Commentaire composé de Horace de Corneille, acte IV, scène 5

Commentaire composé de Horace de Corneille, acte IV, scène 5

Texte

Corneille, Horace acte IV, scène 5

 

 

CAMILLE

 

O mon cher Curiace !

 

HORACE

 

O d'une indigne sœur insupportable audace !

 

D'un ennemi public dont je reviens vainqueur

 

Le nom est dans ta bouche et l'amour dans ton cœur !

 

Ton ardeur criminelle à la vengeance aspire !

 

Ta bouche la demande, et ton cœur la respire !

 

Suis moins ta passion, règle mieux tes désirs,

 

Ne me fais plus rougir d'entendre tes soupirs :

 

Tes flammes désormais doivent être étouffées ;

 

Bannis-les de ton âme, et songe à mes trophées ;

 

Qu'ils soient dorénavant ton unique entretien.

 

 

 

CAMILLE

 

Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien ;

 

Et si tu veux enfin que je t'ouvre mon âme,

 

Rends-moi mon Curiace, ou laisse agir ma flamme ;

 

Ma joie et mes douleurs dépendaient de son sort ;

 

Je l'adorais vivant, et je le pleure mort.

 

Ne cherche plus ta sœur où tu l'avais laissée ;

 

Tu ne revois en moi qu'une amante offensée,

 

Qui, comme une furie attachée à tes pas,

 

Te veut incessamment reprocher son trépas.

 

Tigre altéré de sang, qui me défends les larmes,

 

Qui veux que dans sa mort je trouve encor des charmes,

 

Et que jusques au ciel élevant tes exploits,

 

Moi-même je le tue une seconde fois !

 

Puissent tant de malheurs accompagner ta vie,

 

Que tu tombes au point de me porter envie !

 

Et toi bientôt souiller par quelque lâcheté

 

Cette gloire si chère à ta brutalité !

 

 

 

HORACE

 

O ciel ! qui vit jamais une pareille rage !

 

Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage,

 

Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?

 

Aime, aime cette mort qui fait notre bonheur,

 

Et préfère du moins au souvenir d'un homme

 

Ce que doit ta naissance aux intérêts de Rome.

 

 

 

CAMILLE

 

Rome, l'unique objet de mon ressentiment !

 

Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !

 

Rome, qui t'a vu naître, et que ton cœur adore !

 

Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore !

 

Puissent tous ses voisins ensemble conjurés

 

Saper ses fondements encor mal assurés !

 

Et si ce n'est assez de toute l'Italie,

 

Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie ;

 

Que cent peuples unis des bouts de l'univers

 

Passent pour la détruire et les mots et les mers !

 

Qu'elle-même sur soi renverse ses murailles,

 

Et de ses propres mains déchire ses entrailles ;

 

Que le courroux du ciel allumé par mes vœux

 

Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux !

 

Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,

 

Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre,

 

Voir le dernier Romain à son dernier soupir,

 

Moi seule en être cause, et mourir de plaisir !

 

 

 

HORACE (mettant la main à l'épée, et poursuivant sa saur qui s'enfuit)

 

C'est trop, ma patience à la raison fait place ;

 

Va dedans les enfers plaindre ton Curiace !

 

 

 

CAMILLE (blessée derrière le théâtre)

 

Ah ! traître !

 

HORACE (revenant sur le théâtre)

 

Ainsi reçoive un châtiment soudain

 

 

 

Quiconque ose pleurer un ennemi romain !

 


Commentaire composé

Comment dans ce texte tragique chacun des personnages s’emploie à blesser l’autre dans un affrontement qui a une cause politique.

 

Introduction:

 

Horace est une pièce de Corneille jouée pour la première fois en 1640. Elle nous raconte la guerre entre Albe et Rome. Pour y mettre fin, trois champions albains, les Curiaces, et trois Romains doivent s’affronter. A peine revenu du combat où il a triomphé, Horace, l’unique survivant, se heurte à sa sœur Camille qui aimait l’un des des Curiaces. Après une dispute, Horace, considérant cet amour pour une trahison décide de tuer Camille. Comment dans ce texte tragique chacun des personnages s’emploie à blesser l’autre dans un affrontement qui a une cause politique? Nous répondrons à cette question en nous intéressant à l’affrontement tragique entre Camille et Horace, puis au déchaînement des passions.

 

 

I/ Un affrontement tragique:

 

v2 : “Ô d’une indigne sœur insupportable audace !” début de l’affrontement entre Horace et Camille.

 

v3-4 : “D’un ennemi public dont je reviens vainqueur Le nom est dans ta bouche et l’amour dans ton cœur !” Début de la dispute.

 

v3-4 : Enjambement mettant en valeur “vainqueur” et “nom” montre que Horace monopolise la parole pendant la dispute.

 

v9: “Tes flammes désormais doivent être étouffées ;” Horace rappelle à Camille qu'elle n’a pas le droit d’aimer la personne qu’elle aime.

 

v10: “Bannis-les de ton âme, et songe à mes trophées” Horace dit à Camille de faire plus attention à lui, à sa victoire, qu'à son amant, qui était un ennemi de leur patrie. Notion d’interdit, thème classique de la tragédie.

 

v11: “Qu’ils soient dorénavant ton unique entretien” Horace donne un ordre à Camille, en lui disant d’oublier son amant. Notion de devoir, thème classique de la tragédie

 

v12: “Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien” Camille traite son frère d’étranger avec le mot “barbare”, donc elle le trahit avec cette insulte. De plus, Camille joue sur le double sens du mot “cœur” soit amour et courage, donc elle reproche à son frère d’avoir du courage.

 

v17 : “Ne cherche plus ta sœur où tu l’avais laissée ;” Horace à perdu sa sœur, elle lui dit qu’elle passe dans le camp de l’ennemi puisqu'elle refuse d’appartenir à la famille Horace, montre qu’elle est en colère contre lui.

 

v18 : “Tu ne revois en moi qu’une amante offensée” Notion d’offense, Camille est blessée à mort à mort à cause de son honneur. Elle mourra si elle ne peut se venger..

 

v21-22 “Tigre altéré de sang, qui me défends les larmes, Qui veut que dans sa mort je trouve encor des charmes,” Camille traite Horace de “tigre”, soit un animal qui tue par plaisir, et elle lui dit que en plus, il l’empêche de pleurer son amant et devrait se réjouir de sa mort. Une fois de plus il y a un interdit social sur son amour.

 

v25-26: “Puissent tant de malheurs accompagner ta vie, Que tu tombes au point de me porter envie !” v27-28 “Et toi bientôt souiller par quelque lâcheté Cette gloire si chère à ta brutalité !” Camille fait appelle aux Dieux pour pouvoir réaliser sa vengeance, elle ne peut riposter que de cette façon, elle se bat avec ses propres armes.Elle veut ternir la réputation d’Horace, ce qui est une grande insulte pour lui.

 

v25-26: enjambement, met en valeur “lâcheté” Camille espère que Horace que va se déshonorer lui même. Double malédiction.

 

v29: “Ô ciel ! qui vit jamais une pareille rage !” Horace fait lui aussi appelle aux Dieux pour qu’ils constatent, d’après lui, la colère insensée de sa sœur.

 

v30-31: “Crois-tu donc que je sois insensible à l’outrage, Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?” Horace dit à Camille qu’elle a tort de le provoquer car il finira par la tuer.  

 

v32: “Aime, aime cette mort qui fait notre bonheur,” Horace dit que la mort de l’amant de Camille résout de nombreux problèmes. Il demande à Camille “d’ouvrir les yeux”.

 

v33-34: “Et préfère du moins au souvenir d’homme Ce que doit ta naissance aux intérêts de Rome.” Horace rappelle à Camille qu’elle ne peut trahir sa patrie pour un ennemie.

 

v35 à 38: anaphore de “Rome” montrant que Camille hais Rome

 

v38: “Rome enfin, que je hais parce qu’elle t’honore !” Camille hais Rome car elle rend honneur à son frère pour avoir tué son amant.

 

v39: “Puissent tous ses voisins ensemble conjurés” v40:”Saper ses fondements encor mal assurés !” v41: “Et si ce n’est assez de tout l’Italie” v42: “Que l’Orient contre elle à l’Occident s’allie ;” v43: “Que cent peuples unis des bouts de l’univers” v44: “Passent pour la détruire et les monts et les mers !” v45: “Qu’elle-même sur soi renverse ses murailles,” v46: “Et de ses propres mains déchire ses entrailles :” v47: “Que le courroux du ciel allumé par mes voeux” v48: “Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux!” v49: “Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,” v50: Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre,” v51: “Voir le dernier Romain à son dernier soupir,” v52: “Moi seule en être cause, et mourir de plaisir !” Dans chacun de ses vers, il y a une personnification de Rome. Cela nous montre que Camille voudrait voir Rome mourir comme une personne.

 

v55: didascalie: mettant la main à l’épée, et poursuivant sa sœur qui s'enfuit Horace perd patience et décide de tuer sa sœur. v55: “C’est trop, ma patience à la raison fait place;”

 

V56: “Va dedans les enfers plaindre ton Cuirace” Horace maudit Camille.

 

v58-59: “Ainsi reçoive un châtiment soudain quiconque ose pleurer un ennemi romain!” Camille n’a même pas eu le temps de finir sa réplique, Horace l'a tuée. Elle a été tuée soudainement, alors qu’elle aurait pu encore parler.

 

 

II/ Le déchaînement de la passion:

 

v1: “Ô mon cher Curiace !” montre l’amour de Camille

 

v3-4 : “D’un ennemi public dont je reviens vainqueur Le nom est dans ta bouche et l’amour dans ton cœur !” Horace revient d’un combat mais sa sœur lui refuse sa place de héros car il a tué celui qu’elle aimait.

 

v5: “Ton ardeur criminelle à la vengeance aspire” v6: “Ta bouche la demande, et ton cœur la respire” Montre que Camille veut venger celui qu’elle aimait et que sa vengeance est motivée par l’amour, soit sa passion.

 

v6-7 : “Suis moins ta passion, règle mieux tes désirs, Ne me fait plus rougir d’entendre tes soupirs” Horace demande à Camille d’être plus raisonnable, car d’après lui, elle fait honte à sa famille et sa patrie en voulant venger son amant.

 

v9 “flamme” vocabulaire de la passion

 

v12: “Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien” Camille est tellement aveuglée par la passion qu’elle en oublie le sacrifice héroïque de son frère.

 

v18: “amante” vocabulaire de la passion

 

v13-14: “Et si tu veux enfin que je t’ouvre mon âme, Rends-moi mon Curiace ou laisse agir ma flamme ;” Camille est tellement sous l’emprise de la passion, qu’elle en perd la raison. Elle doit se venger pour pardonner son frère.

 

v15: “Ma joie et ma douleur dépendaient de son sort ;” Camille avoue que sa vie dépendait de sa passion pour le Curiace.

 

v16: “Je l’adorais vivant, et je le pleure mort.” Figure d’opposition montrant que Camille avait élever le Curiace au rang des Dieux.

 

v19: “Qui, comme une furie attachée à tes pas,” Camille dit qu’elle se transformera en “furie”, soit un monstre incarnant la vengeance. Elle ne cessera pas de poursuivre Horace tant qu’elle n’aura pas vengé son amant.

 

v20: “Te veut incessamment reprocher son trépas” Camille dit qu’elle en voudra toujours à Horace d’avoir tué son amant.

 

v23-24 : “Et que jusques au ciel élevant tes exploits, Moi-même je le tue une seconde fois !” Camille ne veut pas couvrir d’honneur son frère cela minimiserait la perte de son amant. Sa passion prend encore une fois le dessus sur le devoir et l’honneur.

 


Écrire commentaire

Commentaires: 0