminer et à donner vie au monde environnant. Les images de lumière et d'ailes d'ange soulignent le lien entre Gala et le divin, faisant d'elle une figure lumineuse et céleste dans la vie d'Éluard.

 

III) Image de la femme providentielle qui provoque l’ouverture sur le monde du poème

 

Enfin, Éluard présente Gala comme une figure providentielle, porteuse d'un monde nouveau. La pureté et l'innocence de son regard sont associées à l'aurore, métaphore de la naissance d'un jour nouveau. Gala est perçue comme une mère universelle, une déesse créatrice. Les images du cosmos ("aurore", "astres", "monde") liées à Gala soulignent son rôle de génitrice cosmique, offrant pureté et renouveau.

 

Conclusion

 

Dans "La Courbe de tes yeux", Éluard transcende la simple déclaration d'amour pour élever Gala au rang de muse universelle, source de lumière, de vie et d'inspiration. Ce poème est une célébration de l'amour en tant que force créatrice, capable de transformer la perception du monde. Éluard, à travers ce texte, se fait le chantre d'un bonheur partagé, d'une union qui s'ouvre sur le monde, rappelant ainsi son autre œuvre "Le Phénix" où il souligne l'importance de l'autre dans la construction de soi.

Commentaire composé

I) UN BLASON MODERNE

 

Ce poème offre une description très concrète des yeux de Gala : le mot “yeux” est répété 3 fois (v.1; v.5; v.14). De plus, ils sont décrits comme étant “rond” (v.2), ce qui reprend le motif de la boucle qui domine tout le poème, tant par les champs lexicaux :”tour” (v.1) , “Auréole” (v.3), “berceau” (v.3) que par la forme puisque le poème est un quintil et le terme “yeux” présent dès le vers 1 est repris dans le dernier vers du poème. 

Le texte se fonde sur un jeu d’échos sonores qui produit un effet de circularité. Les allitérations sont très présentes dans ce poème : le [s] souligne la douceur de la femme aimée “sûr” (v.3), “sang” (v.15) ; l’allitération en [r] évoque la souffrance de la dépendance affective du poète envers Gala “courbe” (v.1),  “regards” (v.15) ; enfin l’allitération en [k] donne l’impression que le poète butte sur son amour chaotique “nocturne” (v.3),“coeur” (v.1). Le dernier vers, vers 15, reprend la totalité de ces allitérations, pour clore le motif de la boucle aussi bien au niveau des sonorités que du sens. 

Au-delà de l’éloge des yeux, le poème est aussi un hymne à l’amour heureux. Les premier et dernier quintils suggèrent la dépendance d’Eluard envers sa femme “Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu / C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu” (v.4-5), “Le monde entier dépend de tes yeux purs/ Et tout mon sang coule dans leurs regards.” (v.14-15). Le poète exprime la volonté d'avoir un amour passionnel mais qui s’avère être un amour dangereux puisque sa vie dépend d’elle et si elle n’est pas là il meurt “C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu”. Dans ce poème lyrique (“mon coeur” (v1), “mon sang” (v. 15)), le poète s’adresse à sa femme “tes yeux” (v.1,5,15).  L’énonciation change lors de la deuxième strophe puisque par l’absence des pronoms personnels, l’auteur semble ne plus s’adresser à personne en particulier, ce qui donne une portée universelle à son message.

 

II) LA RENAISSANCE DU POÈTE

 

La multiplication des images confère aux yeux de Gala une valeur symbolique forte, qui dépasse de loin la simple description. La notion de naissance est très présente dans le poème, comme si Gala était aussi sa mère qui le protégeait de tous les maux de la vie: berceau nocturne et sûr” (v.3). Ceci fait également écho à la naissance de Jésus et emploie le lexique de la nativité: “éclos” “gît toujours sur la paille des astres” on a une image de la crèche. 

De par son rythme et l’organisation de ses strophes, ce poème s’apparente à une berceuse. Les 3 strophes sont toutes construites de la même façon : elles comportent cinq vers chacune pour former trois quintils. 

Le “je” du poète semble dépendre totalement du regard de la femme aimée :“La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur”(v1), ce vers souligne l’amour que le poète porte à la femme, “tout mon sang coule dans leurs regards” (v.15), en effet le terme “sang” fait référence à la vie ce qui veut dire que sa vie dépend du regard de la femme. “Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu/ C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.” (v4-5), ce vers suggère que si sa femme n’est pas là il peut finir par en mourrir. Le poète est donc totalement dépendant de sa femme, elle a un pouvoir de vie ou de mort sur lui.

 

III) LA FEMME, UNE MÉDIATRICE ENTRE LE POÈTE ET LE MONDE

 

Les yeux de Gala semblent contenir un monde miniature. L’image de ses yeux est mise en relation avec la Nature. En effet, le champ lexical de la Nature est utilisé tout au long de la deuxième strophe : “Feuilles de jour” (v6), “roseaux du vent” (v7), "ciel'' (v9), “mer” (v9). On voit donc qu' à travers ce champ lexical, l’auteur considère sa femme comme son propre monde. 

L'amour, selon Éluard, décuple les facultés de perception. Le poète fait une description de syeux de Gala qui sollicite tous les sens: tout d’abord la vue “yeux” (v1,5,15), “regards” (15); vient ensuite l’odorat “parfums” (11), “parfumés” (7); et enfin l’ouïe “des bruits” (10). Cette synesthésie révèle que son amour induit une connexion de tous ses sens et que son monde miniature réveille également tous les sens. 

Les yeux de la femme aimée sont pour le poète le reflet d’un monde idéal, dans lequel toutes les contradictions s’annulent. Comme une mère éloigne les peurs de son fils, la femme éloigne les cobtradiction du poète. Le poète décrit tous les éléments joyeux de la vie et de notre monde : “ sourires parfumés”, “couleurs”. “Ailes couvrant le monde de lumière”, ainsi les “ailes” représentent les yeux de la femme, l’auteur fait sous-entendre que c’est grâce à ses yeux que le monde est si joyeux, couvert de lumière et éloigné de tous les maux. 


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