Commentaire composé du portrait de Madame de Maintenon par Saint-Simon

Commentaire composé du portrait de Madame de Maintenon par Saint-Simon

Photo by Bonnie Kittle on Unsplash
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Texte

Portrait de Madame de Maintenon par Saint-Simon

 

 

 

C'était une femme de beaucoup d'esprit, que les meilleures compagnies, où elle avait d'abord été soufferte, et dont bientôt elle fit le plaisir, avaient fort polie et ornée de la science du monde, et que la galanterie avait achevé de tourner au plus agréable. Ses divers états l'avaient rendue flatteuse, insinuante, complaisante, cherchant toujours à plaire. Le besoin de l'intrigue, toutes celles qu'elle avait vues, en plus d'un genre, et de beaucoup desquelles elle avait été, tant pour elle-même que pour en servir d'autres, l'y avaient formée, et lui en avaient donné le goût, l'habitude et toutes les adresses. Une grâce incomparable à tout, un air d'aisance, et toutefois de retenue et de respect, qui par sa longue bassesse lui était devenu naturel, aidaient merveilleusement ses talents, avec un langage doux, juste, en bons termes, et naturellement éloquent et court. Son beau temps, car elle avait trois ou quatre ans plus que le roi, avait été celui des belles conversations, de la belle galanterie, en un mot de ce qu'on appelait les ruelles; lui en avait tellement donné l'esprit, qu'elle en retint toujours le goût et la plus forte teinture. Le précieux et le guindé ajouté à l'air de ce temps-là, qui en tenait un peu, s'était augmenté par le vernis de l'importance, et s'accrut depuis par celui de la dévotion, qui devint le caractère principal, et qui fit semblant d'absorber tout le reste. Il lui était capital pour se maintenir où il l'avait portée, et ne le fut pas moins pour gouverner. Ce dernier point était son être; tout le reste y fut sacrifié sans réserve. La droiture et la franchise étaient trop difficiles à accorder avec une telle vue, et avec une telle fortune ensuite, pour imaginer qu'elle en retînt plus que la parure. Elle n'était pas aussi tellement fausse que ce fût son véritable goût, mais la nécessité lui en avait de longue main donné l'habitude, et sa légèreté naturelle la faisait paraître au double de fausseté plus qu'elle n'en avait.

 

Elle n'avait de suite en rien que par contrainte et par force. Son goût était de voltiger en connaissances et en amis comme en amusements, excepté quelques amis fidèles de l'ancien temps dont on a parlé, sur qui elle ne varia point, et quelques nouveaux des derniers temps qui lui étaient devenus nécessaires. À l'égard des amusements, elle ne les put guère varier depuis qu'elle se vit reine. Son inégalité tomba en plein sur le solide, et fit par là de grands maux. Aisément engouée, elle l'était à l'excès; aussi facilement déprise, elle se dégoûtait de même, et l'un et l'autre très souvent sans cause ni raison.

 

L'abjection et la détresse où elle avait si longtemps vécu lui avait rétréci l'esprit, et avili le cœur et les sentiments. Elle pensait et sentait si fort en petit, en toutes choses, qu'elle était toujours en effet moins que Mme Scarron, et qu'en tout et partout elle se retrouvait telle. Rien n'était si rebutant que cette bassesse jointe à une situation si radieuse; rien aussi n'était à tout bien empêchement si dirimant, comme rien de si dangereux que cette facilité à changer d'amitié et de confiance.

 


Commentaire composé

Comment Saint-Simon dissimule-t-il une critique féroce sous un portrait flatteur ?

 

Introduction

 

Mme Maintenon : ascension sociale …

 

Portraits de St Simon : portraits de la royauté et de la cour très cruels. Aristocrate qui assiste au déclin de sa classe.

 

 

I) L’art du portrait

 

Le but de St Simon est d’avoir un regard perçant sur le monde, il veut passer outre les apparences. Mme de Maintenon est pour lui un sujet parfait.  Chez elle tout n’est qu’illusion et hypocrisie.  : l20 -22 :”au double de fausseté”. Le personnage paraît alors faux.

 

St Simon utilise des formules très évocatrices : les qualités abstraites avec des verbes de mouvement créent une animation du portrait.

 

Le texte est imagé, l 3,4 tout est excessif et radical il accentue les faits avec de nombreuses hyperboles.

 

Création d’un portrait à charge

 

Même ses compliments sont emplis de haine :” flatteuse, insinuante, complaisante, cherchant toujours à plaire” ces qualités la font devenir une manipulatrice. Elle est fausse et ne s’attache aux gens que par intérêt.

 

II) La cruauté de la peinture

 

Mme de Maintenon est décrite négativement l 4,5.  Elle a le goût du pouvoir.

 

La méchanceté de St Simon n’a pas de limite, il évoque l'âge de Mme de Maintenon comme une critique : “ elle avait quatre ans de plus que le roi”. Il évoque un passé glorieux, désormais, il rappelle qu’elle est trop vieille.

 

Le portrait s’ouvre sur une qualité haineuse, tout de suite rabaissée par un défaut. Le compliment est donc annulé : ”C'était une femme de beaucoup d'esprit, que les meilleures compagnies, où elle avait d'abord été soufferte”. Il colore son éloge de manière péjorative. Le portrait est évidemment exagéré car elle ne peut posséder autant de défauts.

 

Il remet en question ses origines : sa bassesse est rappelée plusieurs fois dans le texte. Pour St Simon chaque homme doit rester à sa place or elle a fait une ascension sociale.

 

Sa bassesse peut donc expliquer tous ses défauts.

 

St Simon voit le déclin de sa classe s’opérer, il essaie de se rebeller dans ses portraits.

 

St Simon la décrit comme un personnage hypocrite, qui se joue des autres, elle serait cachée derrière “le vernis de l'importance”. En effet elle joue de nombreux rôles et change d’apparence en fonction des personnes : “ comme rien de si dangereux que cette facilité à changer d'amitié et de confiance.”

 

Conclusion

 

Portrait à charge de Mme de Maintenon, elle sort rétrécie de ce portrait. Elle a heurté les principes de St Simon qui est contre les bâtards et les maîtresses.


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